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316 ACTE PREMIER


Chateaudor. Oui, ma chère amie; elle est votre alliée, c’est vous même qui me l’avez proposée, cela seul suffit pour que je la préfère à toute autre.

Dorimène. D’ailleurs elle a cent mille écus de dot, et autant peut-être après la mort de sa mère.

Chateaudor. Vous avouerez 1 ma soeur, que ces conditions ne sont pas de nature à être méprisées.

Dorimène. (D’un air sérieux) Cela est vrai; mais un homme comme vous....

Chateaudor. Eh, ma soeur, je vous entends. Vous voulez me reprocher, qu’ayant sacrifié un argent très-considerable pour acquérir un titre qui m’ennoblit, j’aurois du choisir une personne de condition. J’ai revé pendant longtems; j’ai furieusement combattu ce penchant qui m’a toujours dominé. Mais je connois les préjugés de l'ancienne noblesse, on m’auroit fait payer cher peut-être l’honneur d’une pompeuse alliance.

Dorimène. Ce n’est pas cela, que je voulois vous dire.

Chateaudor. Enfin, j’épouserai la charmante Léonor.

Dorimène. Et si la charmante Léonor ne vous aimoit pas?

Chateaudor. Vous badinez, ma soeur2 Je ne suis pas, je crois, assez disgracié....

Dorimène. Au contraire. Vous méritez beaucoup, mais on ne peut pas forcer les inclinations.

Chateaudor. Mademoiselle Léonor vous a donc dit qu’elle ne sentoit pas d’inclination pour moi?

Dorimène. Non; elle ne m’a rien dit; mais je m’en doute très-fort.

Chateaudor. (A part avec dépit) Cela me piqueroit au point...

Dorimène. Vous vous fâchez3 mon ami?

Chateaudor. (D’un air contraint) Point du tout. Voyons, parlez-moi franchement, sincèrement.

Dorimène. Vous savez, que d’après les confidences que vous m’avez faites, et d’après les discours que nous avons tenus

  1. Manoscritto: avoüerez.
  2. Queste parole sono cancellate nel manoscritto.
  3. Manoscritto: fachez.