Adone/Discorso di Chapelain sull'Adone
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DISCORSO DI CHAPELAIN SULL’ADONE
LETTRE
OU
DISCOURS DE M. CHAPELAIN
À MONSIEUR FAVEREAU CONSEILLER DU
Roy en sa Cour des Aydes, portant son opinion sur le Poëme
d'Adonis du Chevalier MARINO.
Je sçavois des-ja par vous mesme, et par Monsieur le Chevalier Marin, la volonté où vous estiez de recueillir ensemble les doctes et particulières Observations que vous avez faictes sur son Poëme d’Adonis, et me resjouyssois, cette belle Piece ayant à sortir au jour, qu’un si rare Esprit eust pris le soing de nous en descouvrir curieusement la richesse et l’excellence; l’ors que j’ay receu par la vostre la confirmation de ce que j’en avois creu jusqu'icy; mais en telle sorte qu’il semble que vous attendiés ma response, pour sçavoir si je pense que le travail vous en doive estre honnorable, et si l’oeuvre à mon opinion vaut que vous y donniez du temps. À quoy je vous diray que je m’estonne de deux choses grandement: l’une que vous puissiez monstrer de douter tant soit peu maintenant d’un ouvrage que vous sçavez estre de ce grandhomme, lequel il vous a communiqué luy mesme, et dont vous avez tant de fois, moy présent, quand il nous en faisoit la lecture, admiré et readmiré les beautez; comme si n’estant plus vous mesme, vous commenciez tout seul à ne pas cognoistre que les oeuvres du Marin sont sans reproche, et qu’elles portent en son nom leur inviolable passe-port. L’autre chose qui m’estonne encore d’avantage, c’est, posé que le mespris que le Chevalier luy mesme nous a faict plusieurs fois de ce Poëme-cy, vous eust donné juste occasion de doute; et supposé que la modestie dont vous faictes si estroicte profession, vous empeschast de vous en rapporter à vous mesme, et vous fist défier de ce fort jugement à qui les plus judicieux se remettent si volontiers, en somme qu’il y eust grand lieu de craindre et de douter, c’est dis-je de voir qu’entre tant de personnes habiles qui vous estiment et dont vous disposez, vous ayez voulu jetter les yeux sur une telle foiblesse que la mienne, pour en desirer, et pour en esperer aucune bonne resolution: c’est bien là une chose dont je ne crois pas que vous vous puissiez purger. Je suis un homme sans nom, sans authorité, sans considération dans le monde; et n’estoit que je crains de desdire le jugement que vous en avez fait autre-fois trop à mon advantage, je dirois sans doctrine, et sans les fondemens nécessaires pour parler dignement d’un si haut suject; voyez ce qu’on peut attendre de moy. Neantmoins afin de ne me point dispenser d’une chose que vous m’ordonnez, et pour laquelle vous ne me laissez pas la liberté de trouver d’excuse, ne pouvant à cause de la distance des lieux vous en dire de bouche ce qu’il m’en semble, je vous le coucheray dans ce papier: mais protestant auparavant que je désavoué dès à présent mes propres sentimens si vous jugez qu’ils s’esloignent les moins du monde du but de la vérité; et non pourtant sans me promettre que vous en lirez le discours benignement selon vostre coustume, ayant esgard non à moy qui le feray, ains seulement au poids et au bon alloy des choses qui s’y doivent dire.
Je dis donc pour vous respondre que je tiens l’Adonis, en la forme que nous l’avons veu, bon Poëme; conduit et tissu dans sa Nouveauté selon les réglés générales de l’Epopée; et le meilleur en son genre qui puisse jamais sortir en public.
Or pour procéder avec quelque lumière à la preuve de cette mienne opinion, il seroit icy comme besoing de dire ce que c’est que Poésie, de combien d’especes il y en a, et quelle est la Nature de chacune d’icelles, principalement de celle que les Grecs appellent Epopée, et à laquelle nous n’avons point encore trouvé de nom, afin de voir, demeurant dans ces Principes, accordé que ce Poëme ne soit de l’espece receuë d’icelle, de quelle façon il a peu estre loysible au Poète d’en introduire une nouvelle différente de la receuë, laquelle fust neantmoins embrassée par l'Epopée comme par son genre, qui est ce qu’il nous faut monstrer pour establir sa bonté. Mais comme je parle à vous qui n’ignorez rien de tout celà, pour ne me point estendre sans nécessité, je laisseray toutes ces deffïnitions et divisions comme présupposées et traictées par d’autres à suffisance, et m’arresteray seulement, pour le premier chef qui concerne sa simple bonté, à examiner trois points qui se rencontrent en ce Poëme, sujets à doute et à objection, de la validité desquels la preuve de ma position dépend. La nouveauté de l’espece; l’eslection du suject, ET LA FOY qu’on y PEUT ADJOUSTER. Et quant à la Nouveauté en premier lieu j’en imagine de deux sortes: l’une blasmable, contre nature, l’autre loüable, naturelle. Celle qui est contre nature est double: la première s'appellerait Par/aicte en son imperfection, qui est lors qu’à un corps d’une Nature un autre corps d’une autre Nature est conjoinct, comme on a veu des Satyres dans l’ancienneté, et de nos temps des demy-hommes demy-chiens: et lors la Nouveauté est en l’excés de Monstruosité; la seconde se pourrait dire Iniparfaicte, et c’est quand à un corps d’une Nature un autre corps de mesme Nature est assemblé, sans pourtant qu’ils s’unissent et confondent, de sorte que les deux mouvemens n’apparoissent et ne produisent deux opérations distinctes, indépendantes l’une de l’autre; comme on a veu des monstres d’hommes avec deux testes, d’hermaphrodites, et d’enfans attachez par le front: et lors la Nouveauté est purement Monstrueuse sans excez. Celle qui est Naturelle aussi est de deux maniérés: la première Parfaicte en sa Perfection, quand une chose non monstrueuse qui n’a jamais esté vient à esclorre; comme lors qu’en un lieu où jamais il n’avoit paru d’eau, l’on voit sourdre tout à coup quelque surgeon d’eau vive; l’autre moins Parfaicte, lors qu’en une chose des-ja trouvée on descouvre quelque perfection jus-qu’ alors incognuë, comme si en ceste mesme source trouvée, après quelque temps l'on venoit à remarquer quelque vertu particulière, dont on ne se fust pas apperçeu devant. Or pour réduire ces quatre façons de Nouveautéposées au propos de la Fable (c’est à dire du Suject du Poëme), 5 je range sous la première des non Naturelles les resveries et contes des nourrices à leurs enfançons, ou si vous voulez une partie des nouvelles de Straparole, Autheur Italien, dans lesquelles sans nécessité d’Allegorie il fait parler et agir les animaux irraisonnables comme parlent et agissent les hommes. Sous la seconde 10 je mets les Romans en général de toute espece, qui n’ont point ou unité d’action, ou unité de personnes agissantes. À la première des Naturelles, j’attribue l’invention première des arts et des sciences, comme en particulier la Poésie, mise en avant par Apollon en son temps ou par autre; et cette Nouveauté est la plus 15 excellente, pource qu’elle ouvre le chemin à ceux qui viennent après d'en trouver les vertus spéciales. A la seconde j’assigne l’invention des especes, comme de l’Heroïque par Homere ou Orfée, de la Lyrique par Sappho: en laquelle invention, bien qu’il y ait moins d’excellence, si y en a-t-il neantmoins beaucoup, au 20 regard de ceux qui en font la première rencontre: et autant en est-il de celle des Subalternes. Donnés-moy ce mot et ceux encore dont je seray contraint d’user en ceste matière, pource que je ne sçache point que nostre langue en ayt de propres pour les exprimer, et je ne suis pas assez hardy pour en mettre de nouveaux 25 en usage. Maintenant venant au Suject, je dis que VA d o n i s n’est ny de la première ny de la seconde espece de Nouveauté contre Nature, veu que comme vous sçavez la Fable est une d’unité d’action et d’unité de personnes, et que par exemple il n’y a point 30 en icelle de meslange dTIistoire sacrée avec de Poésie profane. Il n’est non plus de la première des Naturelles, pource qu'estant Poëme et Poëme Epique, ce qui se fera voir cy-après, il suppose la Poésie et l’Epopée avant luy. Reste s’il est Nouveau qu’il soit de la seconde, c'est à dire de l’une des loüables, et c’est ce 35 que je maintiens; en voicy les raisons. L’A c t i o n Illustre selon Aristote, ou se représente ou se raconte: quand on la représente, la Tragédie s’en forme, lors qu’on la raconte, l’Epopée. Je deffinis Action Illustre un Evénement notable soit de bonne soit de mauvaise fortune, arrivé ou à personnes illustres d’elles mesmes, ou qui sont faictes telles par la qualité d’iceluy. Or de ces sortes d'Actions les unes peuvent advenir en guerre, comme, pour la Tragédie, la mort de Capanée, l’Antigone, et pour l’Epopée, la mort d’Hector, celle de Tumus: les autres en paix, comme pour la Tragédie l’Atrée, la Medée; il est vray que pour l’Epopée on croit qu’il n’y en ayt point d’exemple. Mais qu’il y en puisse avoir il se voit clairement en ce que la Tragédie et l’Epopée ne différent point pour le suject, et que la seule façon de le traicter, ou représentant ou racontant, met distinction entre elles. Or est-il bien vray qu’entre la représentation et la narration il n’y a différence que par les accidens; car le but de l’une et de l’autre n’est sinon de mettre devant les yeux soit avec apparat scenique, soit avec des paroles seules (tous deux instrumens de l’Imitation) le suject entrepris: ce qui estant rien ne peut estre suportable en l’une qui ne se doive recevoir en l’autre. Mais il n’y a aucune doute que la représentation tragique ne reçoive des actions arrivées en paix; et ainsi on peut conclure sans douter que la narration epique ne sçauroit refuser les mesmes actions pacifiques. Autrement si l’Action Illustre advenue durant la paix pouvant donner matière au Poëte Tragique ne la devoit pas fournir à l’Epique, il s’ensuivroit qu’ils ne participeroient pas esgalement au suject: ce qui est contre l’hypothèse. Je ne nie pas certes, qu’ainsi que, des Tragédies, celles-là paraissent plus et sont les meilleures qui sont plus meslées dans le tumulte de la guerre, de mesme des Epopées celles qui ont la guerre pour suject ne soient les premières en dignité, comme ayant l’advantage des accidens, et le relief des troubles et du demenement des plus importantes affaires; seulement je veux dire que tout ainsi que les premières Tragédies n’exclüent pas les secondes, pour se trouver favorisées d’un plus riche suject, de mesme l’Epopée, estant en pareil degré et pareille obligation, veu le suject d’Action Illustre qui leur est commun, ne peut rejetter une seconde espece de soy, sur le simple aveu de sa prééminence. Cela résolu de la sorte, posé, comme il est, que le Poëme dh4 d o n i s soit introduit d’une action faicte en Paix, accom5 pagnéedes circonstances de la Paix, et qui n’a de troubles que ceux que la Paix peut recevoir en elle, ny d’enrichissemens que ceux que la Paix peut bailler, il est clair estant Nouveau qu’il l’est de la seconde espece, le Poëte ayant trouvé par luy une chose nouvelle dans une autre qui estoit des-ja trouvée, c’est à dire ayant trouvé io dans l’Epopée, outre l’Heroïque, qui est un Poëme de guerre des-ja trouvé, cet autre-cy, qui est un Poëme de paix non encore trouvé; et cela, d’autant que les Poètes, alléchez jus-qu’icy par la grandeur du suject des guerres (comme plus susceptible de diverses rencontres et d’accidens inopinez avec de conséquences 15\tplus notables) et ambitieux de\ts’aquerir du nom\tdans la description de ce qui, comme la guerre,\test de plus grand\tentre les actions humaines, se sont jettez si avidement et d’un si commun accord sur cette espece de Poëme, qu’ils semblent avoir ignoré que l’on en peust traicter une de l'autre opposée. Mais ou ignorée ou negli20 gée (ce que je penserais plustost) que cette derniere ayt esté, entant neantmoins qu'elle constitue un second membre de l’Epopée, si nostre Amy en a regardé l’Idée, comme je le crois, et qu’il ayt voulu la mettre en practique et luy donner vogue, je dis non seulement que son Poëme est bon pour estre\tNouveau d’une 25\tNouveauté loüable, mais outre\tce que la Poësie\tluy sera infiniment tenuë, comme à celuy qui luy estend ses bornes heureusement, et qui sous bon tiltre luy amplifie et augmente son ressort et son Domaine. Pour ce nonobstant que prouvant la realité de ceste Espece 30 nouvelle par la Tragédie (laquelle pour comprendre des faits de guerre et de paix ne reçoit point pourtant de division, et ne produict pas deux especes de soy mesme, traictant les uns et les autres esgalement, sans différence de stile ny exception d’accidens) il semble que l’Epopée, recevant aussi les mesmes faits, les devrait 35 traicter de mesme sorte, sans aucune différence de Caractères ny de Constitution: et qu’ainsi au lieu de deux expeces il n’y en auroit q’une, contre ce que nous avons conclu; je dirav premièrement que bien qu’en apparence les Tragédies d’un et d’autre suject semblent n’avoir qu’une seule mode de composition, la chose n’est pas neantmoins si résolue, pour le stile particulièrement, que qui le voudrait examiner jusqu’au fonds ne pust encore trouver quelque diversité entre elles; mais secondement je dirav que quand ainsi serait, la chose, pour ce qui est du traicter, ne court pas esgale entre la Tragédie et l’Epopée; comme ainsi soit qu’en la première le Poëte n’a point d’esgard à l’action comme passée en Guerre ou en Paix, ains à elle seule comme ayant un trouble particulier, ce qui fait qu’estant Une pour ce respect, elle ne peut estre traictée que d’une seule maniéré; là où en l'Epopée Héroïque la considération de la Guerre est receuë, mais tellement receuë que sans elle l’Héroïque ne serait plus Héroïque, entant que le Trouble, qui constitué inséparablement sa nature, n’est vray-semblablement en elle que pour le respect de la Guerre, comme de la source du Trouble et de la confusion; et respectivement en ceste nouvelle espece la considération de la Paix doit entrer aussi, pour en former inséparablement l’essence, ce qui fera qu’estant double par ce moyen elle désirera double façon de traicter. Mais en un mot, alléguant la Tragédie pour preuve, il m’a deu suffire qu’elle m’ait asseuré du suject de Paix aussi bien que de Guerre; car pour ce qui est du traicter d'iceluy, il est tousjours différent selon les différentes considérations que l’on y apporte, et les choses se considèrent autrement nües, autrement revestües de nécessaires circonstances, comme on le voit par la différence du stile de l’Historien d’avec celuy du Poëte, sur mesmes occurrences et mesmes evenemens. Or, comme la Guerre et la Paix sont remarquables par des mouvemens differens et des circonstances presque opposées, et qu’il soit nécessaire de traicter les choses différentes et les opposées par moyens opposez, si la différence considérée comme telle peut constituer l’espece différente, il n’y a nulle doute que ceste sorte de Poëme, ayant, dans Testât de la paix qui l'informe, la différence qui la peut rendre espece distincte, n’en constitue une distincte de l’Heroïque aussi, et par conséquent ne desire d’estre traictée différemment. Et cette Espece, en considération d’opposé de Paix à Guerre, sera telle, si l’on veut, au respect de l’Heroïque, que la Comedie, en considération d’opposé d’Action non Illustre à Illustre, l’est au regard de la Tragédie, et les mesmes oppositions se pourront rechercher proportionnement entre l’une et entre l’autre, qui sont entre la Comedie et la Tragédie; pourveu que les réglés universelles s’y observent pareillement, pour ce qui concerne la générale Constitution, et ce que les Poètes appellent Habitudes. Ce qui se monstrera cy-après estre à perfection en ce Poëme, dont nous parlons. Et cependant formant l’Idée de ceste nouvelle espece sur ce fondement d’Action Illustre advenue durant la Paix, je diray qu’il faut que le subject du Poëme, à qui l’on voudra bailler ceste Forme, soit Illustre, sans meslange de Guerre; Illustre s’il se peut pour les personnes principales, et sur tout Illustre pour l’evenement; que le Trouble particulier y soit aussi grand que le suject entrepris le peut permettre, mais sans s’esloigner du rapport qu’il luy convient avoir au Repos de la Paix et à ses evenemens ordinaires; que, la Constitution tenant ainsi de la Simplicité plus que du Trouble, et les accidens s’y considerans principalement, à raison de la nature de la Paix qui ne fournit point de substance, c’est à dire de diversité d’Actions, tout l’effort se mette aux descriptions et à la particularité, et ce plus des choses practiquées en paix que de celles dont on use en guerre, comme de palais, jardins, architectures, jeux et autres semblables; ne traictant de ce qui n’est pas tel que forcement, et comme en passant; que l’Amour y ayt la plus grande part, et que tout en sorte et y retourne, les autres matières n’y estans receuës que comme accessoires, et comme servans à ceste là: bref que les Faceties y puissent avoir lieu, mais modestes ou modestement dittes. Toutes lesquelles conditions si elles sont propres de la Paix vous le voyez, et si elles n’embrassent pas tout le contraire des choses qui se considèrent en la Guerre. Vous sçavez encore que 1 ’A d o n i s en toutes ces parties a un rapport entier à cette Idée, et pour comble de perfection souvenez-vous qu’il est Mixte sans se ruiner, le tout partant de sa nature, comme posé entre la Tragédie et la Comédie, l'Heroïque et le Romant; tenant du grave et du relevé, tant pour les personnes agissantes, que pour la Catastrophe, et du simple et du ravalé, tant pour les actions qui precedent cette fin, que pour les descriptions particularisées. Je ne parle point en ce lieu du Stile qui l'accompagne, ayant les mesmes oppositions à celuy de l’Heroïque que son suject y a, mais je suis bien certain que la Nouveauté en sera d’autant plus estimable, que les lumières de l’antiquité y seront partout, et que toutes les grâces des Modernes la coloreront. Et certes tant de riches et de fortes conceptions en emplissent le corps, que quand bien la constitution du Poëme seroit irreguliere, vitieuse et faicte au hazard, sans aucun fondement de raison (le contraire dequoy partie s’est monstré, et partie se monstrera), si faudroit-il avoiier que le dessein de donner au monde un genre de Poésie tel que cettui-cy où toutes choses peussent estre employées, ne fut jamais que tres-beau et que tres-utile; car combien doit-on croire que se sont perdues, et se perdent tous le jours de belles imaginations, pour n’avoir point de lieu où les placer assez dignement, et combien pense-t-on que se soient esgarées et ensevelies dans les ruines de l’Ancienneté de choses profitables, que si les Poètes les eussent entreprises, regulierement ou irrégulièrement, vivraient encore dans la mémoire des hommes, à la commodité du public ? veu que chacun voit par experience qu’il n’y a rien qui se conserve si longuement inexpugnable et invincible contre le secousses du temps que les monuraens poétiques. 0 que j’exalterois nostre Amy d’avoir esté l’Inventeur, et le premier Promoteur de ceste Nouveauté, si je n’avois que ce que j’ay dit pour sa deffence. Mais voila les Anciens des deux meilleures langues, lesquels ont practiqué ce qu’il fait avant luy. Je ne parle ny de YOdyssée, ny de Y Histoire Ethiopique: l’une et l’autre de ces compositions ont plus de troubles, que la Paix n’en reçoit, et il est aisé à juger qu’elles n’ont jamais esté moulées sur ce Prototype. Mais il nous est demeuré de Musée, si ce n’est plustost de Nonnus, un Poëme tout pareil à cestui-cy, des Amours de Leandre et de Hero, et Claudian en avoit ourdy un long, fondé sur le rapt de Proserpine, dont il nous reste un fragment, du mesme stile et avec de pareilles actions (quoy que bien moins unes) que celles qui sont icv; de façon que non seulement en raison, mais en authorité plus que valable, ceste Nouveauté ne sera plus en luy qu’un renouvellement, et comme un légitimé remplacement du deffaut qu'il y avoit en la division de l’Epopée : et ainsi pour avoir trop de fondement il en méritera moins de loüange. Sur quoy si l’on repartoit que ces Poëmes alléguez sont terminez en peu de vers, où cettui-cv en a une prodigieuse suitte, je voudrais respondre premièrement qu’il n’est pas vray pour celuy de Claudian, et en second lieu que quand en cestui-cy le Poëte se serait donné la carrière large sans exemple, il l’auroit peu justement faire, veu que, la matière de Paix le souffrant, comme il apparoist par ce qui a esté dit cv-dessus, ce ne sont que les accidens qu’il a pris à estendre, lesquels accidens, comme vous sçavez bien, reçoivent le plus et le moins, n’y ayant en cecy particulièrement que la nécessité, ou la volonté qui les réglé; ce que monstre assez l’Episode d’Ariadne dans l’Epithalame de Catulle, lequel, moins nécessaire et moins vraysemblable que pas un de ceux qui sont dans VA d o n i s , ne laisse pas de tenir plus de place en ce petit Poëme, que le suject principal des Amours de Peleus et de Thctis. Ainsi l’on voit qu’il ne revient aucun inconvénient de cette longueur objectée. Adjoustés à cela que tout y estant excellent, et ne pouvant d'ailleurs jamais y avoir de trop des choses qui sont excellentes, il n’y a que le Poëte qui perde en cette longuer; veu qu’il n’entend pas, à ce qu’il m’a dit cent fois, qu’on luy face entrer cela en conte d’autre chose; et qu’il veut qu’on le tienne en toute telle obligation pour les autres grandes pièces qu’il a promises que s’il n’avoit jamais songé à celle-cy. En quoy il ne faict que trop voir la différence de son esprit d’avec ceux du commun; ne sçaehant faire les choses négligemment ny petitement, non pas mesmes les petites et le négligées. La nouveauté ainsi establie, l’Eslection, que nous avons mise la seconde des trois choses à considérer, n’a pas besoing de bien grande preuve après: l’Eslection, dit-on, est appellée bonne lors qu’elle est proportionnée au Dessein que l’on a, et mauvaise au contraire; comme qui pour faire un Palais choisirait un lieu propre, des matériaux convenables, et des outils pour les disposer à cet effect, celuy-là serait dit bien choisir, pource qu’il aurait esgard à la fin de son bastiment, à quoy toutes ces choses se rapportent, et sont nécessaires; mais qui pour faire un habit, ou un tableau, se fournirait des mesmes choses, et aurait les mesmes considérations, celui-là se rendrait ridicule, et serait dit avoir mal choisi, pource qu’il n’auroit pas regardé à son but, auquel toutes ces choses sont inutiles. Cela supposé je dis que l’Eslection de la fable d’ A do n i s est tres-bonne et tres-judicieuse, et qu’à cette nouvelle Idée de Poëme de Paix, à quoy nostre Chevalier doit avoir butté, nul autre suject ne se pouvoit ny eslire ny rencontrer plus plausible et plus convenant; et ce pour autant que, comme nous avons dit, l’action en est Illustre de toutes les deux façons, arrivée en paix, plus simple qu’intriguée, toute d’Amour, et assaisonnée des douces circonstances de la paix, et du sel modéré des faceties. Que si pour faire un Poëme Héroïque à l’ordinaire il se fust voulu servir de ceste fable-cy, ô qu’il eust esté reprehensible: mais ce ne peut jamais avoir esté son intention, et je m’asseure que si vous l’obligiez à la vous déclarer sur ce suject, il vous dirait qu’il ne le donne ny pour Héroïque, ny pour Tragique, ny pour Comique, l’Epique seul luy appartenant, mais avec quelque participation de tous le trois. Et s'il est permis de parler de ces choses par conjecture, une des principales raisons qui l’ont deu porter à ceste Eslection, a esté sans doute pour monstrer entre deux extrémités, de grande bonté, comme est le Poëme Héroïque, et de grande imperfection, comme est le Romant confus, un milieu auquel le Poëte, qui ne pourrait pas aspirer si haut, et qui desdaigneroit de s’abbaisser si bas, se pust réduire pour travailler avec loüange, et sans crainte de perdre le nom de Poëte. À l’Eslection succédé la Foy, ou la Créance que l’on peut donner au suject. Point important sur tous autres, pource qu’il-, disent qu’où la Créance manque, l’Attention ou l’Affection manque aussi; mais où l’Affection n’est point il n’y peut avoir d’Esmotion, et par conséquent de Purgation, ou d’amendement és moeurs des hommes, qui est le but de la Poësie. La Foy donc est d’absoluë nécessité en Poësie: mais quelle Foy peut-on adjouster à une Fable recognuë pour telle? le voicy. La Foy, en la signification que nous la prenons, c’est à dire pour une inclination de la fantaisie à croire qu’une chose soit plustost que de n’estre pas, s’acquiert par deux moyens: l’un imparfaict ou impuissant, par le simple rapport ou de l’Historien ou d’autre; et j’appelle celuy-là impuissant, pource que la sincérité des hommes est incognuë, et que le plus souvent on la révoqué en doute, sur la moindre difficulté qui se présente. L’autre parfaict et puissant, par la vraysemblance de la chose rapportée, soit par l’Historien, soit par autre; qui est le moyen naturel efficace de s’acquérir de la foy, auquel le premier qui professe mesme la vérité se reduict, s’il est vray que de deux Histoires contraires ou diversement racontées, on suit tousjours celle qui a le plus de probabilité; ce qui arrive pour ce que le premier estant Tyrannique, et suject à estre rejetté, ce dernier-cv gaigne doucement, et empiete vigoureusement l'imaginative de celuy qui escoute, et par la convenance des choses contenues en son rapport se le rend bien veillant. Mais de ces deux comme l’un est propre de l’Historien, aussi faut-il sçavoir que l’autre l’est du Poëte, et cela pour autant que l’Histoire traicte les choses comme elles sont, et la Poësie comme elles devraient estre, en maniéré que la première ne peut recevoir une chose fausse, bien qu’elle ayt toutes sortes d’apparence, et la seconde n’en peut refuser, pourveu que la vraysemblance y soit: et la raison de cela est d’autant que l’une considéré le particulier comme particulier, sans autre but que de le rapporter : et c’est pourquov, dans les Histoires, les cas et les evenemens sont tous differens et non réglés, comme dependans de la fortune, qui fait aussi bien prospérer les meschans que les bons, et ruine sans ecception les uns aussi bien que les autres; là où la Poësie, une des sciences sublimes, et un des membres non esloignés de la Philosophie, met le premier en considération d’universel, et ne le traicte particulièrement qu’en intention d’en faire tirer l’espece, à l’instruction du monde, et au benefice commun; et c’est pourquoy, dans les Poëmes, la suitte des actions, ou bonnes ou mauvaises, est tousjours semblable, chacune en son genre; tout bon recogneu, tout meschant chastié, comme procédant de la vertu ou du vice, dont la nature est de recompenser ou de perdre ceux qui les vont suivant; si bien qu’au lieu que, lisant l’Histoire, je ne cognois que ce qui est arrivé à César ou à Pompée, sans profit asseuré et sans instruction morale, lisant la Poësie, sous les accidens d’Ulysse et de Polypheme, je vois ce qui est raisonnable qu’il arrive en général à tous ceux qui feront les mesmes actions: comme, par l’abstraction de l’espece, que la Poësie desire de moy, je ne considéré pas plus Enée pieux, et Achille cholereux (ce qui se peut dire de mesme de toutes les autres actions et passions des hommes) dans les Poëmes de nos Anciens, que la Pieté avec sa suitte, et la Cholere avec ses effects, pour m’en faire pleinement cognoistre la nature. Pour à quoy parvenir les mesmes Anciens, poussez de ce zele et de ces considérations, jugeant que la Vérité des choses (supposé qu’elles despendissent du hazard) nuisoit par leurs fortuits et incertains evenemens à leur intention si loüable, tous d’un accord ont banny la vérité de leur Parnasse, les uns composans tout de caprice, sans y rien mesler qui fust d’elle, les autres se contentans de la changer et altérer en ce qui faisoit contre leur Idée: mais nul ne faisant estât de l’y rappeller que lors qu’elle s’accommoderoit à eux, c’est à dire à la Justice et à la Raison, et qu’elle vestiroit la Vray-semblance, laquelle en ce cas et non la Vérité sert d’instrument au Poëte, pour acheminer l’homme à la vertu; à quoy sont autant utiles les exemples de mal que de bien, pourveu qu’ils soient considérez comme addressez à l’instruction, et payez chacun selon ce qu’ils méritent. De tout cela nous servent de preuve, soit l’Achille d’Homere, soit l’Enée de Virgile, lesquels, si l’on en croit quelques uns, ne furent jadis ny si dépits, ny si gens de biens, qu’ils nous les ont baillez, et que neantraoins, voulans proposer sous leurs noms les Idées des choses qui leur sont attribuées, ils ont fait estre tels, ne se mettant en nulle peine si la vérité particulière en patissoit, pourveu que le genre humain en général y profhtast par la vray-semblance. Or cette Vray-semblance estant une représentation des choses comme elles doivent avenir, selon que le Jugement humain, né et eslevé au bien, les prévoit et les détermine, et la Vérité se réduisant à elle, non pas elle à la Vérité, il n’y a point de doute que la Poésie l’ayant pour partage (c’est à dire le Poëte ne traittant que ce qui doit estre, et ce qui doit estre estant tousjours Vray-semblable qu’il soit, car ces deux choses se regardent réciproquement) et faisant par icelle un insensible effort sur la fantaisie, entant qu’elle ne luy apporte rien qui ne se juge pouvoir estre facilement ainsi, ce que la Vérité mesme ne faict pas, sinon autant qu’elle est Vray-semblable, il n’y a point de doute, dis-je, qu’elle ne soit plustost creuë, ayant pour soy ce qui se fait croire simplement de soy mesme, que l’Histoire qui y procédé plus tyranniquement, et qui n’a pour soy que la Vérité nuë, laquelle ne se peut faire croire sans l’ayde et le soulagement d’autruy. Ainsi donc il suffira au Poëme qu’il soit Vray-semblable pour estre approuvé, à cause de la facile impression que la Vray-semblance fait sur l’imagination, laquelle se captive et se laisse mener par ce moyen à l’intention du Poëte. Cette matière discouruë de la sorte, pour en faire l’application au Poëme de nostre Amy, l’on voit que si l’on veut nier la Vérité de la chose (comme la qualité de fable que le succès a pris jusqu’icv semble le devoir faire avoüer, ce qui n’est pas neantmoins constant, veu que l’Escriture mesme fait mention des pleurs respandus pour Adonis, et que selon les Anciens Kapsodieurs et Mythologistes il n’y a aucune fable, spécialement de celles des Deïtez, qui n’aye eu son fondement sur quelque Evénement véritable), le Poëme ne laissera pas d’estre régulier pour cela, et n’en perdra pas la Créance; pour ce que la Vérité n’estant pas de l’Essence de la Poësie, et quand mesme elle s’y rencontre ne se considérant pas comme telle, ains comme Fable seulement, à l’usage que nous avons dit, si la seule Vray-semblance y est recherchée, tant que le Poëme sera vrav-semblable, comme vous sçavez qu’il l’est, tant aura-t-il de Créance parmy les hommes: et plus il en perdra par défaut d’Histoire, plus en acquerra-t-il par suffisance de probabilité. Pour d’avantage demonstrer la juste et nécessaire Fausseté des Poëmes, j’eusse bien mis en avant l’Allegorie, dont ils doivent estre accompagnez. Mais pour ce qu’elle estoit inutile pour le discours de la Vray-semblance (comme estant une Opération de l’entendement reflechy sur soy mesme qui passe d’espece à espece, et non des communes de l’imagination), je l’ay renvoyée en ce lieu : l’Allegorie donc, de la commune opinion des bons esprits, fait partie de l’Idée du Poëme, et est le second fruit que l’on en peut retirer. Or comme il arrive qu’elle soit le plus souvent incompatible avec le véritable succès des choses, les Poètes obligés à l’y faire entrer se résoudront tousjours plustost à fausser la Vérité, laquelle n’est en leurs ouvrages que par Accident, qu’à laisser l’Allegorie, qui y doit estre par Nature. Dequoy nous avons une notable preuve dans les fables qu’Esope a données à son pays. Ont elles aucune Vray-semblance, non pas seulement Vérité, pour ce qui est des arraisonnemens, paroles, subtilités, prévoyances, et autres choses qu’il attribüe à ses animaux? Et neantmoins elles ont passé jusqu’à nous, avec un applaudissement général du monde, qui lisant la Fable va soudain à son Sens, c’est à dire à l’autre espece designée, appliquant utilement ce qu’il a dit d’une impossible à une possible, sans s’amuser à en examiner la possibilité; comme pour nous avertir plus que clairement qu’aux autres Fables (j’entens Poésies ordonnées et plus proches de nous que celles là), laissant l’examen de la Vérité, comme chose indifférente, il importe seulement de regarder si le proffit recherché s’y rencontre. Jusqu’icy, si je ne me trompe, les points qui pouvoient empescher ce Poëme d’estre Poëme, c’est à dire bon en son genre de Poësie, sont suffisamment esclaircis, et il s’est assez monstré qu’ils ne iuy en font point perdre la Nature. Reste maintenant à voir ceux qui peuvent le faire estre tel; et s’il est possible, prouver qu’il a toutes les principales conditions des Poëmes Epiques des-ja receus, et que pour celles dont on le voit despourveu, il ne les pouvoit pas avoir sans disconvenance; et consequemment qu’il est en son dernier point de bonté. C’est le second membre de la Proposition, lequel il nous faut essayer d’establir pour sa preuve entiere. En tout Poëme Narratif je considéré deux choses; le suject, et la façon de le traitter. La Première consiste en la Constitution de la Fable, laquelle selon ma division particulière comprend l’Invention et la Disposition proprement, et improprement les Habitudes, et les Passions. La Seconde est le Stile, qui sert à l'expression de toutes ces choses, et embrasse les Conceptions et la Locution. Mais chacune de ces Parties a ses réglés et ses conditions, desquelles plus le Poëme approche plus est-il Poëme, c’est à dire plus va-t-il près de la perfection. Voyons comment VA d o n i s s’y accommode. Premièrement je réduis l’Invention de tout Poëme à deux points, le Premier la Diversité, le Second la Merveille. Cette Diversité s’acquiert en deux maniérés: l’une par la Nature du Suject, l’autre par ses Accidens. Celle qui provient de sa Nature est comme une Emanance de choses Huantes d’elles mesmes de l’abondance naturelle du Suject; comme dans l’Heroïque les choses qui constitüent le Trouble, et sans lesquelles le Poëme ne seroit point Héroïque, sont dittes engendrer Diversité provenante de la Nature du Suject; et dans cette Espèce nouvelle de Poëme de Paix, les choses ordinaires non troublées la produiroient aussi, si la Tranquillité pouvoit recevoir Diversité d’Evenemens, et non au contraire. La diversité qui procédé des ses Accidens est comme un Rapprochement des choses qui luy peuvent convenir, mais sans estre pourtant essentielles à sa Nature: comme en l’Heroïque, tout ce qui entre dans la Fable sans contribuer au Principal Evénement, et qui nonobstant luy est convenable (ce qui doit estre peu, à cause que sa Nature Troublée luy donne assez de corps de soy mesme, sans qu’il luy en faille mendier d’ailleurs), et en cette Idée, tout ce qui entre inutilement ou non nécessairement dans le Poëme, mais sans disconvenance neantmoins (ce qui peut estre beaucoup, attendu sa pauvreté naturelle), toutes ces choses, dis-je, sont estimées produire Diversité engendrée par les Accidens. La première Diversité fait la Fable nécessaire, la\t5 seconde la rend riche d’ornemens. La Merveille a les mesmes sources; la Nature du Suject produict le Merveilleux, lors que par un Enchaisnement de causes non forcées, ny appellées de dehors, on voit résulter des Evenemens, ou contre l’attente, ou contre l’ordinaire. La Merveille a lieu par les Accidens, quand la Fable est\t soustenuë par les Conceptions et par la richesse du langage seulement, de façon que le Lecteur laisse la matière, pour s’arrester à l’embellissement. Mais avant que d’amener ces choses à nostre propos, il faut supposer que l’examen de tout Poëme gist premier que tout en la cognoissance de son Suject, pour le rapporter à\t son Idée; puis à voir s’il a l’observation des réglés données à son Espece. L'Adonis donc, pour venir au fait, estant un Suject Nouveau, constituant une Espece nouvelle, opposée, comme nous avons dit, à l’Heroïque (à qui les premières maniérés de la Diver- sité et de la Merveille, qui partent de la Nature du Suject, appartiennent), entant que la Nature de son Idée nouvelle (qui est d’avoir plus d’Accidens que de Substance) ne reçoit pas ce premières, s’arreste aux dernieres qui sortent des accidens, dont il est tres-capable. Or il s’y arreste ainsi non pas qu’il n’y ayt et Di-\t versité et Merveille de ces premières especes, dans le Corps de la Fable, tant qu’elle l’a souiïert, mais d’autant qu'il est requis, pour la perfection de son estre, qu’il s’attache à la Partie que l’Heroïque n’a peu embrasser; et que comme l’un se soustient par ses seuls Evenemens, arrivez pendant la Guerre et le Trouble, de mesme l’autre se maintienne par le seul moyen des choses simples et vaines, que l'Action faicte durant la Tranquillité de la Paix luy fournit. Mais que nonobstant cela le Poëte n’ayt rien laissé en arriéré dans l'Adonis, de ce qui luy pouvoit accroistre et la Diversité et la Merveille qui procèdent de la Nature du Suject, sa tissure, en la forme que nous l’avons veuë, s’il vous en souvient, le tesmoigne assez; et pour prouver qu’il ne pouvoit que mal faire, s’il l’eust prise et faicte d’autre sorte, je diray ainsi. Si pour produire plus de Diversité et de Merveille des premières maniérés, dans 1’ Adonis, qu’il n’y en a, le Marin eust introduit d’autres matières que celles qui y sont (comme il eust este besoing pour cet effect), il eust fallu qu’elles eussent esté ou bien de mesme Espèce, ou bien de différente; si de mesme Espèce, c’eust deu estre en y faisant entrer d’autres actions de Dieux principales que de celles qui y entrent (car de non principales il n’y en peut avoir d’avantage, j’entens de celles qui peuvent servir au Suject), mais s’il y en eust mis aussi de Principales (bien qu’elles y eussent mesme peu servir), l’action eust esté des-unie, et par conséquent de la Seconde maniéré blasmée de Nouveauté contre Nature; c’est à dire que d’autres principales Actions eussent estouffé cette-cy Principale, et Y A do ni s n’eust plus esté ce bel Adonis, ains quelque Hydre à plusieurs testes. Si les Actions qu’il y eust insérées eussent aussi esté de Différente Espèce, c’est à dire d’Actions humaines, les Actions adjoustées eussent deu ou servir au dessein principal, ou n’y servir pas. Celles qui eussent servy pouvoient estre ou Principales, ou non Principales. Les Principales eussent des-uny l’Action ne plus ne moins que les Principales de mesme Espèce; et de plus eussent eu la Diversité de l’Espece, qui n’est pas un petit esloignement. Pour les non Principales il y en a (aussi bien que de celles de mesme espece) autant que le Suject en a peu porter; soit maniées à l’Ancienne, qui est la maniéré de traicter que j’estime le plus en cecy; soit à la Moderne, ce que je n’approuverois pas en ce Poëme s’il y en avoit plus d’un chant (divin certes en soy, il le nomme Gli Erron), à cause de l’absurdité que me semble apporter le meslange des genres, et la confusion des Temps. Mais s’il les y eust faictes de Différente Espece, pour ne point servir, elles eussent esté Principales toutes, si bien que les mesmes inconveniens remarquez cydessus s’y fussent trouvez; et de plus la Composition, ne pouvant estre de cette sorte qu’une opposition de Divin à Humain, monstrueuse, et non convenablement liée, fust tombée en la première maniéré de Nouveauté contre Nature; et n’eust eu ny unité d'Action, ny esgalité d’Espece, ny favorable couverture de connexion. Et cecy pour la Diversité. Pour la Merveille maintenant on ne la pouvoit rendre plus grande dans le Poëme qu’en y adjou- 5 stant de nouvelles occasions d’icelle; or c’est chose qui n’a peu estre, tant pour ce qui a esté dit sur le Suject de la Diversité, que pour ce que le Poëte ne peut attribüer à une fable receuë (comme il le peut à une Histoire) d’autre evenement que celuy qui des-ja est recognu en icelle; et la Raison, ce pense-je, est d’autant, que ce\t que la Vérité considérée comme vraye est à l’Histoire, cela mesme est la Fable considérée comme vray-semblable à la Poësie. Or comme l’Historien, ayant une fois receu et recognu la Vérité pour vraye, ne la peut altérer en façon quelconque, c’est à dire n’y peut ny adjouster ny oster; de mesme le Poëte recevant une\t fable d’autruy et la recognoissant pour vray-semblable, c’est à dire reduitte une fois à la Vray-semblance, object immuable de la Poësie, demeure là sans y rien pouvoir innover, soit pour en soustraire partie, soit pour y apporter du sien; en telle sorte que, comme on dit que la Vérité doit servir de vray-semblance à l’Hi-\t stoire, au regard de l’Historien, ce qui fait qu’il n’y peut rien changer, quelque utilité qu’il y sente, ainsi l’on puisse dire que la Fable vray-semblable doit tenir lieu de Vérité à la Poësie, au respect du Poëte, ce qui fait par mesme raison qu’il n’y doit rien remüer, quelque commodité qui soit pour luy en revenir.\t Mais aussi, pour retourner au Suject, ne pouvant faire de nouvelle attribution de matières, le Poëte ne pouvoit faire esclorre d’autre Merveille en ce Poëme que celle qui y est; veu que la Fable en soy est plus que pleinement traittée, et que tout l’artifice possible y a esté employé. Accordé\t neantmoins qu’il luy eust esté loysible de faire cette addition, outre ce que le faisant la fable se fust trouvée chargée de trop de Choses, contre le Posé de son Idée, elle eust d’abondant couru fortune d’engendrer Diversité d’actions comme il a esté dit devant, en l’examen de la Diversité. Or l’unité de l’Action, entre les réglés\t générales que toute Epopée doit observer, est particulièrement la Principale, sans laquelle le Poëme n’est pas Poëme ains Romant. Si donc pour garder cette Unité le Poëte s’est contenu dans les bornes de la Fable proposée, bien que stérile de soy pour les pre5 mieres maniérés de Diversité et de Merveille, il n’a faict que ce qu’il devoit faire, et cherchant ces Diversité et Merveille dans les secondes, ça esté chose conforme à l’Idée de son Poëme nouveau. Que si vous me demandiez maintenant quelle des deux maniérés me semble la plus noble, ou celle qui vient de la Nature du io Suject, ou celle qui sort de ses Accidens seulement; c’est à dire, pour l’esclaircir par l’exemple, ou l’Heroïque qui a le Trouble essentiel, ou cette nouvelle Espece qui a la Tranquillité inséparable; j’avoiierai tout ingenuëment que c’est la première selon mon Sens, et que je ne mets celle-cy que seconde en ordre; encore 15\tque plusieurs raisons me peussent faire penser autrement. Car si entre autres vous considérez la Fable, il vous souviendra que les Anciens en ont recognu de trois sortes. La Première estoit appellée des Latins Motoria, comme celle qui contenoit en soy des agitations et de la confusion dans la suitte de son Suject, 20\tconduittes avec art à une fin ou heureuse ou malheureuse, selon que la Matière le desiroit. La Seconde se nommoit Stataria, comme moins agitée et plus tranquille que l’autre; et celle-cy consistoit en accidens ordinaires, et finissoit sans grand attirail, de la sorte que le Spectateur se l’estoit persuadé. La troisiesme se disoit 25\tMixte, comme celle qui tenoit de l’une et de l'autre. Or de dire quelles de ces trois Espèces estoit la plus en estime auprès d'eux il seroit difficile, et sembleroit aisément que la Tranquille ne leur fust pas en moindre considération que les autres, veu qu’ils la mettoient souvent en practique, et veu que l’institution de la 30\tPoésie fait plus pour elle que pour les deux autres; voicy comment. La fin de la Poësie estant l’Utilité, bien que procurée par le moyen du Plaisir, il y a de l’apparence que ce qui a l’Utilité pour object, c’est à dire ce qui tend a l’Utilité, soit plus estimable en icelle, que ce qui n’a pour object que le Plaisir seulement, c’est à dire ce qui se termine au Plaisir; et qu’ainsi les Fables qui ne sont pas embarassées, comme ayans pour object l’Utilité, luy soient plus considérables que celles qui le sont, comme n’ayant pour object que le Plaisir tout seul. Mais que les Fables Tranquilles ayent pour object l'Utilité, ou ce qui la cause, je n’y vois point de doute; car si l’Utilité de la Poësie consiste en la purgation des passions vitieuses, il est clair que cet effect se tire plustost de celles qui ne sont point troublées ny brouillées, que de celles qui le sont. Et qu’il ne soit ainsi, chacun m’accordera que ce qui doit purger le doit par impression, et non par relasche, par la continue, et non par l’interruption. Or est-il que la simplicité des fables Tranquilles leur donne cela par excellence, en tant qu’elles ne sortent jamais de leur Suject, et qu’elles ne s’obligent qu’à la particulière description de la passion entreprise; ce qui n’arrive pas à beaucoup près à celles qui ont le Trouble affecté à leur Nature, comme celuy qui les dissipe en parcelles, et qui par le meslange de plusieurs choses différentes esmousse et enerve la viguer que chacune en sa simplicité pourroit avoir. Aussi les Anciens ayans esgard à cela se sont empeschez tant qu’ils ont peu, mesmes dans leurs grand Poëmes, de se charger de tant de matières, recognoissans que bien qu’en leur Diversité et capacité de Merveille elles peussent faire maistre le Plaisir, elles nuisoient aussi à la fin de l’Utilité, à laquelle tous les Bons dressent toutes leurs machines; et c’est en partie pourquoy ces Romans se trouvent si mesprisables parmy les bien sensez, comme ceux qui sans aucune Idée de perfection sur qui se conformer, amoncellent aventures sur aventures, combats, amours, desastres, et autres choses, desquelles une seule bien traittée feroit un loiiable effect, là où toutes ensemble elles s’entredestruisent; demeurant pour toute gloire l’amusement des idiots, et l’horreur des habiles, qui n’en peuvent supporter le regard seulement, les sçachant dans leur confusion du tout esloignées de l’intention de la Poësie: car pour purger il faut esmouvoir; or, comme on ne peut esmouvoir sans faire impression, laquelle impression se faict par moyens et convenables et continuez, et comme d’ailleurs ces Romanceries, soit par la qualité, soit par la quantité de leur matière, en soient entièrement rendües incapables, on ne peut aussi raisonnablement esperer cette purgation par leur entremise. Mais tout au rebours de ceux-cy, et des Héroïques mesmes, en l’Idée de ce Poëme Nouveau la Diversité ne consistant pas en choses dont la multitude ou la confusion 5\tpuisse distraire et anéantir l’impression, ains en descriptions qui aydent à la faire, et par conséquent à produire cette Utilité recherchée, il se voit que le but de la Poësie se pourrait dire y estre pleinement atteint, et qu’en cette considération elle obtiendrait la première place. Voila bien une partie de ce que l’on dirait sur ce 10 suject, qui aurait volonté d'y tout loüer, et d’en faire trouver tout au premier degré d’excellence. Mais comme ce n’est nullement icy mon dessein, et que je ne m’emporte pas volontiers aux apparences quand j’ay cognoissance de la Vérité, la Conclusion que je prens sur cette matière est telle. Il est certain que la vraye 15 fin de la Poësie est l’Utilité, consistant en cette Purgation susditte, mais qui ne s’obtient que par le seul Plaisir, comme par un passage forcé; de façon que sans Plaisir il n'y a point de Poësie, et que plus le Plaisir se rencontre en elle, plus est elle Poësie, et mieux acquiert-on son but qui est l’Utilité. Or le Plaisir en toute lecture 20\tse peut considérer de trois sortes; soit quand il vient des Choses seules nuës, et non ordonnées; soit quand il naist des Descriptions seules, c’est à dire où les Choses servent aux Descriptions; ou soit quand les Choses et les Descriptions le produisent ensemble, par un assemblement judicieux et modéré, de maniéré que l’une 25 n’empesche point l’autre, et que les Choses neantmoins y paraissent avoir le dessus. La première est abusive en Poësie, ne luy est point propre tant que de l’Histoire, et n’a pas lieu par authorité d’aucun bon Poëte Ancien; et à cette sorte, si, outre la nudité, la confusion et multiplicité monstrueuse d’actions Principales s’y 30 considéré, je réduis les Poëmes Anciens de vicieuse conformation et les modernes Romans dont, par sympathie d’imperfection, le sot populaire adore la folle tissure. À la Seconde cette nouvelle Idée de Poëme de Paix se raporte, et en icelle la Poësie y est en sa pure Pureté, sans qu’elle y reçoive rien d’estrange, que pour luy servir simplement de suppost. La derniere esleve la Poësie au dessus de soy mesme, et la faict s’incorporer (sans altérer en rien sa Nature) en un Suject qu’elle veut traitter pour luy, et non pour elle mesme; et à celle-là s’attribuent les Idées du Poëme Héroïque. Maintenant, comme nous avons exclus la première maniéré de Plaisir de toute composition poétique, aussi ne peuton nier que des deux dernieres la première, qui subsiste par les seules Descriptions, ne soit autant au dessous de l’autre, qui comprend les Choses revestües de Descriptions, que la Description seule est moindre que la Chose entiere descripte; ou bien que la Description se servant de la Chose seulement comme de suppost, est au dessous de la Chose (accordez à la Nécessité l’importune répétition de ce terme, mais j’entens par tout du Suject) qui se sert de la Description pour accompagnement tout simple; comme ainsi soit qu'en la Description qui se sert de la Chose, la Chose, comme celle qui n’est pas Principale, n’y est point en sa perfection, là où en la Chose qui se sert de la Description, la Chose d’une part y est entiere, comme Principale, et la Description, bien qu’elle ne soit pas Principale, y est neantmoins parfaitte comme si elle l’estoit; veu que la Description est de l’essence de la Poësie, en laquelle jamais elle ne doit manquer. Et ainsi, d’un costé, si la première Espece de ces deux dernieres, qui s’approprie cette nouvelle Idée, est plus purement Poétique, c’est à dire qu’elle donne plus le nom de Poëte a l’Escrivain que l'autre (pource que la Vertu de tout artisan, au rang desquels se met le Poëte, ne se remarquepas par la richesse de la matière, mais par la rareté de son artifice à la traitter), d’autre costé la Seconde, qui s’establit par l’Heroïque receüe, sera plus richement Poétique, comme estant avantagée et perfectionnée par le surcroist de la Chose qui a sa perfection; je veux dire qui est mise en considération de parfaitte en son estre, et traittée pour elle mesme principalement. Ce sont là les raisons qui m’ont faict dire, recognoissant la forme de l'Adonis comme tenant de cette nouvelle Idée, qu'elle cedoit la primauté à celle de l’Heroïque, et qu’elle se devoit contenter du Second lieu que sa Nature luy donnoit. À l’Invention se peuvent réduire les Parties du Poëme qu’ils surnomment de Quantité, à sçavoir le Nouëment de la Fable et son Desnoüement, pour imiter les Italiens en la formation de ces termes, lesquels se pourroient aucunement exprimer par l’Enlacement de la Fable, et le Desveloppement d’icelle. Or, bien que ces Parties ne soient pas dans VA d o n i s , pour ce qui est de l’Action principale de l’Espece tant estimée chez les Héroïques, c’est à dire avec merveille ou sans Agnition ou avec Agnition ; si y sont elles nonobstant; mais si c’est moins parfaittement, le deffaut de la matière en est cause. Or il s’est prouvé cy-devant que l’Eslection en a esté nécessaire de la sorte, pour l’Idée de la Nouveauté susditte, et qu’en cette Idée la Matière ou bien la Chose estoit ce que l’on consideroit le moins. Des Parties sousmises à la Constitution de la Fable, la Seconde des Propres est la Disposition; à laquelle pour estre bonne on requiert ordinairement deux choses: l’une que le Poëte en la tissure de son ouvrage ne tire pas le commencement du Narré ab ovo, recherchant la première cause de l’Action et la faisant marcher en ordre toute dans le Récit, selon le Temps qu’elle est advenue, comme vicieusement ont faict Stace et Silius Italicus, sans parler de Lucain, pouvant faire autrement; l’autre que la Peripetie, j’entens la Conversion ou le Changement de Fortune, s’y trouve, soit de bien en mal, soit de mal en bien. Pour la première (si l’on veut que le Poëte en VA d o n i s y ait contrevenu) je dis qu’il ne l’a peu observer, ou du moins qu’il ne l’a pas deu. Mais qu’il ne l’ait peu d’une part il me semble manifeste; car s’il eust donné une autre Disposition à l’ouvrage que celle qui y est, comme s’il eust commencé la Narration à l’arrivée d’Adonis dans la forest de Cypre, ou dans le Palais d’Amour, ou bien plus avant encore, on void qu’il eust perdu irrémédiablement l’occasion d’instruire le Lecteur du Suject de l’Amourachement de Venus (chose qui ne se pouvoit passer, estant absolument de l’essence de la Fable) ; il l’eust dis-je perduë, veu que, le seul Amour le sçaehant, il eust esté contre la Bien-seance du Fils envers la Mere, de l’introduire comme se vantant à aucun de sa vengeance; et eust encore esté contre la raison, veu que, s’en vantant, il eust deu craindre le courroux de Venus, et appréhender un nouveau chastiment d’elle; et pour ce qui est d’Apollon et de Neptune, lesquels sçavoient quelque chose de cette Vengeance, comme l’ayant aydée, ils ne pouvoient non plus la raconter à d’autres, sinon en s’esloignant beaucoup du Suject de la Fable, et cela encore avec un gran dechet et du gros de l’affaire et des particularitéz qui y entrent utilement; toutes lesquelles choses l’Amour sçavoit tout seul: ainsi donc le Poëte ne luy a peu donner d’autre Disposition que celle que nous y avons veuë. D’autrepart qu’il ne l’ait pas deu, quand il l’auroit peu, il apparoist de ce que cette Transposition de Matières que l’on cherche dans les Poëmes, en soy est plus un recours et un expédient qu’une beauté: une nécessité, sinon un embarras, qu’une merveille; je veux dire que les judicieux Anciens s’en sont servis, non pour expressément causer cette Suspension tant recommandée, laquelle neantmoins différé de la Merveille, qui l’examinera bien, mais seulement pour rappeller et comme recomprendre dans le corps de leurs Compositions ce qui pouvoit s’estre passé devant la derniere année, en laquelle leur Action se descrit estre faitte: et cela pour plusieurs raisons; la première, pour ne luy pas donner plus de cours que d’un an, terme que se sont prudemment prescrit tous ceux qui avec honneur ont voulu traitter d’Action Illustre en Poësie Narrative, comme celuy d’un jour naturel ceux qui ont embrassé la Représentative: la seconde, pour ne pas surcharger leurs Poëmes, par une Narration continuée, de plus de grandes actions, respondantes à une seule, que le Suject pour son Bien-estre n’en pouvoit recevoir: et la troisiesme, pour ne pas corrompre leurs ouvrages par plusieurs Actions différentes et indépendantes les unes des autres, qui les eussent rendus deffectueux en Unité. Que si leurs Actions, ou n’eussent pas plus duré qu’un an, ou n’eussent pas eu plus de matière que leur perfection n’en desiroit, ou n’en eussent point compris de séparées d’avec elles, il est tout clair qu’ils n’eussent pas laissé l’ordre de Nature, qui n’est point forcé, pour en prendre un autre, où il y a de la force, et où l’imagination travaille grandement; l’exemple de Claudian y est formel, et des autres, c’est à dire de Musée ou de Nonnus, qui suivent cet ordre facile. Mais en VA d o n i s ny la Fable toute ne s’estend pas au de là d’une année, ny la masse des choses n’est pas si grande, ny ce qui précédé l’Amour de Venus n’est point si des-uny de l’Action proposée, que pour éviter à tous ces maux il ayt esté besoing de recourir à cet ucj'O'epov TCporepov; il eust donc esté mal à propos que le Poëte s’y fust assujetty pour laisser la voye naturelle, laquelle, tant qu’il n’y a point d’inconvenient, est tousjours la plus loüable. Pour la Conversion maintenant elle y est, bien que sans Merveille, pour les raisons que nous en avons dittes cy-dessus, de l’espece la plus pathétique, et la plus efficace pour purger les passions: la Tragique à sçavoir; mais las ! de quelles circonstances accompagnée. Ausquelles choses toutes ayant esgard, je me suis cent fois estonné de ce que nostre Chevalier m’a dit et redit, qu’il n’estoit pas satisfait de cette Piece, et que si c’eust esté à recommencer il luy eust bien baillé une autre forme que cette-cy; mais après avoir pensé de luy que la grandeur de son Esprit luy pouvoit fournir des Idées ausquelles nul autre discours de raison ne sçauroit arriver, incognuës à chacun tant qu’il les eust luy mesme descouvertes, enfin n’en ayant rien tiré autre chose, j’ay creu, fondé sur ces raisons, que ce qu’il en disoit n’estoit que pour me tenter, et pour me mettre en peine, veu que mesme jusqu’icy je ne me suis rien pû figurer qui destruise ce que j’y ay considéré. Après les Parties que nous avons dittes Propres de la Constitution, suivent les Impropres, dont la première a este nommée Habitude. Cette-cy se deffiniroit une Inclination naturelle confirmée par la pratique, soit au bien, soit au mal; laquelle on doit trouver és Personnes qui entrent dans le Poëme, doüée de quatre conditions selon les Anciens, mais, comme je tiens, de deux seulement, à sçavoir de la Bonté et de la Convenance, de la Ressemblance et de l’Egalité; car, pour les deux premières, elles se reciproquent, attendu que ce qui convient est bon, et que ce qui est bon est aussi convenable; de maniéré que les Accidens qui seront attribüez à une Nature mauvaise, quoy que mauvaise en soy, doivent estre dits bons, entant qu’ils luy conviennent; comme, si Diomede ou Mezentius, cruels, estoient introduits dans un Poëme, l’Habitude de la Cruauté seroit ditte bonne, pour ce quelle leur conviendroit; ainsi l'Artifice et la Magie en Armide sont bonnes Habitudes, non pas moralement parlant, mais en considération poétique. Autrement, ayant à faire un Poëme, le Poëte seroit obligé de le former tout de personnes vertueuses, contre l’usage, et contre la raison. Les deux dernieres d’autre part, je dis la Ressemblance et l’Egalité, sont aussi mesme chose, ou peu s’en faut, comme ainsi soit que l’une vueïlle que la Personne introduitte soit faitte semblable à ce que l’on a sçeu de son Inclination, ou par Renommée, ou par tesmoignage d’Autheurs; et que l’autre desire, si elle n’a point este cogneüe d’une habitude plustost que d’une autre ou qu’elle soit toute feinte à plaisir, qu’on la face continüer dans toute la suitte du Poëme de la mesme Habitude qui luy aura esté d’abord attribüée; et c’eust esté aussitost fait de dire, que la Personne introduitte soit faitte telle dans tout le cours du Poëme qu’on l’aura ou prise d’autruy ou forgée de soy mesme en le commençant. Mais que ces conditions des Habitudes ayent esté exactement observées dans VA d o n i s , il est tout apparent; et premièrement, pour le Bon et le Convenable, si l’on s’opiniastre mesme à vouloir constituer du Bon une Espece différente du Bien-seant, entre les choses bonnes l’Amour est estimé tres-bon, et les plus severes ne le sçauroient rejetter que parmy les indifférentes; ce qui revient tout à un, pour le Poëte; outre que, la seule fin des choses déterminant leur bonté ou leur mauvaistié, si celle des Amours d’A d o n i s par leur Catastrophe, comme des Tragédies, est de purger la salleté qui se trouve en cette passion, elle est bonne, et fait l’action entiere bonne en ce regard de sa fin; mais si l’on s’arreste au Convenable pour tous les deux, quelle chose a plus de convenance avec la Jeunesse et avec la Beauté que la Chasse, et les Passions Amoureuses? Secondement, pour le Semblable et l’Egal, de quelque sorte qu’on les tourne, qui a-t-il dans ce Poëme ou de receu par renommée ou d’inventé par le Poëte du tout, qui ne garde jusqu’au bout son Habitude première ? Sans en venir à plus évidente démonstration, pour ne vous pas estre ennuyeux vous le prouvant par le menu, je m’en remets à vostre mémoire. Les Passions selon nostre ordre constituent la Seconde partie des Impropres; et semblent faire corps avec les Habitudes, comme sortant d’icelles; la Passion n’estant autre chose qu’une Perturbation arrivée en la faculté animale par une forte application, et, si je l’ose dire, tension extraordinaire de la naturelle inclination. Et à cela, les réglés communes de l’expression de Passions vous estans cognuës, je vous diray seulement que toutes celles d'Amour particulièrement sont en VA d o ni s si efficacement et si sçavamment animées, que le Poëte y a laissé derrière les plus renommées en ce genre, et j’ose asseurer que ceux qui le suivront à l’advenir de plus près en cela n’en approcheront jamais que de bien loing encore. À l'ouverture de son livre vous en avez les exemples tout clairs, sans qu’il soit besoing icy de les examiner d’avantage. Or, le Suject prouvé, le Stile se présente, dont nous avons fait deux parties les Conceptions, et la Locution. Pour les Conceptions, desquelles vous sçavez toutes les différences, et tous les effects, je diray hardiment que ce Sublime Esprit y a tellement excellé en cet Ouvrage, que je ne crois pas, soit pour les Passions, soit pour les Descriptions, qu’il en soit jamais tombé de pareilles en entendement humain. C’est en cette partie véritablement qu’il a transporté la Diversité et la Merveille, lesquelles les autres Poètes recherchent dans l’invention des Choses seulement; et en cette partie tout autre pouvant se rendre saoulant et desgoustant, il a reüssi luy si charmant et si agreable que sa longueur devra sembler trop courte à quiconque aura tant soit peu de sentiment, en matière de belle lecture. Pour la Locution maintenant (s’il m’est permis, sans estre suject à reprehension, de juger de la beauté d’une langue qui ne m’est pas naturelle) la Diction est si pure en luy, si Thoscane, si choisie, et si pregnante, qu’il n’y eust oncques Poëte, en quelque Idiome que ce soit, qui eust ce don plus accomply que luy; et de ces dernieres parties s’est formé ce Stile qui, soit en douceur, soit en gravité, soit en boutades vraye ment poétiques, n’a point de pareil, si ce n’est en quelques Anciens, et ne se verra jamais surpassé que par soy-mesme. Mais par ce que ce Stile est libre et diffus, et que quelques Anciens mesmes ont trouvé des Jugemens qui l’ont blasmé en eux comme une incontinence de plume, il sera bon de voir si le sien, qui les suit, est sujet à mesme objection, et s’il en mérité ou blasme ou loüange. C’est chose receuë pour maxime que tout Stile doit estre conforme à son Suject, d’autant, ce dit-on, que les paroles sont naturelles expressions de la Conception, et que la Conception n’est autre chose que la pure image de la Chose mesme. Or on recognoist de trois genres de Sujects, ausquels tous autres se réduisent: l’un s’appelle Grave ou relevé, l’autre Humble ou ravalé, et le troisiesme Mixte de l’un et de l’autre; lequel se nomme Moyen, pource qu’il est petit au regard du grand ou de l’extraordinaire, et grand au respect de l’ordinaire ou du petit. Sous le Premier sont compris tous le faicts Héroïques, les révolutions d’Estats, les ruines ou establissements de familles Illustres, les courageuses entreprises, et choses semblables. Sous le Second, les fourbes, les simplicitez, les amourettes, les querelles et les réconciliations, qui surviennent dans la vie civile et pacifique, entre gens de basse condition, sans que le bruit s’en espande au loing, pour la vileté des personnes. Le Troisiesme reçoit les Actions meslées de tous ces accidens, attribuées à de particulières Personnes, grandes et Illustres pourtant, qui ne tirent point d’autre conséquence après soy que des plainctes et des larmes, sans guerre et sans subversion d’Estat, ou au contraire. Mais comme une chose est alors moyenne qu’elle paroist tenir des deux extremitez opposées, aussi le Suject se dira plus proprement moyen, lors qu’il participera du Grave et du Ravalé; du Grave pour les Personnes, du Ravalé pour les Passions ou evenemens ordinaires, ou bien du Grave pour l’evenement et pour les Passions extraordinaires, et du Ravalé pour les Personnes ordinaires et pour les circonstances. À ces trois maniérés de Sujects donc les Maistres de l’Eloquence anciennement ont cherché les Formes ou Caractères de Stile differens, pour les traitter convenablement selon leur différence; et au premier ont assigné, s’il estoit simplement Tragique, le Stile qu’ils ont nommé Grave simplement: s’il estoit Héroïque aussi, celuy de Grave et de Magnifique ensemble, c’est à dire figuré, vous voyez bien pourquoy. Au Second ils ont prescrit un Stile commun, trivial, estendu, coulant, propre et intelligible, mais frippon et raillard. Au Troisiesme ils ont donné un Stile Mediocre aussi, participant des deux autres, mais comme adoucis et temperez: du Grave et du Magnifique, aux lieux où le Suject tient de l’Heroïque et du Tragique, soit pour les personnes, soit pour les Actions; et du populaire ou commun en ceux és quels, soit pour les unes soit pour les autres, il tient de l’ordinaire et du Comique. Ces choses accordées, si l’on considéré la Nature du Suject de VA d o n i s , il n’y a point de doute qu’on ne le recognoisse du genre du Suject Moyen, et par conséquent qu’on ne juge qu’il doit estre traitté avec un Stile Mediocre. Or l’Idée de ce Stile gist sur tout à exprimer les matières clairement, mais non bassement, inconvénient que porte ordinairement avec soy ce Caractère de la Dilucidité (que nous interpréterions Clarté, si nous commençions un jour à vouloir prendre cognoissance de cause en ce qui regarde le vrav sçavoir), et ce d’autant que pour mettre les choses devant les yeux, il faut descendre aux particularitez, et à la déduction des appartenances et dépendances; lesquelles d'ailleurs semblent ne se pouvoir expliquer sans bassesse: Homere luy mesme le faisant y est encouru. Mais plus il V a de difficulté à rencontrer ce milieu qui exprime et qui ne desgouste point, plus aussi y a-t-il de loüange d’esprit à l’avoir trouvé, et de jugement à l’avoir sçeu mettre en oeuvre, principalement en un suject qui non seulement le souffre, mais le desire pour sa perfection. Ce que si la Fable d'A d o n i s fait particulièrement, jugés-le par ce que nous en avons dit cy-dessus. Si donques nostre Amy l’a employé en cette occasion, ç’a deu estre plus par une judicieuse eslection que par une inclination forcée, et il mérité d’en estre singulièrement loüé, comme estant le premier des Modernes qui ayt franchy ce pas de la Description particulière (en quoy consiste l’Essence de la Poësie, je veux dire l’energie et l’Imitation), et cela encore sans avoir desmenty son Suject, et sans s’estre laissé tomber en bassesse: ce que pour obtenir voyez, je vous prie, quelle matière il a esleu, et dans sa simplicité combien elle est relevée; il n’y a celuy qui n’advouë que de toutes les choses la plus vaste et la plus susceptible de visages differens 5 ne soit la Passion humaine, unique pourtraict de la matière première, et qu’entre toutes l’Amour et la Jalousie ne tiennent le premier lieu: or pensés si ces parties sont dans l’A d 0 ni s , et de quelle sorte elles y sont. À dire le vray à peine trouvera-t-on de Noeud d’intrigue, ny de Desveloppement de Fable merveil- leux qui vaille qu’on le mette en comparaison avec cette simple maniéré de Traitter, de la façon que nostre Chevalier l’a restablie en son Poëme: dans lequel, soit pour les passions, soit pour les Descriptions, cette Clarté Magnifique, c’est à dire (si je le peux) cette Floridité ou Elegance de Stile, a esté gardée avec une telle\t possession de ses pensées, une si grande observation de langue, et un si particulière esgard au nombre du vers, et à la conformité qu’il doit avoir avec son Suject, qu’on n'en peut desirer d’avantage: ce que je trouve d’autant plus digne d’admiration que ces choses sont les plus espineuses de la Poësie, et les dernieres à quoy l’on parvient. Que si ce grand Critique du Siecle precedent, Scaliger, vivoit encore, je ne doute point qu’aprouvant cet ouvrage il ne mist en considération ce que nous avons faict icy, et que de la mesme chose dont il a blasmé Lucain, le Suject duquel ne luy permettoit pas de s’estendre, de la mesme il ne loüast le Marin,\t la matière duquel vouloit qu’il la traittast ainsi: et ce qui me le fait conjecturer est de voir qu’il n’a pas trouvée cela à redire en Claudian, dont l’intemperance n’est pas moindre, ny en Ovide (quoy qu’en ayt dit Quintilien), qui est estendu jusqu’à l’excez, ayant sans doute esgard à ce que l’un vestoit une Fable simple, qui avoit besoin de ces aydes externes pour la relever, et que l’autre animoit et faisoit parler des Passions, qui sont des sources inespuisables, dont on ne voit jamais la fin. Mais ayant dit que le Stile de l’^4 d 0 n i s en son genre estoit parfait, je crois bien que vous entendez qu’il a toutes les Parties et conditions générales d’un bon Stile: à sçavoir que la Narration est tres-esgale, que les comparaisons en sont claires par Nature, comme tirées de lieux cognus, bref que pour les liaisons il n’y a que souhaitter; et qu’ainsi la principale vertu de cette Idée gisant en l’excellence du Stile, et cettui-cy estant excellent entre les excellens, au desespoir des beaux esprits, vous voyez que le Poëme d’A d o n i s à cause de son Stile n’aura jamais de pareil en son espece. C’est pourquoy, sans me d’avantage arrester sur cette derniere partie, et sans parler ny de l’Allegorie comprise dans la Fable, comme chose assez esclaircie par le Poëte mesme, dans le discours qu’il fait estât de faire aller devant chaque Chant, ny de la Concurrence genereuse qu’il a prise avec les Anciens sur les principales de leurs matières, tant pour les maniérés de dire, que pour les Conceptions et les Inventions particulières mesmes, non tentées jusqu’icv par autre que par luy, pour ne point courir indiscrettement sur vos brisées, je finiray cette ennuyeuse enfilade en vous affermant, comme j’ay fait en commençant, que je tiens l’Adonis, en la forme qu’il me souvient l’avoir veu, pour bon Poëme, tissu dans sa Nouveauté selon les réglés générales de l’Epopée, et le meilleur en son genre qui sortira jamais en public. Telle est donc l’Opinion que vous avez voulu avoir de moy touchant l’Ouvrage de nostre Amy, pour laquelle appuyer d’avantage j’eusse peu estendre plus au long ce que j’en ay dit en peu de mots, et aurois encore tout plein de choses à dire si je parlois à une personne moins entendue, ou moins affectionnée à l’honneur du Chevalier Marin, c’est à dire à la Vérité. Maintenant si l’affection que vous luy portez vous faisoit trouver que je l’eusse maigrement loüé icy, souvenés-vous que vous ne m’avés point donné cette charge, et pensez que prenant la plume pour vous contenter, mon intention n’a point esté de le couronner, mais de vous faire voir succinctement que je sçavois pourquoy il meritoit la Couronne: il m’a semblé, estant simplement requis de mon ad vis sur son Poëme, que je satisfaisois à mon obligation vous descouvrant en paroles nuës ce que j'en pensois, et les raisons qui me faisoient prendre cette créance; et de l’humeur dont je suis, vous vous estes deu attendre que je ne forcerois point mon sentiment, pour luy rendre recompense de l’amitié qu’il luy plaist me porter, et que s’il s’y fust rencontré la moindre chose dont j’eusse mal jugé, vous la verriez icy notée en toute liberté: et cela, comme je vous dis, d’autant que je n'ayme pas plus mes 5 amis que ma franchise, et que je ne sçay que c’est de leur grabeler de l’honneur aux despens de la Vérité; la considération de laquelle m’est si chere que ce qui me pourroit inquiéter en cecy seroit seulement non pas de l’avoir mal loüé (cela ne me met point en peine), mais de ne vous pas avoir en presence, pour, si ce que j’ay dit d’aventure est suject à objection, entendre les oppositions de vous mesme, et y respondre sur le champ en me deffendant, ou bien, si les objections se trouvoient sans répliqué, afin d’abjurer soudain mon erreur en vos mains, et de profiter de ma honte, en aprenant ce que je n’aurois pas sçeu. Que si vous m’eussiez voulu obliger à Paranympher et porter dans les Cieux le Chevalier Marin comme il le mérité, ou je vous eusse demandé plus de temps pour m’y préparer, ou je vous eusse plustost prié de l’y eslever vous mesme sur cette plume si admirée, qui, soit en prose, soit en vers, soit en l’une ou en l'autre langue, n’en recognoit point d’autre qui pointe plus haut qu’elle. Mais permettez-moy que je vous die ma pensée: comme je n’ay pas suject de m’imaginer que vous ayez eu volonté de tirer cela de moy, aussi ne puis-je croire mesme que vous ayez attendu à vous résoudre en cette matière, que vous en eussiez eu mon ad vis; j’ay trop de cognoissance de vos forces, et de mon peu de sçavoir, pour adjouster foy à une chose, comme celle là, qui sans vous édifier en rien, iroit entièrement à la ruine de la retenue que mes amis ont jusqu’icy seulement estimée en moy; et ne me puis persuader autrement, sinon que vous ayez voulu esprouver si vostre authorité seroit bien assez puissante, pour me faire entrer en vanité, et m’induire à penser de moy mesme que je fusse capable de porter jugement là-dessus; aymant mieux vous faire importuner d'un fascheuxentretien, que de ne pas sonder jusqu’au bout ma foiblesse; et cela estant je n’aurois à opposer sur cette surprise que mon afïection, et le voeu de complaisante obeyssance dont je me suis lié envers vous; lequel me faisant fermer les yeux à toute autre considération sur vostre première instance m’a porté à vous respondre ce que j’ay fait pour ce qui touche VA donis , et m’oblige encore à vous dire que vous devez poursuivre le beau dessein, où vous estes, de travailler dessus; et pour vous tesmoigner plus clairement que c’est ma créance que vous le devez, et qu’il y a de l’honneur à gaigner pour vous, je vous avertis audacieusement que si vous ne le faittes je m'efforceray d’en venir à bout, afin que vous y preniez garde, pour vostre interest premièrement, et en second lieu pour délivrer nostre Chevalier de la juste crainte qu’il auroit, si je l’avois entrepris, de sortir mal accoustré de mes
mains. Adieu.L’ADONE
POEMA
DEL CAVALIER MARINO
Alla Maestà Cristianissima
di Lodovico il Decimoterzo
Re di Francia e di Navarra
con gli argomenti
del Conte Fortuniano Sanvitale
e l’allegorie
di don Lorenzo Scoto