Atto I

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Personaggi Atto II

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ACTE PREMIER.

SCÈNE PREMIÈRE.

M. de Chateaudor.

Enfin, j’y suis décide: me voilà prêt à me marier; moi me marier! moi qui ai toujours craint la dépense d’un ménage, et les fantaisies d’une femme: mais il le falloit bien, l’ambition m’a porté à acheter la noblesse, et j’aurois mal dépensé mon argent, si je n’avois pas de postérité. (il appelle) Frontin. Une femme! aurai-je assez de patience, assez de complaisance?.... ce n’est pas trop dans mon caractère; mais nous verrons... une demoiselle aimable, cent mille écus de dot..... enfin nous verrons. (il appelle une seconde fois) Frontin, Frontin. [p. 314 modifica]

SCÈNE II.

Chateaudor, Frontin.

Frontin. Monsieur, me voilà.

Chateaudor. Je t’ai appellé trois fois.

Frontin. J’étois en bas chez le cuisinier.

Chateaudor. Le cuisinier ne doit pas avoir besoin de toi. Je lui ai donné hier mes ordres, je lui ai donné l’argent nécessaire, les provisions à l’heure qu’il est doivent être faites, et la cuisine doit être bien avancée.

Frontin. Oui, elle avance tout doucement.

Chateaudor. Ecoutes1: voici des billets d’invitation pour le dîner d’aujourdhui 2 tu auras soin de les faire parvenir promptement à leurs destinations.

Frontin. Si j’avois le tems, j’irois moi-même.

Chateaudor. Non, tu ne le pourrois pas, tu es trop nécessaire aujourdhui à la maison. Cherche un commissionnaire habile, calcule bien le tems qu’il peut y employer, et paye-le... le moins que tu pourras. Mais à condition qu’il apporterà la réponse que je demande dans chaque billet, ou une note du suisse ou du portier de ceux qui ne se trouveront pas chez eux.

Frontin. Monsieur.... cette précaution est-elle bien nécessaire?

Chateaudor. Très-nécessaire. Je veux avoir vingt personnes à ma table, et si les uns me manquent, je veux avoir le tems de les remplacer par d’autres. Mais voici madame Dorimène, vas-t-en3.

Frontin. (A part) Vingt personnes! j’ai vu le menu 4, l’ordinaire sera bien juste. (haut) Mais5 j’oubliois de vous dire, monsieur que vous aurez un bon tailleur, un tailleur fameux, excellent.

Chateaudor. Je n’en ai pas besoin pour le moment, mais je le verrai avec plaisir.

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Frontin. Je crois qu’il ne tarderà pas à arriver. J’ai été chez lui, je l’ai trouvé qu’il montoit dans sa voiture.

Chateaudor. Dans son carrosse!6

Frontin. Oui, monsieur.

Chateaudor. Il a un carrosse à lui?

Frontin. Et très-beau même.

Chateaudor. Tant pis. A-t-il une certaine réputation?

Frontin. On m’a assuré, qu’il est fort habile, et qu’il a de trés-bonnes pratiques.

Chateaudor. Mais... pour la probité?

Frontin. Je n’en sais rien. Mais, monsieur, pourquoi ne vous servez-vous7 pas de votre tailleur ordinaire?

Chateaudor. Fi donc, mon tailleur ordinaire! Pour les jours de mon mariage, il me faut des habits élégans, des habits faits par une main excellente, par une main connue; comme on les trouvera beaux, on m’en fera compliment, on me demanderà le nom du tailleur qui les aura faits, irai-je nommer monsieur Le Morne8 qui n’est connu de personne? Mais voici madame Dorimène9 va-t-en, et depéche toi. (Frontin sort)

SCÈNE III.

M. de Chateaudor, mad.e Dorimène.

Dorimène. Bon jour, mon frère.

Chateaudor. Bon jour, ma très-respectable soeur, comment vous portez-vous?

Dorimène. Très-bien, et vous?

Chateaudor. Comme un homme très-heureux, qui va s’unir bientôt à la plus aimable, à la plus intéressante personne du monde.

Dorimène. Vous vous êtes donc décide pour mademoiselle Léonor10? [p. 316 modifica]

Chateaudor. Oui, ma chère amie; elle est votre alliée, c’est vous même qui me l’avez proposée, cela seul suffit pour que je la préfère à toute autre.

Dorimène. D’ailleurs elle a cent mille écus de dot, et autant peut-être après la mort de sa mère.

Chateaudor. Vous avouerez 11 ma soeur, que ces conditions ne sont pas de nature à être méprisées.

Dorimène. (D’un air sérieux) Cela est vrai; mais un homme comme vous....

Chateaudor. Eh, ma soeur, je vous entends. Vous voulez me reprocher, qu’ayant sacrifié un argent très-considerable pour acquérir un titre qui m’ennoblit, j’aurois du choisir une personne de condition. J’ai revé pendant longtems; j’ai furieusement combattu ce penchant qui m’a toujours dominé. Mais je connois les préjugés de l'ancienne noblesse, on m’auroit fait payer cher peut-être l’honneur d’une pompeuse alliance.

Dorimène. Ce n’est pas cela, que je voulois vous dire.

Chateaudor. Enfin, j’épouserai la charmante Léonor.

Dorimène. Et si la charmante Léonor ne vous aimoit pas?

Chateaudor. Vous badinez, ma soeur12 Je ne suis pas, je crois, assez disgracié....

Dorimène. Au contraire. Vous méritez beaucoup, mais on ne peut pas forcer les inclinations.

Chateaudor. Mademoiselle Léonor vous a donc dit qu’elle ne sentoit pas d’inclination pour moi?

Dorimène. Non; elle ne m’a rien dit; mais je m’en doute très-fort.

Chateaudor. (A part avec dépit) Cela me piqueroit au point...

Dorimène. Vous vous fâchez13 mon ami?

Chateaudor. (D’un air contraint) Point du tout. Voyons, parlez-moi franchement, sincèrement.

Dorimène. Vous savez, que d’après les confidences que vous m’avez faites, et d’après les discours que nous avons tenus [p. 317 modifica] ensemble sur cette famille qui étoit alliée avec feu mon mari, j’ai écrit à madame Araminte, et je l’ai priée de m’emmener sa fille à Paris?

Chateaudor. Oui, et il y a quinze jours, que vous les avez chez vous. Cela doit même vous avoir cause de la dépense, de l’embarras, et comme vous ne l’avez fait que pour moi... je vous.... en aurai une obligation éternelle.

Dorimène. Cela n’en mérite pas la peine14; la dépense n’est pas bien15 considerable, c’est une misère16, d’ailleurs j’aime cette famille comme vous savez, et je m’y interesse on ne peut d’avantage, Léonor est la plus aimable enfant du monde; et sa mère est une femme très-respectable, bonne économe, mais qui sait allier à l’économie la plus exacte la conduite la plus honête, et la plus regulière.

Chateaudor. Tant mieux, tant mieux, l’éducation de sa fille n’en sera que meilleure; mais il s’agit de me dire.....

Dorimène. Oui, mon ami, il s’agit de vous dire, que Léonor, je crois, ne vous aime pas.

Chateaudor. Mais sur quel fondement avez- vous établi ce cruel soupçon?

Dorimène. Toutes les fois qu’on lui parie de vous, elle baisse les yeux, et ne dit mot.

Chateaudor. C’est par modestie sans doute.

Dorimène. Si l’on vous annonce, elle tremble.

Chateaudor. C’est tout simple... à son àge.

Dorimène. Quand on lui parle de ce mariage, elle pleure.

Chateaudor. Ma soeur17 les larmes d’un enfant..... tout cela est bien équivoque.

Dorimène. Sans doute; mais avec tout ce qu’il y a d’équivoque, est-ce que vous oseriez l’épouser?

Chateaudor. Vraiment oui, sans difficulté.

Dorimène. Vous l’aimez donc bien? [p. 318 modifica]

Chateaudor.(D’un ton forcé) Oui.

Dorimène. Mais, vous ne lui avez pas parlé trois fois.

Chateaudor. (Avec affectation) N’est-ce pas assez pour un coeur aussi sensible que le mien?

Dorimène. Ah! je vous connois, mon frère.

Chateaudor. Vous avez bien de la pénétration, ma soeur.

Dorimène. Je serois très-fâchée d’avoir à me reprocher...

Chateaudor. (Avec une gaîte forceé) Allons, soyez tranquille; aujourd’hui vous me ferez l’amitié de dîner 18 chez moi avec ces dames, nous aurons du monde, le notaire y sera, et nous signerons le contrat.

Dorimène. (A part, et en s’en allant) Ciel! quel homme!... mais, je sonderai le coeur de Léonor, et s’il y a du danger, j’aime encore mieux déplaire à mon frère que souffrir le sacrifice d’une victime innocente. (elle sort)

SCÈNE IV.

Chateaudor seul

Ma pauvre soeur! elle se défie un peu trop de moi. D’ailleurs ce seroit pousser la délicatesse trop loin. Dans les mariages de convenance, ce n’est pas l’inclination que l’on consulte la première.

SCÈNE V.

Chateaudor, Frontin.

Frontin. Monsieur, voici votre tailleur.

Chateaudor. Le tailleur; à la bonne heure. Mais pour le mien, je n’en sais rien. Qu’il entre.

Frontin. (A la porte) Monsieur, donnez-vous la peine d’entrer. [p. 319 modifica]

SCÈNE VI.

Chateaudor, Frontin, le Tailleur.

Le Tailleur. (A Chateaudor) Monsieur, j’ai l’honneur de vous présenter mes tres-humbles respects.

Chateaudor. Bon jour, monsieur. J’aurois besoin de quatre habits. Il s’agit de mon mariage. Il me faut des habits riches, élégans19, et bienfaits20

Le Tailleur. Monsieur, j’aurai l’honneur de vous servir, et je me flatte, que j’aurai le bonheur de vous contenter.

Frontin. (Au tailleur) Monsieur, mon maître21 paye bien.

Le Tailleur. (A Frontin) J’ai l’honneur de le connoître. Qui est-ce qui ne connoit pas monsieur de Chateaudor?

Chateaudor. (A part) A la mine, il ne me paroit pas méchant. Il a un carrosse! S’il l’a bien gagné, tant mieux pour lui.

Le Tailleur. (A part) Je sais bien 22 que c’est une mauvaise pratique, mais nous verrons. (à Chateaudor) Monsieur voudra certainement des étoffes d’or, des étoffes d’argent?

Chateaudor. Point du tout. Je veux quatre habits de drap garnis de broderie très-large, très-magnifique.

Frontin. (A part) Diable! je ne reconnois pas là mon maître.

Le Tailleur. Beaucoup de paillettes sans doute.

Chateaudor. Non, monsieur, de la broderie appliquée sans clinquant, mais tout ce qu’il y a plus beau dans ce genre de broderie.

Le Tailleur. Allons, monsieur, chacun a son goût; je tâcherai de vous satisfaire. Voulez-vous que je vous prenne la mesure?

Chateaudor. Je le veux bien, mais à une condition.

Le Tailleur. Voyons la condition.

Frontin. (A part) Voyons, voyons.

Chateaudor. Je porterai mes quatre habits deux fois chacun et au bout de huit jours vous reprendrez vos broderies, qui seront toutes neuves, et que vous revendrez comme telles; il [p. 320 modifica] s’agit de me dire combien il faudra qua je vous donne pour les quatre habits qui me resteront, et pour l’usage que j’aurai fait de vos ornemens.

Frontin. (A part) A présent je reconnois mon maître.

M. Chateaudor. (Au tailleur) Et bien, monsieur, qu’en dites vous?

Le Tailleur. (En reculant) Monsieur, je suis interdit.

Chateaudor. Trouvez-vous ma spéculation singulière?

Le Tailleur. (En reculant) Monsieur, je suis pétrifié.

Chateaudor. Est-ce que vous vous moquez de moi?

Le Tailleur. Monsieur, j’ ai l'honneur de vous saluer. (il sort)

SCÈNE VII.

Chateaudor, Frontin.

Chateaudor. Comment! il me quitte? il me manque? (à Frontin) Suis-le; force-le à revenir, je saurai me venger...

Frontin. Mais, monsieur....

Chateaudor. (A Frontin) Non, arrêtes23; qu’il s’en aille, ma colère pourroit me couter plus cher que mes habits.

Frontin. Au moins, s’il avoit dit quelque chose, mais il s’en va interdit, pétrifié. Monsieur le tailleur, vous êtes riche, mais vous n'etes pas moins ridicule.

Chateaudor. C’est un sot, qui ne sait pas calculer. Quand il auroit même perdu quelque chose sur la broderie, n'avoit-il pas le moyen de se retirer sur le drap et sur la façon?

Frontin. (Regardant à la porte) Je vois du monde dans l’antichambre.

Chateaudor. Va voir ce que c'est.

Frontin. (Va voir à la porte.)

Chateaudor. Ce tailleur, tout imbecille qu’il est, m’a donne une bonne leçon. Je changerai d’avis sur le compte de ma parure, et je reverrai mon ami le Morne.

Frontin. (Toujours à la porte) Arrêtez, arrêtez, on n’entre pas tout d’un coup chez les grands seigneurs. [p. 321 modifica]

Chateaudor. Qu’est-ce que c’est? à qui parle tu, Frontin?

Frontin. Ce sont six gros paysans de la villette qui apportent cette lettre de votre fermier.

Chateaudor. Ah! je sais ce que c’est. Il faut que je les voye. (il s’approche de la porte, et les regarde sans sortir)

Frontin. Que diable veut-il faire de ces magots là?

Chateaudor. (Revìent en ouvrant la lettre) Ce sont, ma foy, de beaux hommes, jeunes, bienfaits. (à Frontìn) Prends la clef du gardemeubles que tu trouveras sous le n.° 16 dans mon cabinet. Tu connois l’armoire où sont mes beaux habits de livrée. Tu en prendras dix. Deux pour mon cocher et mon palefrenier, un pour le portier, un pour le laquais de ma soeur, et six pour les hommes qui viennent d’arriver. Ces jeunes gens me paroissent assez propres. Tu leur feras donner un coup de peigne, un peu de poudre, et s’ils ont besoin de souliers, il faudra voir. Il y a des souliers à tout prix.

Frontin. Et quel traitement faut-il leur faire, monsieur?

Chateaudor. Je suis convenu avec mon fermier que je leur payerai les journées, et que je leur donnerai pour boire. Tu acheteras pour eux deux pains de quatre livres, et deux bouteilles de vin de cabaret, et si tu veux les regaler des fragmens de la table, tu peux en disposer, car les restes de mets entamés appartiennent au maître d’hotel.

Frontin. Est-ce que monsieur a la bonté de m’honorer de cet employ?

Chateaudor. Oui pour aujourdhui 24

Frontin. Et l’habit, monsieur.

Chateaudor. Je t’en donnerai un.

Frontin. (A part) Il me resterà, peut-être.

Chateaudor. Mais comment va la cuisine? Avance-t-elle? serons nous servis à trois heures?

Frontin. Monsieur, le cuisinier fait ce qu’il peut. II a passe la nuit, il travaille comme un format; mais il est seul avec son petit marmiton 25 qui ne sait pas meme souffler le feu. [p. 322 modifica]

Chateaudor. Ne lui avois-je pas dit de chercher quelqu’un pour se faire aider? pourquoi ne l’a-t-il pas fait?

Frontin. Il avoit trouvé un bon cuisinier de sa connoissance, qui étoit sans condition à cause de la mort de son maître. Cet homme est venu, on lui a dit qu’il y avoit une table de vingt couverts; il a trouvé la vaisselle superbe, magnifique, il en a été émerveillé. Il a demandé la disposition des deux services, il a été très-content, huit plats d’entrées, huit plats d’entremets, deux soupes et deux plats de releves 26. Voilà, dit-il, voilà un bon dîner. Il trousse ses manches, il tire son couteau, il demande à voir le détail des provisions, il regarde, il examine, il calcule, les bras lui tombent, il se met à rire, et s’en va.

Chateaudor. Il se met à rire, et s’en va?

Frontin. Voilà, monsieur, la scène que j’ai vu moi même.

Chateaudor. C’est un fripon, il a bien fait de s’en aller. J’ai ordonné ce qu’il faut, et je sais calculer. Va dire a mon cuisinier de ma part que je serai reconnoissant de sa peine, donne-lui une bouteille de mon vin pour l’encourager.

Frontin. Il faudra, monsieur, commencer plutòt, et prendre d’autres précautions pour les dîners de votre mariage. (il sort)

SCÈNE VII.

Chateaudor seul

Pour mon mariage, je n’en serai pas la dupe. Je ferai paroître une lettre datée de l’Amérique qui m’annoncera la mort de mon oncle. Je serai en deuil27 je draperai, et nous ferons la nôce en particulier.

Fin du Premier Acte.

  1. Così nel manoscritto
  2. Così nel ms.
  3. Nel manoscritto queste ultime parole (Mais voici etc.) sono cancellate.
  4. Manoscritto: le menus.
  5. Nel manoscritto questo mais è cancellato.
  6. Nel manoscritto: carosse.
  7. Nel manoscritto: servez vous; e così più sotto: portez vous etc.
  8. Nel manoscritto: M. Le Morne.
  9. Manoscritto: Mad. Dorimène.
  10. Manoscritto: M.lle Léonor.
  11. Manoscritto: avoüerez.
  12. Queste parole sono cancellate nel manoscritto.
  13. Manoscritto: fachez.
  14. In luogo di queste parole si leggevano prima nel manoscritto queste altre, cancellate: Point du tout, mon frère.
  15. Nel manoscritto leggevasi prima très.
  16. Le parole c’est une misère furono cancellate.
  17. Le parole Ma sœur furono cancellate.
  18. Manoscritto: diner.
  19. Manoscritto: elegans.
  20. Così il ms.
  21. Manoscritto: maitre.
  22. La parola bien è cancellata.
  23. Manoscritto: arretes.
  24. Così il manoscritto.
  25. Manoscritto: marmitton.
  26. Così il manoscritto.
  27. Manoscritto: deüil.