Rivista di Scienza - Vol. II/Le principe d'inertie et les dynamiques non-newtoniennes
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LE PRINCIPE D’INERTIE
ET LES DYNAMIQUES NON-NEWTONIENNES.
Dans un article paru dans le premier numéro de cette Rivista, M. Emile Picard a familiarisé les lecteurs avec une conception progressive de la Mécanique, avançant par approximations successives.
C’est dans le même ordre d’idées que j’écris les pages suivantes, où je reprend un sujet que j’ai traité dans mon livre Problemi della Scienza1.
Le principe d’inertie que l’on rencontre au début de la Mécanique classique, soulève de graves difficultés aussitôt qu’on le soumet à une analyse approfondie. C’est que d’abord sa signification elle-même apparaît liée au mouvement absolu, et que cette conception, bien que crée par Newton, ne saurait satisfaire aujourd’hui les esprits critiques; en outre le rôle de l’hypothèse d’inertie semble difficile à saisir par rapport au dèveloppement de la Dynamique newtonienne.
Il y a lieu d’essayer la construction d’une Mécanique relative et locale, où le mouvement est rapporté à un repère (mobile) quelconque, en faisant abstraction du monde extérieur. Alors une partie de la Mécanique classique demeure invariant: c’est la Statique et la Dynamique du mouvement commençant.
La continuation du mouvement ne saurait être prévue si on n’introduit une hypothèse, où l’on tient compte de la solidarité de notre repère avec le monde extérieur. Pour de vitesses assez petites et de mouvements de courte durée, cette hypothèse se rèduit en une première approximation à un principe, qui renferme celui d’inertie, et que nous appelons le principe d’inertie généralisé.
C’est le principe qui sert de base à la Dynamique newtonienne; et il est bien connu que celle-ci se trouve très sensiblement vérifiée par les observations planétaires, lorsqu’on rapporte le mouvement aux étoiles (à peu près) fixes.
Maintenant un doute se soulève tout naturellement: le principe newtonien ne serait même en ce cas, qu’une vérité approchée? alors l’étude de phenomènes où interviennent des vitesses supérieures exigerait peut-être quelques corrections, et il faudrait remplacer l’inertie par un’hypothèse de solidarité plus compliquée, donnant lieu à une Dynamique non-newtonienne.
C’est ce doute que je tâche à éclaircir en rapprochant les Dynamiques non-newtoniennes à quelques théories physiques récentes (électro-magnetisme, rayons catodiques etc), où une explication mécanique d’après les postulats de Newton semble démentie par les faits.
Les expériences élémentaires et le principes d’inertie.
On ne rencontre d’ordinaire aucune difficulté à faire accepter le principe d’inertie à ceux qui commencent l’étude de la Mécanique.
Voici une bille appuyée sur un plan horizontal; il est aisé de constater qu’elle est en équilibre quelque soit la position où elle se trouve, ce que l’on exprime en disant qu’elle n’est pas sollicitée par de forces. Nous discuterons bientôt cette interpretation; en l’acceptant pour le moment, poursuivons la description de notre expérience.
Donnons un petit choc à la bille; celle-ci se mettra en mouvement et ce mouvement se continuera pendant un certain temps, mais s’arrêtera toujours plus tôt ou plus tard. Cependant plus on a eu soin de diminuer le frottement, plus la bille mantient la vitesse acquise par le choc initial. On conçoit que, s’il n’y avait pas de frottement, la vitesse se mantiendrait rigoureusement invariable et par suite la bille ne s’arrêterait jamais.
Cette conclusion à la limite se trouve justifiée par d’autres considérations. Si l’on remplace le plan horizontal par un plan incliné, on aura une force constante agissant sur la bille, qui est appuyée, en n’importe quel point, sur le plan. En ce cas la bille, si elle est abandonnée à elle-méme ou si elle subit un petit choc initial, se mouvera en descendant avec une vitesse croissante, et l’accroissement de vitesse (c’est à dire l’accélération) sera proportionnel à la force que agit sur la bille (son poids réduit par rapport à l’inclinaison du plan).
Mais si on se croit autorisé à interpreter ces expériences en postulant une proportionnalité exacte entre la force et l’accélération qu’elle produit, on en déduit qu’à la limite, lorsque, le plan aboutissant à la position horizontale, il n’y aura plus de forces agissant sur la bille, la vitesse de celle-ci se mantiendra constante; ainsi le principe d’inertie nous apparait comme la forme limite de la loi de dépendance entre l’accélération et la force, lorsque celle-ci s’évanouit. Et c’est bien là l’origine historique du principe d’inertie, que M. Mach rappelle dans son ouvrage classique sur le développement de la Mécanique.
Pour accorder la conception théorique de l’inertie avec le fait brut du mouvement de la bille sur un plan horizontal, on a recours au frottement, en attribuant ainsi une influence atténuée à certaines causes retardatrices du mouvement qui agissent plus fortement lorsque la bille se meut sur une surface qui n’est pas polie.
Faisons abstraction du frottement; cela veut dire que nous remplaçons l’expérience réelle par un’autre expérience idéale où l’on a un plan rigoureusement poli. Néanmoins d’autres difficultés surgissent à l’esprit, quand on se représente le mouvement de la bille se continuant sans fin sur notre surface horizontale. C’est qu’en tenant compte de ce que la terre est ronde, on est obligé à choisir entre deux hypothèses: ou bien la surface donnée n’est pas un plan (s’approchant d’une sphère qui a le même centre que notre planète), ou bien, cette surface étant plane et rigoureusement polie, la bille ne se trouvera pas en équilibre qu’en un point bien déterminé, c’est à dire en le point le plus bas de celle-ci (le point le plus voisin à la terre).
Il n’y a pas à s’étonner de ces conclusions. L’expérience élémentaire dont nous sommes partis se rapporte à un corps sollicité par la gravité; cette force, il est vrai, est balancée par la résistance de la surface sur laquelle la bille se trouve appuyée, et par suite il est permis en une première approximation de la negliger en traitant la bille comme un point matériel qui n’est pas sollicité par de forces; mais il serait étonnant que cette simplification hypothétique réponda à toutes les conditions de l’expérience indéfiniment poursuivie.
Il suffit d’avoir abandonné la conception géocentrique du monde pour qu’on ne doute pas qu’il y a lieu ici à une nouvelle correction, c’est à dire qu’il faut procéder à une abstraction successive en remplaçant la bille par un point matériel très éloigné de tous les autres. Par cette hypothèse nous éliminons les forces agissant sur le point (ces forces étant conçues comme des actions de la matière environnante qui deviennent très faibles lorsque celle-ci est éloignée); nous nous plaçons donc en de circonstances simples en lesquelles nous sommes amenés à admettre comme vrai le principe d’inertie, que nous enoncerons de la façon suivante: un point matériel très éloigné de tous les autres se meut en ligne droite avec une vitesse uniforme.
L’inertie et le mouvement absolu.
Nous venons de reconnaître par quelles abstractions successives on est été amené à postuler le principe d’inertie qui se trouve à la base de la Mécanique classique. Mais il y a lieu de se demander quel sens pourra-t-on accorder au postulat ainsi établi. Cette analyse est d’autant plus nécessaire que toute abstraction, en vidant les mots de leur signification habituelle, risque d’aboutir à de propositions qui ne signifient plus rien.
Que le lecteur en juge par cet exemple!
Dans l’experience de la bille, on visait le mouvement, considéré par rapport à la terre; on parlait donc d’un mouvement relatif. Mais le principe d’inertie considéré comme un postulat général de la Dinamique ne saurait se rapporter à ce même mouvement relatif.
Pour s’en convaincre il n’importe même pas de developper quelques conséquences de la Dinamique théorique et de montrer par le fait qu’il y a contradiction avec l’expérience2; quiconque aura abandonné la conception géocentrique du monde, ne doutera pas à priori qu’il n’y ait aucune raison pour que le principe d’inertie exprime une propriété du mouvement par rapport à la terre plûtot qu’au soleil ou à une autre étoile quelconque; et cependant les corps célestes sont eu mouvement relatif les uns par rapport aux autres, de sorte que le principe d’inertie ne saurait régir également le mouvement d’un point matériel rapporté à ces repères différents.
On sait comment Newton s’est ôté d’embarras. D’après sa conception, la Dynamique, dont la loi d’inertie constitue un des principes fondamentaux, vise le mouvement absolu, conçu par rapport à l’espace immobile; c’est cet espace, et non point les corps qui se meuvent à son intérieur, qui constitue le repère du mouvement.
Cette conception repugne aujord’hui à notre esprit, quoique l’on puisse trouver de philosophes arriérés pour la soutenir; on en trouve toujours pour défendre toute sorte d’opinions que la critique a condamnées!
À un point de vue positif, il suffit de remarquer que le mouvement absolu est défini de façon qu’il est impossible d’imaginer une expérience par laquelle on puisse le reconnaître; il n’en faut pas davantage pour déclarer qu’il s’agit d’un mot dépourvu de sens réel.
Le «mouvement» ne saurait désigner que la variation relative des corps les uns par rapport aux autres.
Que deviendra alors le principe d’inertie?
Pour le comprendre il convient de suivre le procédé de corrections successives qui amène à dégager ce principe des experiences élémentaires que nous avons rappelées cidessus. En une première approximation, on prend en considération le mouvement par rapport à la terre regardée comme fixe; on obtient une approximation successive en tenant compte du mouvement de la terre par rapport au soleil et aux étoiles.
En prenant les étoiles comme repère du mouvement on aura donc la véritable signification que reçoit le principe d’inertie lorsqu’on se soulève au dessus du point de vue géocentrique; partant, ce principe nous apparaîtra seulement comme une loi expérimentale mieux approchée que celle que nous avions établie par rapport à la terre, et pas du tout comme une loi rigoureuse; en effet en prenant les étoiles comme fixes on néglige leurs mouvements relatifs, qui cependant deviennent très considerables si l’on poursuit des observations pendant une période de temps assez longue.
Ces considérations, je le sais bien, ne sauraint satisfaire certains esprits mathématiques qui cherchent dans nos connaissances quelquechose d’absolu qui ne leur appartient pas. C’est même pour échapper aux conclusions de la critique précédente qu’on a inventé un certain corps α, par rapport auquel le mouvement satisferait exactement au principe d’inertie.
Cette invention renferme d’ailleurs un’hypothèse que rien ne saurait justifier; on prétend de conférer à la Dynamique una validité rigoureuse qui dépasserait toute expérience possible.
Mais, hélas! il ne suffit pas de forger un nom pour faire avancer notre science! De ce corps α qui devrait remplacer l’absolu de la Dinamique newtonienne nous ne savons rien, sauf que, étant donnée son existence, il devrait conserver une orientation constante par rapport aux étoiles, et cela dans le même ordre d’approximation suivant lequel il est permis de considérer ces étoiles comme fixes.
La seule conclusion positive à laquelle nous pouvons nous arrêter est donc la suivante:
Par l’interprétation de certaines expériences élémentaires eftectuées sur la terre, et par la comparaison de certaines données astronomiques, on est amené à penser que le principe d’inertie, exprimant déjà une loi approchée du mouvement par rapport à la terre, exprimera une loi mieux approchée si l’on rapporte le mouvement à un autre repère conservant un’orientation constante par rapport aux étoiles; et que l’approximation sera d’autant plus grande si l’on se rapporte à des étoiles (très éloignées) dont les mouvements relatifs sont moins sensibles.
Par rapport à un tel repère, un corps que l’on peut considérer comme un point matêriel isolé, se meut en ligne droite avec une vitesse uniforme.
C’est ce que l’on constate en effet pour les corps célestes: le mouvement des planètes satisfait déjà au principe pendant un certain temps assez court; les étoiles, dont on peut constater le mouvement, satisfont à la même loi d’une façon sensiblement exacte; et il y a lieu d’observer qu’il s’agit ici de corps beaucoup plus éloignés de tous les autres, remplissant mieux aux conditions demandées.
Voilà tout ce qui reste du principe d’inertie: une loi approchée dont le degré d’approximation, tout au moins pour ce qui se rapporte à la vérification directe, dépend visiblement de ce que les distances mutuelles des étoiles sont très grandes en comparaîson de leurs vitesses et du temps pendant lequel nous en suivons les mouvements relatifs.
Rôle du principe d’inertie: principe d’inertie généralisé.
Mais il ne suffit pas d’examiner les faits qui sont directement exprimés par l’hypothèse de l’inertie. Il faut aussi reconnaître le rôle de cette hypothèse par rapport aux fondaments de la Dinamique classique, et dégager les conséquences que en découlent.
D’après Newton, il y a deux postulats distincts de la Dinamique, qu’il énonce sous les noms de Lex I et de Lex II. Le premier c’est la loi d’inertie; le second affirme que la force est proportionelle à l’accélération qu’elle produit, et que le coefficient de proportionnalité est la masse du corps mobile (considéré comme un point matériel).
La critique moderne reproche à Newton d’avoir énoncé un postulat superflu; ainsi d’après M. Mach la Lex I n’exprime qu’un simple cas particulier de la Lex II, de sorte qu’il n’y a pas de raisons pour lui donner une place à part.
C’est là l’opinion de géomètres éminents; mais je ne saurais partager le point de vue trop mathématique qui l’inspire. En effet, en me plaçant au point de vue physique, je ne vois pas que la loi de proportionnalité entre la force et l’accélération, telle que Newton l’a conçue, puisse recevoir l’interpretation étendue qu’on lui donne en considérant de forces agissant sur des points mobiles.
Je ne doute pas que Newton conceva sa Lex II non pas comme une définition dynamique de la force (d’après la conception des nominalistes modernes) mais comme une hypothèse de fait dont la signification est liée à la définition statique de la force. Mais s’il en est ainsi, cette Lex II ne saurait se rapporter qu’au mouvement commençant, et il y aura lieu d’introduire une autre hypothèse qui permette de ramener la continuation du mouvement à ce cas élémentaire.
Il semble que c’est là le rôle du postulat d’inertie dans la pensée de Newton. Ayant conçu les forces comme des actions istantanées à distance, il a du penser sa Lex I comme équivalente au principe suivant:
En chaque instant le mouvement d’un point matériel donné se continue de telle sorte que la position et la vitesse acquise par le point en un instant successif sont celles qu’il acquièrerait s’il avait été arrêté et on le laissait partir d’un état de repos, sous l’action des forces qui le sollicitent en la position où il se trouve, et en lui ajoutant la vitesse qu’on suppose lui avoir ôté.
Il est sous-entendu que les forces sollicitant un point en repos se mesurent statiquement, et il faut ajouter que dans l’hypothèse précédente on suppose qu’en arrêtant le point matériel en mouvement ou ne déplace pas les corps qu’on conçoit comme produisant les forces qui agissent sur lui.
En vérité le postulat que je viens d’énoncer n’est pas équivalent á la Lex I de Newton, si on n’admet pas que les force, soient produite par des actions istantanées de la matière á n’importe quelle distance; mais ce sont là les seules forces que Newton ait eu à considérer.
Partant, si l’on veut exprimer complètement ce que Newton admet, en partie sans le déclarer explicitement, il convient de remplacer sa Lex I par le postulats que nous venons d’enoncer, et que nous pourrons désigner sous le nom de «principe d’inertie généralisé».
Sous cette forme on voit clairement quel est le rôle de l’hypothese introduite; il s’agit de ramener la continuation du mouvement à la loi élémentaire du mouvement commençant. Et à ce point de vue toutes les observations sur les mouvements des planètes confirment le principe par une vérificaton indirecte, qui a pourtant un degré d’approximation étonnant3.
Dynamique relative dans le boulet de Jules Verne.
La validité du principe d’inertie généralisé dépend étroitement du repère auquel on rapporte le mouvement; en effet la vérification astronomique, dont nous parlions tout à l’heure, suppose un repère conservant une orientation invariable par rapport aux étoiles fixes; cette vérification fait défaut p. ex. si le mouvement des planètes est rapporté à la terre, considérée comme invariable.
Or il y a lieu de se proposer la question suivante:
Transportons-nous par la pensée dans le boulet de Jules Verne se mouvant d’une façon inconnue par rapport aux étoiles. Les expériences directes que nous pouvons effectuer dans notre domaine nous renseignent au sujet d’une Dinamique relative au boulet, le mouvement étant rapporté à ce repère.
En quoi cette Dynamique relative sera différente de la Dynamique newtonienne, dont le repère (à peu près invariable pas rapport aux étoiles) est considéré comme absolu?
La réponse nous est fournie par un théorème connu de Coriolis: on aura d’abord dans le boulet une Statique parfaitement semblable à la Statique ordinaire; en outre on trouverà verifiée la loi de la proportionnalité de l’accélération à la force, conçue comme une loi du mouvement commençant; c’est seulement la continuation du mouvement qui ne s’effectuera plus d’après les lois newtoniennes, c’est à dire que le principe d’inertie généralisé ne s’appliquera plus à ce cas.
Cette conclusion découle d’une analyse mathématique très simple; mais l’interpretation de celle-ci exige de considérations un peu délicates: il faut prendre garde que la mesure statique de la force a, elle aussi, une signification relative, et il faut tenir compte des forces en général variables qui sollicitent un point matériel transporté en une position quelconque de notre domaine; d’ailleurs ces forces peuvent être déterminées par un exploration convenable, sans sortir du boulet.
C’est exactement ce procédé que l’on suit pour établir la Dynamique sur la terre, où l’on a un champ de forces constantes, dues à le gravité.
Je disais que le principe d’inertie généralisé tombe en défaut lorsqu’il s’agit de Dynamique relative. Arrêtons-nous sur un exemple qui reproduit agrandies les circostances de la Dynamique terrestre. Supposons que notre boulet tourne assez rapidement autour d’un axe. Pour reconnaître directement cette rotation il foudrait ouvrir une fenêtre d’où l’on puisse observer les étoiles. En défaut de ce moyen nous pourrons constater la force centrifuge tendant à éloigner tout corps de l’axe; mais cette même force pourrait être définie de plusieurs façons différentes en un boulet qui ne tourne pas; il suffirait p. ex. d’avoir recours à des charges électriques, etc.
La simple exploration statique ne sert pas à établir la différence entre les deux cas. C’est le mouvement d’un point matériel qui va nous la montrer, puisque dans le premier cas le principe d’inertie généralisé doit être remplacé par une loi plus compliquée où l’on ajoute en chaque instant une certaine accélération complémentaire.
Si donc on avait accepté l’hypothèse qui est exprimée par le principe d’inertie, on aurait à constater une déviation du mouvement par rapport aux prévisions établies4.
Quant à la grandeur de cette déviation, on voit d’abord qu’elle augmente avec la vitesse de rotation du boulet, avec la vitesse du mouvement observé à son intérieur et avec la durée du temps auquel s’étend l’observation.
Quelque soit d’ailleurs la première vitesse, la déviation dont on parle tombera au dessous de toute constatation sensible, pourvu que l’on se borne à un mouvement de courte durée avec une vitesse assez petite. En ce sens le principe d’inertie généralisé exprime une loi approchée de tout mouvement relatif.
Les Dynamiques non-newtoniennes.
Les remarques que nous venons de developper au sujet de la Dynamique relative, amènent à des vues intéressantes au point de vue philosophique.
D’après ces remarques, la mécanique newtonienne nous apparaît vraie en un certain ordre d’approximation quelque soit le repère auquel on rapporte le mouvement, pourvu que la durée et la vitesse de celui-ci soient assez petites par rapport à de données dépendant du repère choisi.
Cela signifie que, entre certains limites de durée et de vitesse, les phénomènes mécaniques peuvent être coordonnés en une science locale, où l’on suppose établies par un’exploration convenable les forces relatives qui agissent à l’interieur du champ donné, et l’on nèglige tout à fait les rapports entre ce champ et le monde qui l’entoure.
Au-de-là des limites indiqués, cette Mécanique locale, qui est indépendante du repère considéré, ne répond plus aux prévisions concrètes, et on a une première correction en tenant compte du mouvement du repère par rapport aux étoiles; c’est là aussi la seule correction nécessaire si l’on accepte la conception newtonienne, en supposant que les actions exercées par les corps extérieurs se traxmettent d’une façon istantanée sur la matière qui se trouve à l’intérieur de notre champ.
Qu’arrivera-t-il si on repousse cette hypothèse en admettant que les actions à distance se transmettent avec une vitesse finie quoique très grande?
En ce cas, la correction due au mouvement du champ ne suffira plus, tout au moins lorsqu’on envisage de vitesses assez grandes et l’on poursuit l’étude des phénomènes mécaniques pendant un temps assez long. Partant, en ces circonstances il y aura lieu à introduire une correction successive, qui se trouvera exprimée par una nouvelle hypothèse, affirmant la solidarité de notre champ d’observations avec le monde extérieur.
Ainsi donc: en une première approximation on a une Mécanique purement locale (indépendante du repère auquel on se rapporte); pour des vitesses et des durées assez considérables il faut tenir compte des liens qui rattachent notre champ d’observations au monde extérieur; cette solidarité se trouve-t-elle exprimée d’une façon adéquate par le principe d’inertie généralisé, conçu comme une loi du mouvement rapporté aux étoiles?
C’est là l’hypothèse newtonienne qui se trouve satisfaite dans l’ordre des grandeurs astronomiques (vitesses des corps célestes etc.).
Au-de-là de ces limites nous n’en savons rien. Il nous n’est pas donné de comparer nos observations avec celles d’un observateur qui aurait un autre échelon de grandeurs.
Mais il se peut que nous soumettions à l’expérience des mouvements où l’on ait de vitesses d’un ordre supérieur. En ce cas il ne subsiste aucune raison à priori pour que l’hypothèse newtonienne réponde aux prévisions concrètes qu’elle amenera à établir.
Ainsi donc le quadre de la Mécanique classique s’élargit. En laissant tomber le principe d’inertie généralisé et en le remplaçant par quelques hypothèses de solidarité plus générales, on donnera lieu à des Mécaniques non-newtoniennes, dont la Mécanique newtonienne s’approchera d’autant plus qu’il s’agit de vitesses assez petites.
Ce qu’il y a de commun à ces Mécaniques ce sera la Dynamique du mouvement commençant.
Sur l’explication mécanique de certains phénomènes physiques.
Maintenant, quel intêret peuvent présenter de spéculations pareilles? Il semble d’abord qu’elles seront stériles, puisque nous ne voyons pas de mouvements s’effectuant avec de vitesses d’un ordre supérieur aux vitesses astronomiques. En effet il semble parfaitement inutile de dire que tel phénomène est plus compliqué que ce que nous croyons, si cette complication dépassé les limites de nos observations.
Mais il ne faut pas oublier que la Dynamique des mouvements visibles n’est qu’une partie de ce que nous étudions sous le nom de Dynamique.
Dans une acception étendue, la Dynamique tâche à expliquer, par une représentation hypothétique de mouvements invisibles, toute sorte de phénomènes physiques que nous percevons sous la forme de chaleur, lumière, etc. Cette extension de la Dynamique apparaît justifiée, à un point de vue psychologique, par le besoin de poursuivre la représentation du réel d’après une loi de continuité; en effet la continuité semble rompue toutes les fois que le mouvement s’èvanouit à nos yeux et que d’autres phénomènes apparaissent ex novo à sa place. En outre cette même extension se justifie aussi à un point de vue logique, parce que l’hypothèse que le mouvement visible se continue en ces cas en un mouvement invisible fournit un moyen d'approximations successives à l’étude des faits.
Que l’on envisage la Dynamique étendue comme un moule ou l’on cherche à enfermer l’explication des phénomènes physiques; à ce point de vue on pourra rencontrer des vitesses beaucoup supérieures à celles que nous sommes accoutumés à reconnaître dans le mouvement visible. Partant il n’y aura aucune raison à priori pour admettre que le principe d’inertie généralisé trouve ici une application légitime. Ainsi nous ne serons pas étonnés que de faits nombreux semblent contredire à ce principe newtonien ou plus directement à ses conséquences; que p. ex. les phénomènes de frottement et de hystéresis contradisent au principe de non-hérédité qui est implicitement postulé par la Dynamique newtonienne, et que le principe newtonien d’action et réaction (qui est une conséquence directe de l’inertie quant on admet une certaine symétrie statique) se trouve battu en brèche par l’étude des phénomènes électromagnétiques etc.
Les nouvelles Dynamiques non-newtoniennés que l’on peut constituer, en laissant tomber le principe d’inertie généralisé, nous ouvrent une perspective immense; de nouvelles explications mécaniques des phénomènes physiques peuvent être tentées en plusieurs sens différents. Il n’y a que l’embarras du choix; et cet embarras provient de notre ignorance puisque nous n’avons pas encore atteint la seconde aproximation qui doit remplacer le postulat newtonien de l’inertie.
Cependant je ne puis laisser ce sujet sans rappeler les essais recents qui se rapportent à la Dynamique des électrons (c’et a dire à la Dynamique des rayons formant l’objet d’études a l’ordre du jour). On sait que le principe d’inertie vient remplacé ici par quelques hypothèses de solidarité qui trouvent leur représentation convenable dans la construction d’un éther.
Cette Dynamique des électrons pourra-t-elle nous fournir la base pour une nouvelle Dynamique de la matière?
C’est là un désideratum qui se rattache étroitement à celui d’une théorie électrique de la matière. Mais il ne serait pas prudent de se prononcer là-dessus pendant que les physiciens attaquent la question de plusieurs cotés.
Il me suffira d’appeler l’attention sur un problème qui se rapporte à cette Dynamique électrique in votis: j’entend la définition de la masse.
Pour de vitesses assez petites la masse (électromagnétique) d’un électron se réduit proportionnelle au carré de la charge électrique. Or, si la matière est conçue comme une réunion d’électrons, en quel rapport se trouvera la masse de la matière avec les charges des électrons composants? Elle ne saurait être proportionnelle au carré de la charge totale, puisqu’elle ne jouirait plus de la propriété associative qui lui appartient.
Il faudra donc admettre que les électrons, composants la matière, se meuvent avec de vitesses qu’il n’est pas permis de négliger; et on est amené à un problème de Mécanique statistique qui semble digne d’intéresser les géomètres.
Università di Bologna.
Note
- ↑ Bologna. Zanichelli, 1906 (cap. V, VI). — Voir aussi T. Levi Civita «Le idee di Enriques sulla Meccanica». Rivista di Filosofia e Scienze affini. Padova, 1907.
- ↑ On fait allusion particulièrement aux expériences sur la pendule de Foucault, et à la déviation orientale des corps lancés à la surface de la terre (voir la note à pag. 30).
- ↑ L’écart maximum de la prévision théorique établie sur les hypothèses newtoniennes correspond à un angle de 8”, soit la moitié de 1” de temps, dans le mouvement de Mercure pendant un siècle. Pour les autres planètes l’écart angulaire ne surpasse par 2”. Pour la lune il atteint 15” (1” de temps) en deux siècles et demi.
Voire Tisserand, Traité de mécanique céleste, T. IV, chap. 29. - ↑ La même considération fait prévoir une déviation orientale des corps lancés à la surface de la terre, et cette prévision a été en effet verifiée par Tadini (1796) et Reich (1831).