De l'utilité scientifique des collections de monnaies anciennes
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DE L’UTILITÉ SCIENTIFIQUE
DES COLLECTIONS
DE MONNAIES ANCIENNES nota
Notre grand moraliste La Bruyère, voulant railler la Curiosité, qui ’" n’est pas un goût pour ce qui est bon ou ce qui est beau, mais pour ce qui est rare, unique, pour ce qu’on a et ce que les autres n’ont point „, met en scène le curieux de médailles, Diognète: " Pensez-vous, dit-il, qu’il cherche à s’instruire par les médailles, et qu’il les regarde comme des preuves parlantes de certains faits et des monuments fixes et indubitables de l’ancienne histoire? rien moins. Vous croyez peut-être que toute la peine qu’il se donne pour recouvrer une téte vient du plaisir qu’il se fait de ne voir pas une suite d’empereurs interrompue? c’est encore moins: Diognète sait, d’une médaille, le frust, le feloux et la fleur de coin; il a une tablette dont toutes les places sont garnies, à l’exception d’une seule: ce vide lui blesse la vue, et c’est précisément, et à la lettre, pour le remplir qu’il emploie son bien et sa vie. „
Cette mordante satire emprunte encore un surcroît d’ironie à la place qu’elle occupe dans le chapitre de La Mode, où le curieux de monnaies anciennes a son rang marqué entre le fleuriste " qui a pris racine au milieu de ses tulipes „, l’amateur de prunes et le collectionneur de papillons et de serins.
La Bruyère, Messieurs, tout en fustigeant de la belle façon les frivoles antiquaires de son temps qui possédaient
1 des médailliers pour être à la mode, a donne, en deux mots, avec le bon sens qui caractérise le génie, la définition de ce que doivent être les monnaies anciennes pour tout esprit sérieux et éclairé: " des preuves parlantes de certains faits, des monuments fixes et indubitables de l’ancienne histoire. „
Ce n’est pas dans une assemblée d’élite comme la vôtre, Messieurs, dans cette réunion solennelle des savants de la France entière, dans ce vaste amphithéâtre de la science, que la démonstration de cette vérité devrait être présentée," si je ne m’étais simplement propose pour but de me faire, en peu de mots, l’interprète de votre réponse au public, qui, d’ordinaire, visite pour se distraire nos musées de province et qui voit, sans en bien comprendre l’utilité scientifique, les lépidoptères et les serins empaillés, parfois méme des herbiers où la tulipe est en honneur, côtoyer une vitrine plus humble, où quelques médailles, les unes frustes, les autres à fleur de coin, ont marqué leur silhouette au milieu d’un champ de poussière protectrice. Il est tenté de considérer cette série numismatique comme un amas de petites curiosités, des spécimens d’un genre d’objets qu’il est bon d’avoir parce qu’il faut un peu de tout dans un musée bien compris; des échantillons d’un rang à peine un peu plus relevé que les collections voisines d'ex libris, de timbres-poste ou de boutons d’uniformes.
Ce qui, d’ailleurs, explique cette opinion d’une partie du public, c’est qu’il se rencontre encore aujourd’hui — avouons-le — parmi les amateurs de monnaies anciennes, pas mal de Diognètes, les uns, spéculateurs intéressés, les autres, ignorants autant que passionnés, à la merci des brocanteurs et des faussaires, — qui sont, en face de leur propre médaillier, comme l’amateur de livres qui ne lit jamais, ou comme un voyageur qui ne prendrait pas de notes au cours de ses pérégrinations. J’en connais qui, ne s’attachant qu’au petit coté de la numismatique, sont au comble de la joie lorsqu’ils ont rencontre une incorrection dans une légende monétaire, ou bien une tête impériale tournée à droite au lieu d’être à gauche, pareils en cela au bibliophile transporté d’aise quand il a découvert, dans la bonne édition d’un vieux livre, les trois coquilles typographiques qui ne se trouvent pas dans la mauvaise.
Et puis, un esprit superficiel est naturellement porte à assimiler les monnaies anciennes à celles qui circulent journellement dans nos mains, et il ne saisit guère de quelle utilité seraient ces dernières pour écrire l’histoire contemporaine.
Nous verrons tout à l’heure, Messieurs, que cette assimilation n’est pas entièrement conforme à la réalité; mais, si vous le voulez bien, acceptons-la provisoirement et plaçons-nous, par rapport à notre numéraire circulant, dans la situation où nous nous trouvons, par exemple, vis-à-vis des monnaies que nous ont laissées les Romains et les Grecs.
Transportons-nous par la pensée dans un avenir lointain; franchissons les siècles et supposons que, dans deux mille ans d’i ci, des savants cherchent à reconstituer l’histoire de notre civilisation. alors que le tempus edax rerum aura englouti nos monuments de tonte sorte, et qu’il ne resterà plus, de nos oeuvres de l’art et de l’intelligence, que des ruines, des débris et des tombeaux: voici tout à coup un numismate de ce temps — il y en aura toujours — entre les mains duquel tombe une pièce de 5 francs, au millésime de 1878. Que lui apprendra cette monnaie? Il est aisé de démontrer qu’armé de la critique la plus rigoureuse, il en tirerà des éléments propres à enrichir le domaine de toutes les branches des sciences historiques et économiques.
La légende République française lui apprendra quelle est la forme actuelle de notre gouvernement, et s’il a déjà rangé dans son médaillier un nombre raisonnable de monnaies de notre XIXe siècle, il constatera que notre régime politique a changé souvent; il pourra mème préciser la durée de chaque régime, l’époque de nos trop fréquentes révolutions.
L’inscription du revers, Liberté, égalité, fraternité, lui indiquera quel est l’idéal social que nous poursuivons, et peut-être que les lambeaux de littérature que sa perspicacité saura confronter avec cette devise lui donneront à présumer que nous avions bien encore quelque progrès à faire pour en atteindre la parfaite réalisation.
Le type de l’Hercule debout entre la Justice et l’Équité, ressouvenir de la mythologie romaine, lui donnera quelque idée des tendances philosophiques de notre siècle, en lui démontrant que nous préférons ces allégories païennes aux emblèmes de notre propre religion ou de notre histoire nationale.
Peut-être s’étonnera-t-il que l’inscription Dieu protège la France ait été gravée sur la tranche, dans le voisinage de l’Hercule; il pourra toutefois, après un compliment mérité à la logique de notre entendement, en déduire le principe fondamental de nos conceptions religieuses et morales.
La marque de valeur 5 francs lui fera connaître notre système monétaire, s’il veut bien peser la pièce. En consultant son médaillier, il s’apercevra que la frappe de la pièce de 5 francs est suspendue chez nous depuis 1878, ce qui lui servirà d’argument pour disserter sur la question du monométallisme et du bimétallisme, qui, sans doute, ne sera pas encore épuisée.
La suite des monnaies du XIXe siècle lui permettra de mieux comprendre la valeur réelle et relative des choses à notre époque, d’interpréter avec plus d’assurance les comptes et les marchés dont le texte aura réussi à se conserver jusqu’à lui. Pour l’histoire de notre droit public, il constatera que la République française ne donne pas à ses Présidents le droit d’effigie qu’ont eu nos souverains. Quel jugement portera-t-il sur la finesse et l’acuïté de notre esprit s’il parvient à trouver la clef du rebus qui s’étale dans le champ de nos pièces d’or, sous l’image du coq gaulois?
Je passe sous silence, Messieurs, bien d’autres considérations, et je vous laisse le soin de compléter par vos propres réflexions tonte la portée historique que nos monnaies actuelles, ce banal instrument de nos échanges quotidiens, si pauvre comme invention et comme art, pourrait avoir dans un lointain avenir et dans une situation scientifique comparable à celle qui nous a été faite vis-à-vis de l’antiquité, par le temps et les révolutions des siècles.
Avant que j’aie esquissé à vol d’oiseau cette rapide comparaison, vous aviez déjà, Messieurs, reconnu par votre propre expérience que les monnaies anciennes sont des témoins oculaires et officiels, appelés sans relâche à déposer, dans la vaste enquête entreprise à des points de vue divers, par l’ensemble des sciences historiques, sur le passé de l’humanité. Voilà la raison de la présence de ces témoins, de ces pièces à conviction dans nos musées; voilà pourquoi nous recherchons aujourd’hui la modeste drachme qui circulait de main en main sur l’agora, le moindre denier qu’on échangeait sur le forum ou dans les camps, — comme un document authentique, contemporain, le seul témoin, parfois, qui nous serve à préserver un événement historique de la profanation de l’oubli.
Nos monnaies modernes sont fixées pour une longue période d’années dans des types de convention qui ne changent guère; les mêmes emblèmes et les mêmes légendes se perpétuent aussi longtemps que dure un régime politique: on modifie seulement la date et les différents monétaires.
Tout autres étaient les usages de l’antiquité qui, presque partout, a fait de sa monnaie non seulement un instrument pour les échanges, mais en même temps une médaille commémorative destinée à fixer dans la mémoire des peuples le souvenir des événements heureux de leurs annales. De là, dans les coins monétaires, des changements incessants, une prodigieuse variété de types qui s’accroît encore par la multiplicité des ateliers et par l’imperfection matérielle de l’outillage qui ne permettait pas de frapper un grand nombre de pièces avec les mêmes matrices.
Pour le monde grec seulement, nous connaissons présentement cinq à six cents rois ou dynastes, et près de 1,400 villes qui ont frappé monnaie dans ces conditions d’inépuisable fécondité et de renouvellement continu, et les produits d’un grand nombre de ces ateliers s’échelonnent chronologiquement depuis le VIIe siècle avant notre ère jusqu’au IIIe siècle après Jésus-Christ.
A Rome, la diversité des types monétaires est non moins grande et non moins instructive. Plus de dix mille symboles différents ont été relevés sur les deniers que le triumvir monétaire Lucius Calpurnius Piso fit frapper dans une seule année, en 89 avant notre ère, et ses deux collègues dans les mêmes fonctions n’ont pas fait graver un moins grand nombre de coins. Il fallait la coopération d’une véritable armée d’ouvriers pour monnayer les espèces nécessaires à la circulation générale; à tel point qu’un jour, sous le règne d’Aurélien, une rébellion ayant éclaté dans les ateliers de la Monnaie de Rome, les monétaires s’y trouvaient si nombreux, que la repression du désordre coùta la vie à sept mille soldats.
Une ville comme Éphèse, par exemple, frappe monnaie durant l’espace de huit siècles et demi et produit plusieurs centaines de types monétaires différents. Si vous les disposez dans l’ordre des temps, vous pourrez suivre pas à pas l’histoire de l’art dans la capitale de l’Ionie; vous assisterez à ses débuts, à son épanouissement, à sa décadence; vous contemplerez, se déroulant sous vos yeux, l’imposante théorie des dieux honorés dans cette ville, l’Artémis éphésienne et ses symboles. Zeus Yetios, Apollon Hikésios, Apollon Embasios; des divinités allégoriques comme le dieu du mont Pion, les dieux fleuves Kaystros, Kenchrios et Marnas; différents épisodes des légendes relatives à l’établissement des Ioniens en Asie Mineure; Coresos, un des fondateurs mythiques du temple d’Artémis, et jusqu’à Héraclite, le philosophe de la mélancolie.
Pour l’histoire politique, vous en suivrez toutes les phases par les monnaies qui montrent Éphèse subissant tour à tour la suprématie athénienne ou la domination des Perses, s’alliant avec Rhodes, Cnide et Samos, ballottée entra la tyrannie et la démocratie, frappant ensuite au nom d’Alexandre, de Lysimaque, des Séleucides, des Ptolémées; prenant au gré de ses maîtres successifs les noms d’Arsinoé et d’Eurydicée, retournant à son nom d’Éphèse, ouvrant son atelier aux rois de Pergame, affirmant son alliance avec Mithridate, enfin accueillant dans son port la galère qui portait le proconsul romain. Un grand nombre de ces événements, dont le souvenir est consacré par les monnaies, ne sont connus, précisés ou datés que par elles.
Dans l’ordre économique, nous voyons Éphèse adopter tour à tour, pour la taille de ses espèces, suivant les avantages de son commerce extérieur, le système phénicien, le système rhodien, le système attique; nous constatons des associations commerciales dont l’histoire, sans les monnaies, n’aurait nul souvenir: alliance d’Éphèse avec Aradus de Phénicie, avec Alexandrie d’Égypte, avec Cyzique, Smyrne, Mytilène, Pergame et vingt autres villes; sous nos yeux se forment et se dénouent, au gre des intérêts ou sous la pression des événements, ces ligues hanséatiques, dont le moyen àge n’eut pas le secret, et dont l’histoire est encore à écrire.
Et quant aux annales municipales d’Éphèse, les bases essentielles en sont constituées par la serie — qui s’accroît chaque jour — des prytanes éponymes dont les noms, au nombre de près de quatre cents, ont été jusqu’ici relevés sur les monnaies.
Éphèse, Messieurs, n’est pas une exception. Parcourez, comme Anacharsis, toutes les contrées du monde hellénique: partout, aussi bien qu’à Éphèse, — à Smyrne, Alexandrie, Antioche, Athènes, Corinthe, S3Tacuse, — enfin à Carthage et à Rome, vous trouverez dans les monnaies le reflet des commotions politiques, de l’histoire de l’art, de la vie municipale, de l’activité commerciale, du rayonnement au dehors; de cette diversité d’institutions, d’usages, de traditions locales; de cette décentralisation, en un mot, qui est pour un peuple — l’histoire de la Grece le démontre avec éloquence — la meilleure condition du progrès social.
Si Éphèse nous donne le nom de ses prytanes éponymes, dans d’autres villes, la monnaie est signée par le stratège, le grammateus, le boularque, l’éphore, le tamias, l’archiéreus, le stéphanophore ou surintendant des sacrifices, l’agonothète ou président des jeux publics, le théologos ou interprete des oracles, l’archiatre ou chef des médecins; il y a mème de villes où les monnaies nous apprennent que les femmes pouvaient ètre investies des plus hautes fonctions publiques.
Partout les dieux et les héros de chaque contrée vivent et s’agitent en des milliers d’épisodes. Jetez un regard sur la numismatique de la Crête: cinquante villes au moins de cette île fameuse y sont représentées, et quelle variété de types mythologiques! La naissance de Zeus dans la grotte du mont Ida; Minos, le premier législateur; Thésée, le labyrinthe, le Minotauro, le géant Talos, précurseur des modernes Crétois, qui brandit une pierre et fait trois fois par jour le tour de l’île, pour empêcher le vaisseau des Argonautes confédérés d’y aborder.
Vous parlerai-je à présent des monnaies de la Thessalie, de la Béotie, de l’Argolide? Ces dernières, avec Héra et ses symboles, Apollon Lykios, le combat de Danaos et de Gelanor pour la domination du Péloponèse; la touchante histoire de Cléobis et Biton traìnant eux-mémes le chariot sur lequel leur pieuse mère est assise pour se rendre au temple d’Héra. En Arcadie, c’est Ulysse, arme d’un aviron, qui cherche l’homme mystérieux que lui a désigné Tirésias; à Syracuse, c’est la nymphe de la fontaine d’Ortygie qui a si divinement inspiré à la fois les poètes et les artistes graveurs des coins monétaires. A Neapolis, à Terina, à Tarente, ce sont les sirènes Parthenopé, Ligea et le jeune Taras sauvé par un dauphin. Vous citerai-je enfin, à une autre extrémité du monde grec, le géant Ascos à Damas, les Tables ambrosiennes à Tyr, les dieux syriens aux formes si étranges, au eulte si monstrueux?
N’est-il pas intéressant de retrouver en images, sur les monnaies d’une ville perdue de la Paphlagonie, Abonotheicos, le culte du serpent qu’un imposteur du IP siècle de notre ère, Alexandre, avait réussi, à l’aide de bons tours de magicien, à introniser dans cette contrée? Vous vous souvenez des persécutions sanglantes que les rois de Syrie, surtout Antiochus IV Epiphane, firent endurer aux Juifs réfractaires, et les déportations qui s’ensuivirent. Des familles juives furent ainsi transplantées jusqu’à Apamée en Phrygie; elles finirent par s’accommoder de cet exil où elles prospérèrent tant et si bien, que trois cents ans plus tard, au temps de Septime Sevère, elles y avaient acclimaté les traditions bibliques elles-mèmes: on racontait que l’arche de Noé s’était arrêtée au plus haut sommet des montagnes voisines, et, pour que personne n’en pût douter, des monnaies furent alors frappées, sur lesquelles on voit Noé et sa femme dans l’arche, et donnant à la colombe son libre essor.
A peu près tout ce que nous savons des tribus de la Macédoine et de la Thrace avant Philippe — les Bisaltes, les Edones, les Odomantes, les Odryses, les Paeoniens — nous est révélé par leurs grandes et curieuses monnaies, d’un art si rude, si vigoureux, si expressif. Ailleurs, c’est le nom d’un fleuve, comme le Rheon, à Hipponium, ou celui d’un port, comme le Lacydon à Marseille, qui nous sont révélés, ou bien c’est le nom même d’une ville et de son emplacement. Une quinzaine, au moins, des rois de la Bactriane ne nous sont connus qua par leurs espèces. La chronologie des rois de Sidon, de Byblos et des villes de l’île de Chypre n’a pu étre constituée que par les monnaies. L’histoire des dynastes de la Cilicie, de la Pamphylie, de la Lycie, de la Carie, de la Cappadoce n’a pas de plus solide fondement que les monnaies, qui complètent, éclairent le récit des auteurs et permettent de vérifier leurs assertions plus ou moins controversées.
Vous vous rappelez que Thémistocle, convaincu de trahison, dut quitter la Grece et se réfugier sur le territoire de l’empire perse. Artaxerxès, dit Plutarque, accueillit avec empressement le général athénien, et, pour le récompenser d’avoir déserté la cause hellénique, il lui donna trois villes d’Asie Mineure, qui lui fournirent l’une son pain, l’autre son vin, et la troisième sa viande. On pouvait attribuer à ce récit traditionnel un certain caractère légendaire qu’un historien austère eût été tenté de répudier: quelle ne fut pas la joie du numismate entre les mains duquel, il n’y a pas quarante ans, tomba une monnaie d’argent portant le nom de Thémistocle, et frappée à Magnèsie, l’une des villes données par le grand Roi à l’illustre fugitif?
Cent vingt-trois ans avant notre ère, le roi de Syrie, Alexandre Zebina, assiégé dans Antioche et réduit aux expédients, prit le parti d’aliéner, pour payer les troupes qui lui restaient, le trésor du temple de Zeus, et il alla jusqu’à enlever la Victoire en or massif que la statue colossale du dieu tenait sur sa main tendue en avant. Il essaya même, raconte Justin, de justifier ce sacrilège par une raillerie, en disant qu’il acceptait la Victoire que le dieu daignait lui offrir. Y avait-il dans ce récit quelque amplification anecdotique de la part de l’auteur latin? on pouvait le soup9onner jusqu’à l’époque, tonte récente, ou il m’est parvenu un exemplaire de la monnaie d’or que Zebina fit Trapper; elle a pour type la statue méme de Zeus tenant la Victoire d’or sur sa main, et le caractère exceptionnel de cette pièce est encore mis en évidence par l’absence de tout monnayage d’or en Syrie, dans le siècle qui précède ou celui qui suit le règne de Zebina.
Quand Mithridate, voulant chasser les Romains de l’Orient, fit alliance avec Éphèse, avec Athènes, avec les Italiens même, les révoltés de la guerre Sociale, il envoya des subsides en or à tous ses alliés pour les aider à faire leurs préparatifs de guerre; eh bien, nous possédons de rares pièces d’or d’Éphèse, d’Athènes et des insurgés italiotes, qui sont, dans nos médailliers, les irréfragables témoins du projet vaste et hardi qu’avait conçu le génie du redoutable adversaire de Lucullus et de Pompée.
A qui la reine Philistis de Syracuse doit-elle sa célébrité, sinon à ses monnaies, où elle nous apparait gracieuse et voilée comme une Madone de la Renaissance? Que saurionsnous de la plupart des villes de la Sicile et de la Grande Grèce avant Pyrrhus et les guerres puniques? Fort peu de chose, sans ces admirables séries monétaires qui racontent leur fondation, leurs légendes, leurs annales, les jeux publics qu’elles célébraient périodiquement comme nos Expositions universelles ou régionales; leur art enfin, si fécond dans ses conceptions, ou toujours la grâce exquise s’allie à la noblesse de l’expression, à la pureté des lignes, à l’équilibre parfait de la composition.
Comment parler dignement devant vous, Messieurs, de ces médailles que vous connaissez tous, que les Grecs ont faites si belles, et qu’ils ont — mus par un sublime instinct d’immortalité — jetées à poignées, comme un solennel défi aux artistes de tous les âges futurs; de ces médailles dont le charme intraduisible émeut toujours, soit qu’on se contente des impressions fugitives et superficielles du dilettante, soit qu’il s’agisse des études approfondies de l’érudit. Ne vous semble-t-il pas, Messieurs, que la Grande Grèce et la Sicile étaient alors le théâtre merveilleux d’un miracle qui ne s’est renouvelé qu’une fois dans les annales de l’humanité? C’est à l’époque de la Renaissance, alors que chaque ville, chaque bourgade de l’Italie avait ses écoles d’artistes en tous genres et ses Mécènes, assistait à cette émulation d’ateliers, source du progrès, qui a fait éclore tant de chefs-d’œuvre éternels!
Œuvres d’art par elles-mêmes, les monnaies antiques nous conservent l’image et le souvenir des autres œuvres d’art, dans le domaine de la sculpture ou de l’architecture. Les primitifs essais de la sculpture grecque, ces bornes plus ou moins grossièrement équarries. images des dieux dont on voyait encore, du temps de Pausanias, des échantillons traditionnellement conservés dans les plus vieux sanctuaires de la Grèce, ces brutales et curieuses images, dis-je, nous les voyons reproduites sur les monnaies. A Byzance, Apollonie, Mégare, c’est un cippe allongé, la première image de l’Apollon des carrefours; à Pergé, à Iasos, c’est Artémis sous l’aspect d’une poupée enfantine affublée d’ornements.
Voici venir, à présent, des représentants des différentes écoles. Le premier sculpteur de l’ècole d’Egine, Smilis, avait exécuté pour l’Héraion de Samos une statue que nous montrent les monnaies de l’île. Un tétradrachme athénien nous donne quelque idée de ce qu’était la fameuse statue d’Apollon, érigée à Délos par Tektaios et Angelion. L’Athena Chalcioecos de Gitiadas, l’Apollon Didyméen, œuvre de Canachos, le Zeus Ithomatas du chef de l’école argienne, Ageladas; le groupe des Tyranoctones, exécuté en bronze par Anténor, au lendemain de la chute des Pisistratides, figurent sur des monnaies qui suppléent aux description des auteurs et nous aident à restaurer et à identifier les débris de sculpture épars dans nos musées. Vous y retrouverez pareillement les plus renommées des œuvres de Myron, de Polyclète, de Calamis, de Phidias, de Praxitèle, de Bryaxis. On a invoqué avec profit des types monétaires à l’appui des restitutions qui ont été tentées de la Vénus de Milo; et, quand sont venus au Musée du Louvre les débris de la Victoire de Samothrace, ce sont les beaux tétradrachmes de Dèmètrius Poliorcète qui ont donne une certitude scientifique à l’assemblage de cet admirable morceau et en ont fixé rigoureusement la date.
Que de monuments d’architecture seraient, sans les types monétaires qui les reproduisent, à la merci des restitutions fantaisistes de notre imagination! lei, nous voyons le temple d’Aphrodite à Paphos, avec son pylône, son parvis, son vaste péribole entouré d’un portique, et, au fond du sanctuaire, le bétyle, image de la déesse, autour duquel voltigent les colombes sacrèes; là, c’est le temple non moins fameux du mont Garizim, rival de celui de Jérusalem, sur les cendres duquel les Samaritains de nos jours vont encore accomplir leurs pieux pèlerinages.
Voici le temple rond de Mélicerte, à Corinthe; celui de Baal, à Emèse; d’Astarté, à Byblos; de Vénus, à Éryx, sur une montagne à pic, dont la base est entourée d’une muraille, comme une forteresse; voici une vue de l’Acropole d’Athènes, avec l’Athena Promachos et la grotte de Pan; une vue des ports de Sidé, de Corinthe, d’Ostie. Tous les monuments de Rome défilent sous nos yeux: les temples de Jupiter Capitolin et de la Concorde, avec leur toit surmonté de statues; les temples de Janus, de Vesta, de Vénus; les basiliques Emilienne et Ulpienne. A Tarse, c’est le monument singulier appelé " Tombeau de Sardanapale „; à Lyon, c’est l’autel de Rome et d’Auguste; à Antioche, sur le Méandre, c’est un pont monumental dont les piles sont surmontées de statues; ailleurs ce sont des théâtres, des thermes, des viaducs, des arcs de triomphe, des forteresses. De quelque coté que nous tournions nos regards c’est comme un panorama gigantesque où les graveurs des coins monétaires ont rassemblé, pour nous en garder le souvenir, tous ces monuments où le temps et la barbarie devaient porter la sape et le marteau. Prenez en main la description de la Grèce par Pausanias et rapprochez-en, chemin faisant, les médailles de chaque ville: vous jugerez combien la narration s’éclaire et prend, dans cette illustration, une physionomie animée; combien le langage des images, si petites qu’elles soient, parie mieux à notre intelligence que la description littéraire la plus fidèle et la plus développée.
Voulez-vous savoir ce qu’étaient les vaisseaux des Anciens? c’est par centaines que les monnaies grecques et romaines vous en montrent les variétés et le gréement; vous y reconnaîtrez, parfois, jusqu’au céleuste assis à la poupe et battant des mains pour donner aux rameurs le rythme de leurs chants et la cadence de leurs mouvements. Un historien militaire désire-t-il se rendre compte du changement de tactique préconisé par l’Athénien Chabrias? quii regarde la monnaie du satrape Oronte à Clazomène, où l’hoplite grec est figuré un genou en terre, la lance en arrêt et se couvrant de son bouclier. L’archer crétois, le frondeur baléare, le cavalier numide, le légionnaire romain, les chiens de guerre du roi des Arvernes, Bituit, les éléphants de Pyrrhus et d’Annihal forment cent variétés de types monétaires.
Les modes vous intéressent-elles? Voulez-vous connaitre les transformation de la coiffure féminine en Grèce ou à Rome, et les suivre, pour ainsi dire à chaque printemps, comme dans un journal de modes parisien? voyez, par exemple, les monnaies de Syracuse, ou celles des impératrices romaines, et vous serez émerveillés de l’infinie variété, de la science, de l’ingéniosité de ces édifices capillaires, toujours élégants, parfois artificiels, entremêlés de perles et de pierreries, soutenus par des sphendonés, des résilles, des bandelettes, des diadèmes, et qui justifient si bien ce mot d’Ovide, qu’il serait plus aisé de compter les feuilles d’un chêne ou les abeilles de l’Hybla, que les variétés de coiffures imaginées par les raffinements de la coquetterie; mais nous nous refuserons à croire — parce que les monnaies n’en disent rien — cet autre poète latin qui accuse des matrones romaines de Trapper jusqu’au sang de malheureuses esclaves, pour une seule boucle mal agencée dans l’échafaudage de leur chignon.
Citerai-je à présent des traits de mcEurs et de caractère, des jeux de mots, des scènes familières? Considérez, par exemple, la suite nombreuse des monnaies de la République romaine. Des magistrats s’exercent parfois au calembour ou au rébus: Antistius Gragulus fait graver un geai sur ses coins monétaires; Malleolus y place un maillet; Furius Crassipes, un pied difforme; Voconius Vitulus, un veau. C’était de l’esprit facile. Mais que dites-vous de ces austères démagogues, de ces amis des Gracques, de Marius ou de Brutus, qui se forgent des titres de noblesse sur les deniers dont ils ont à surveiller l’émission, se targuent de descendre de rois ou même de héros légendaires, Numa, Ancus Marcius, Philippe de Macédoine, Faustulus, uniquement parce que le nom qu’ils portent semble favoriser ces prétentions aristocratiques? Tous, ils voudraient avoir pour ami un Horace qui leur chante:
Mæcenas, atavis edite regibus,
et nous, nous penserons avec philosophie, en envisageant notre histoire contemporaine, que si quelque chose a changé dans le monde depuis deux mille ans, ce n’est pas, à coup sur, le culte des ancêtres, même de ceux qu’on n’a pas.
Après Sylla et pendant tout l’empire, quelle incomparable galerie de portraits nous offrent les monnaies! Sans ces effigies, comment aurait-on pu donner des noms aux statues de nos musées? Et quant aux revers, ils constituent, par leur variété et leur précision chronologique, les archives officielles de l’histoire. Un règne comme celui d’Hadrien, par exemple, ne compte pas moins de 2,500 revers monétaires différents, qui se répartissent en 1,600 pièces latines et 900 pieces grecques. C’est donc une galerue de 2,500 tableaux en miniature qui déroulent à nos regards les événements du règne, nous initient à la vie publique de l’empereur; nous le font suivre, étape par étape, dans ses expéditions et ses nombreux voyages, complètent le récit des historiens, le rectifient au besoin, ou nous aident à le mieux comprendre.
Tout aussi bien que l’historie militaire, l’historie économique, administrative, juridique mème, trouve ici son compte de renseignements. Si Nerva rend moins tyrannique la perception de la taxe sur les Juifs, les monnaies nous l’apprennent par leur legende: Fisci Judaici calumnia sublata; s’il lève l’impôt sur le transit des marchandises en Italie: Vehiculatione Italiæ remissa, nous disent les monnaies; s’il crée un magasin de subsistances pour le peuple, des deniers sont frappés avec la legende: Plebei urbanæ frumento constituto. Antonin le Pieux fonde-t-il, en l’honneur da sa femme Faustine, une institution d’assistance publique: Puellæ Faustinianæ, portent des pièces qui représentent l’empereur et l’impératrice accueillant des familles d’indigents.
Ce serait, Messieurs, passer en revue les fastes de l’histoire romaine, année par année, que d’énumérer tous les revers monétaires; et combien d’entre eux sont encore inexpliqués et attendent de votre perspicacité leur interprétation scientifique!
Qui de vous, en sa qualité de membre d’une société savante, n’a eu à dechiffrer quelque bronze toute encrassé de rouille? Qui n’a eu à désillusionner quelque brave laboreur qui avait ramasse dans son sillon une vieille pièce qu’il a prise pour le trésor dont parle La Fontaine? Ce ne sont pas toujours, loin de là, des pièces banales qu’on vous apporte ou que vous rencontrez chez le bijoutier, et il est bon d’y regarder de près.
C’est ainsi, par exemple, que l’année dernière, un expert de Paris mettait en vente, à l’hôtel Drouot, un aureus romain, qu’on venait de trouver en Égypte, et qui portait le nom de l’un des tyrans du IIIe siècle, Saturninus. Que nous apprenait cette pièce nouvelle? Les historiens nous disent fort peu de chose su ce personnage, et l’on a même suspecté leur véracité. Saturnin, raconte Vopiscus, était né dans les Gaules, au sein de cette nation agitée et toujours prète à changer ceux qui détiennent le pouvoir (gens hominum inquietissima et avida semper vel faciendi principis vel imperii) — nous avions dejà cette réputation au IIIe siècle. — Aurélien l’envoya défendre l’Orient contre les Parthes, mais en lui interdisant expressément l’accès de l’Egypte où avaient eu lieu naguère des troubles dont un général ambitieux aurait pu profiter. La pièce d’or nouvelle, frappée en Égypte, nous est la preuve indiscutable que Saturnin enfreignit la défense qui lui était faite et se fit proclamer empereur à Alexandrie, — en dépit de l’assertion contraire de Vopiscus qui avait un intérêt personnel à venger la mémoire de Saturnin de l’accusation de rébellion. Voilà donc une médaille qui vient contrôler et rectifier un historien romain, préciser un épisode des annales obscures du IIIe siècle et, du même coup, faire tomber les objections de l’hypercritisme allemand qui allait jusqu’à nier l’existence du tyran Saturninus.
La numismatique gauloise, Messieurs, est peut-être plus intéressante encore, puisqu’elle se rapporte aux origines de notre pays. Dans tous les cantons de la France, on recueille des spécimens du monnayage de nos ancêtres. Si vos musées en possèdent une suite assez nombreuse, placez-les, suivant les trouvailles, sur une carte géographique, et vous serez étonnés vous-mèmes des enseignements que comporte cette simple disposition matérielle. Vous constaterez, par exemple, que les tribus de la région danubienne frappent des monnaies, qui ne sont que de grossières imitations des tétradrachmes de la Macédoine ou des statères d’or de Philippe père d’Alexandre; que ces imitations se propagent graduellement à travers le pays des Helvètes, des Séquanes, des Éduens, jusqu’aux Arvernes qui frappent les beaux statères au nom de Vercingetorix. Vous aurez trace ainsi avec ces monnaies, sur la carte de la Gaule, comme une grande et large voie que je ne puis mieux comparer qu’à la Voie lactée au milieu de la carte du ciel: c’est le chemin suivi par le commerce, c’est la route des Gaulois au temple de Delphes, c’est la ligne de communication de la Gaule avec la Grèce, c’est-à-dire avec l’un des deux grands foyers de la civilisation antique. Et jugez de quelle utilité scientifique peut être une pareille constatation pour éclairer des textes plus ou moins obscurs, ou expliquer certaines découvertes archéologiques! D’autres monnaies gauloises vous diront le rayonnement du commerce des colonies grecques de Massilia, de Rhoda, d’Emporiae; elles vous donneront la plus riche nomenclature de noms gaulois qui existe; elles vous montreront les Romains s’insinuant lentement dans notre pays et s’y créant des alliés avant d’en faire la conquête.
Vous savez de même, Messieurs, tout le parti que la philologie et la géographie ont tire des 1,200 noms de localités et des 2,400 noms de personnes qu’on a jusqu’ici relevés sur les monnaies mérovingiennes; plusieurs d’entre vous, enfin, ont puisé les plus utiles renseignements sur les origines de la féodalité dans la numismatique de l’époque carolingienne. Sans doute, la numismatique du moyen âge ne saurait être comparée à celle de l’antiquité, parce que les types monétaires s’immobilisent et que les documents écrits sont trop nombreux pour qu’on puisse espérer combler des lacunes historiques par les monnaies. Aussi est-ce à un autre point de vue qu’il faut se placer pour en tirer un parti scientifique. L’histoire monétaire a, par elle même, son attrait et son importance; et puis n’est-il pas nécessaire à l’historien et à l’économiste, par exemple, de savoir exactement ce qu’étaient les variétés d’espèces monétaires qu’ils trouvent mentionnées dans les textes: le parisis, le tournois, l’agnel, le florin, le franc, l’esterlin, le gros, la pougeoise, le ducat, le sequin, la pistole, le marabotin, pour ne citer qu’un bien petit nombre d’espèces, comparativement à toutes celles qui furent en usage, Combien de gens s’imaginent que les monnaies d’or et d’argent de Philippe le Bel sont en métal altéré, parce qu’il est de mode de donner à ce prince l’épithète de faux monnayeur!
Mais voici, Messieurs, que nous touclions au seuil des temps modernes: le moment est venu de clore cette causerie un peu austère. Lorsque M. le Ministre de l’Instruction publique, par une insigne et trop bienveillante faveur, me fit l’honneur, il y a quelques semaines, de me designer pour prendre la parole dans cette solennelle réunion, et voulut bien m’inviter à occuper cette place où m’ont précède tant d’hommes éminents ou illustres, je me suis demandé, non sans inquiétude, de quel sujet je pourrais vous entretenir. Au risque de paraître prêcher pour mon saint, j’ai pensé a faire de la numismatique le terrain neutre sur lequel toutes les Sociétés savantes ne refuseraient pas de se rencontrer et de se donner la main. Figure de second pian, la numismatique se plaît à être l’humble servante de toutes les branches des sciences historiques qui ont en vous leurs représentants les plus autorisés. En ce temps de recherches précises et de sévère critique, où chacun est force de s’enfoncer dans une spécialité étroite, parce qu’il vaut mieux être profond sur un point que superficiel en toutes choses, une collection de monnaies anciennes est la source historique où chaque spécialiste est assuré de trouver quelque élément utile à ses recherches. Voilà pourquoi je souhaiterais de voir les séries numismatiques se développer dans nos musées de province: tout le monde y trouverait son profit: artistes et historiens, érudits et dilettantes, économistes, géographes, philologues, moralistes; car ce microcosme des médailles — j’aurais voulu le démontrer plus amplement — est bien la plus complète et la plus fidèle évocation du passe que nous procurent les sciences historiques.
N’avons-nous pas, Messieurs, tous tant que nous sommes, pris plaisir, dans notre jeune âge, à feuilleter maintes et maintes fois quelqu’une de ces Bibles d’images qui, en nous berçant des plus délicieux récits, nous initiait à la culture intellectuelle et morale? Eh bien, Messieurs, je comparerais volontiers un médaillier à une Bible d’images, et si l’Histoire, come l’a définie Michelet d’un mot sublime, est une résurrection, une suite de médailles anciennes est la résurrection du passe par les images.
Ernesto Babelon.
Note
- ↑ Discorso pronunciato alla Seduta generale del Congresso della Società degli Scienziati, tenuta a Parigi il 24 aprile 1897 (N. d. R.)