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stration, pour ne vous pas estre ennuyeux vous le prouvant par le menu, je m’en remets à vostre mémoire. Les Passions selon nostre ordre constituent la Seconde partie des Impropres; et semblent faire corps avec les Habitudes, comme sortant d’icelles; la Passion n’estant autre chose qu’une Perturbation arrivée en la faculté animale par une forte application, et, si je l’ose dire, tension extraordinaire de la naturelle inclination. Et à cela, les réglés communes de l’expression de Passions vous estans cognuës, je vous diray seulement que toutes celles d'Amour particulièrement sont en VA d o ni s si efficacement et si sçavamment animées, que le Poëte y a laissé derrière les plus renommées en ce genre, et j’ose asseurer que ceux qui le suivront à l’advenir de plus près en cela n’en approcheront jamais que de bien loing encore. À l'ouverture de son livre vous en avez les exemples tout clairs, sans qu’il soit besoing icy de les examiner d’avantage. Or, le Suject prouvé, le Stile se présente, dont nous avons fait deux parties les Conceptions, et la Locution. Pour les Conceptions, desquelles vous sçavez toutes les différences, et tous les effects, je diray hardiment que ce Sublime Esprit y a tellement excellé en cet Ouvrage, que je ne crois pas, soit pour les Passions, soit pour les Descriptions, qu’il en soit jamais tombé de pareilles en entendement humain. C’est en cette partie véritablement qu’il a transporté la Diversité et la Merveille, lesquelles les autres Poètes recherchent dans l’invention des Choses seulement; et en cette partie tout autre pouvant se rendre saoulant et desgoustant, il a reüssi luy si charmant et si agreable que sa longueur devra sembler trop courte à quiconque aura tant soit peu de sentiment, en matière de belle lecture. Pour la Locution maintenant (s’il m’est permis, sans estre suject à reprehension, de juger de la beauté d’une langue qui ne m’est pas naturelle) la Diction est si pure en luy, si Thoscane, si choisie, et si pregnante, qu’il n’y eust oncques Poëte, en quelque Idiome que ce soit, qui eust ce don plus accomply que luy; et de ces dernieres parties s’est formé ce Stile qui, soit en douceur, soit en gravité, soit en boutades vraye-