Rivista di Scienza - Vol. II/L'école économique autrichienne: Histoire de l'école. Ses conceptions méthodologiques

Adolphe Landry

L’école économique autrichienne: Histoire de l'école. Ses conceptions méthodologiques ../La dinamica della divisione cellulare mitotica ../L’école économique autrichienne: Ses théories. Conclusion IncludiIntestazione 16 febbraio 2014 100% Scienze

L’école économique autrichienne: Histoire de l'école. Ses conceptions méthodologiques
La dinamica della divisione cellulare mitotica L'école économique autrichienne: Ses théories. Conclusion

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L’ÉCOLE ÉCONOMIQUE AUTRICHIENNE


I. Histoire de l’école. - Ses conceptions méthodologiques.


Il existe dans l’économique une école autrichienne dont l’œuvre, si elle est discutée par beaucoup, est tenue par beaucoup aussi pour considérable, et qui mérite, ne serait-ce qu’en raison des controverses qu’elle a suscitées, de l’influence qu’elle a exercée et qu’elle exerce encore, de retenir l’attention de ceux qui s’intéressent aux études économiques. C’est de cette école que je vais parler, me proposant surtout comme but de dégager — et d’apprécier — les conceptions qu’elle a eues de l’objet et de la méthode de l’économique.

I.


L’école autrichienne s’est formée par réaction contre l’historisme. Celui-ci avait envahi l’économique allemande vers le milieu du 19e siècle, et n’avait pas tardé à la dominer presque tout entière. Les raisons en sont multiples. La première sans doute et la plus importante est l’imperfection et l’insuffisance des théories classiques, révélées notamment par le désaccord très apparent des conclusions pratiques qui se déduisaient de ces théories avec les faits de l’expérience. On pouvait, il est vrai, chercher à corriger la doctrine classique en employant la même méthode qui avait servi à la constituer, en se plaçant au même point de vue; on préféra recourir à une méthode nouvelle, assigner à la recherche économique un objet nouveau; il devait en être ainsi en Allemagne, dans le pays par excellence du romantisme, où l’esprit historique s’était épanoui plus qu’en aucun autre pays et avait pénétré partout. Qu’on ajoute à cela le développement des [p. 162 modifica] préoccupations nationales. List, dans son Système national d’économie politique (1841), avait invité ses compatriotes allemands à abandonner le cosmopolitisme économique des classiques pour s’attacher aux intérêts particuliers de leur pays, et son ouvrage avait obtenu le succès le plus grand, parce qu’il traduisait, dans le domaine spécial de l’économique, les vives aspirations de l’Allemagne. Mais l’orientation qu’il donnait aux études économiques devait naturellement conduire les économistes à considérer, dans les faits économiques, bien plutôt ce qui constitue leur diversité que ce qu’ils offrent d’universel, à s’attacher aux formes variables que les phénomènes économiques revêtent selon les temps et selon les pays plutôt qu’au fond permanent qu’on retrouve toujours en eux.

Pour ces raisons, l’historisme, vers 1870, régnait dans l’économique allemande, avec pour représentants principaux des hommes comme Hildebrand, Knies, Roscher, Schmoller. Les chefs de l’école historique ne prétendaient pas que les économistes se limitassent à faire oeuvre d’historiens; et certains d’entre eux, Knies notamment, ont produit des travaux qui ont un caractère «théorique» très prononcé. C’était cependant de recherches historiques — en prenant ce mot dans son sens le plus large — qu’ils étaient surtout occupés; c’était vers les recherches historiques qu’ils dirigeaient leurs élèves. Ils donnaient à croire par là que l’économique n’avait pas d’autre tâche que de raconter, de décrire et de dénombrer.

L’école autrichienne s’est constituée à ce moment. Elle est née de l’enseignement de deux hommes, Emil Sax et Carl Menger, et le premier ouvrage important où ses tendances et ses conceptions s’affirmèrent fut le livre de Menger, Grundsätze der Volkswirtschaftslehre, paru en 1871. Dans cet ouvrage on trouvait exposée cette théorie de la valeur fondée sur l’utilité-limite dont j’aurai à reparler bientôt, et qui est la base même de l’économique autrichienne.

Autour de Sax et de Menger, d’autres économistes, leurs élèves, se groupèrent: Wieser, Böhm-Bawerk, Zuckerhandl, Komorzynski, etc. Et ce fut dans la décade 1880-1890 que l’école manifesta la plus grande activité. C’est en 1883 que Menger fait paraître ses Untersuchungen über die Methode der Socialwissenschaften, en 1885 que paraît Das Wesen und die [p. 163 modifica] Aufgabe der Nationalökonomie, de Sax. Le même Sax publie en 1887 sa Grundlegung der theoretischen Staatswirthschaft. Les deux livres de Wieser sur la valeur paraissent en 1884 et 1889; dans les mêmes années, les deux parties — la partie historique et critique, la partie dogmatique — de l’ouvrage célèbre de Böhm-Bawerk sur le capital et l’intérêt.

La décade 1880-1890 passée, la production de l’école autrichienne se fait moins abondante. C’est en 1892 sans doute que sera créée la Zeitschrift für Volkswirtschaft, Socialpolitik und Verwaltung. Mais si l’on trouve dans cette revue quelques travaux vraiment originaux, comme celui de Sax sur l’impôt progressif, elle servira sourtout à défendre contre les écoles adverses, contre les critiques de toutes sortes, les ouvrages antérieurement publiés par ses rédacteurs. Et aucun ouvrage important ne viendra s’ajouter à ceux que j’ai dits1.

Aujourd’hui, il est permis de considérer l’activité de l’école autrichienne comme à peu près épuisée. Le moment [p. 164 modifica] est donc venu de jeter un coup d’œil d’eusemble sur son oeuvre, pour la comprendre et pour la juger.

II.


Les économistes autrichiens ont voulu, tout d’abord, revendiquer les droits de la science économique, ils ont affirmé que cette science existe, et doit être cultivée.

Comme nous l’avons vu, l’école historique mettait au premier plan les travaux descriptifs et statistiques; elle assignait comme tâche principale à l’économique d’observer la diversité, qualitative d’une part, quantitative de l’autre, des phénomènes, de reconnaître les types différents que les phénomènes présentent, et de soumettre ces phénomènes à la mesure. Puis de cette étude les économistes historiens passaient, parfois sans transition, et toujours trop rapidement, à l’étude des questions pratiques.

Les économistes autrichiens n’ont jamais songé à nier l’utilité de l’observation des faits, passés ou présents; et ils n’ont jamais songé non plus à nier l’importance des questions pratiques. Mais pour ce qui est de ces questions, c’est de l’art économique qu’elle relèvent; et quant à l’observation des faits, elle ne saurait en aucune façon suffire à constituer la science économique. Il n’y a de science que du général: c’est un point suffisamment établi depuis Socrate, Platon et Aristote. Si donc il doit exister une science économique, cette science devra consister non pas en une réunion de faits, mais en un ensemble, et si possible en un système de lois.

Sur le sens du mot loi, il importe d’éviter qu’aucune équivoque puisse naître. Certains partisans de l’historisme ont prétendu que l’étude historique des faits nous permettait d’atteindre, nous donnait immédiatement des lois. Ce qu’ils désignent ici par ce mot — on se sert également de l’expression lois de développement — , ce sont ces schèmes qui résument les transformations successives de tel ou tel ordre de phénomènes, ce sont les courbes qui figurent certaines évolutions. Mais quand on emploie le mot loi de la sorte, on le détourne de sa signification véritable. La courbe qui représente l’évolution de tels ou tels faits concrets, par conséquent particuliers, appartient encore à la catégorie du particulier. Et le propre d’une loi, c’est d’être générale.

[p. 165 modifica]La science économique cherchera à découvrir des lois — dans le sens vrai de l’expression — , c’est-à-dire des relations constantes entre les phénomènes. Ceci, toutefois, ne précise pas encore assez son objet. Il y a, en effet, deux sortes de lois: les lois «empiriques», et celles que Menger appelle «exactes»2. Les lois empiriques expriment simplement des successions dont on a constaté, par une série d’observations plus ou moins longue, la régularité. A-t-on observé, par exemple, que l’accroissement de la demande, sur les marchés, était suivie d’une hausse des prix, on dira que l’accroissement de la demande fait monter les prix; et ce sera une loi empirique. Une loi exacte est quelque chose d’autre. Ce qui la distingue, c’est que, indiquant l’action d’un facteur économique, elle suppose réalisées de certaines conditions. Elle ne dit pas: tel phénomène produit tel autre phénomène; elle dit: telles conditions étant données, le phénomène A produira le phénomène B.

Les lois exactes, en somme, opèrent dans la complexité du réel une dissociation que les lois empiriques n’opèrent point; ou plutôt, tandis que les lois empiriques, dissociant les éléments du réel, n’indiquent pas que cette dissociation implique une abstraction, qu’elle est en un sens arbitraire, les lois exactes l’indiquent nettement. Les lois exactes, à la différence des lois empiriques, se présentent comme des vérités hypothétiques. Mais si bizarre que cela puisse paraître au premier abord, leur caractère hypothétique fait leur certitude. La loi empirique n’est point certaine: elle peut ne pas correspondre à une véritable relation de causalité; et même si elle exprime une relation causale, elle peut se trouver démentie par les faits; car l’action d’une cause est subordonnée souvent à la réalisation de certaines conditions, et elle peut être contrariée par l’action d’autres causes. La loi exacte, en revanche, est certaine, puisqu’elle définit les conditions dans lesquelles le rapport de succession qu’elle énonce se vérifiera.

Pour arriver à déterminer ces lois exactes qui constitueront la science économique, quelle méthode y aura-t-il lieu d’employer? Une méthode à la fois inductive et déductive.

L’induction a un rôle à jouer dans l’édification de la science économique. C’est là un point que nul ne saurait [p. 166 modifica] contester. L’économique, comme science, ne s’occupe pas du possible, mais du réel; elle n’étudie pas des idées créées par l’esprit, ou que l’esprit tout au moins peut créer sans le secours de l’expérience; elle étudie des phénomènes que l’expérience nous présente, et que nous ne pouvons connaître que par elle. Voulant expliquer ces phénomènes, elle est contrainte d’en faire le point de départ de son investigation, de s’appuyer sur eux pour atteindre les premières tout au moins de ses lois.

L’induction est donc, nécessairement, la première des opérations par lesquelles on construira la science économique. Mais tout d’abord cette induction ne sera pas celle que préconisent certains économistes partisans, comme l’on dit, de la méthode inductive. Ces économistes, quand ils parlent de l’induction économique, veulent parler exclusivement de ces inférences qui se basent sur les faits complexes, et plus particulièrement encore ils pensent aux inférences qui se basent sur les faits de masse — on me permettra cette expression — indiqués par les statistiques. Les inductions de l’école autrichienne, elles, portent sur des faits élémentaires, sur ces faits très simples que l’observation externe la plus familière, ou même l’observation interne nous montre.

Par l’induction ainsi comprise, on arrivera à déterminer un petit nombre de vérités, élémentaires comme les faits particuliers dont elles sont la généralisation: ce seront les propositions fondamentales de la science économique — qui au reste pourront ne pas être encore des propositions proprement économiques, mais bien appartenir à telle discipline distincte de l’économique, à la psychologie notamment ou à la technologie — . Il appartiendra alors à la déduction d’utiliser ces propositions fondamentales; en les rapprochant les unes des autres, on se mettra à même d’obtenir des conclusions qui étendront notre connaissance; et l’on pourra enchaîner toute une longue suite de raisonnements déductifs, comme on fait dans d’autres sciences qui elles aussi sont tout d’abord et essentiellement inductives, dans la mécanique par exemple on dans la physique.

Jusqu’ici, dans ces conceptions de l’école autrichienne que j’ai exposées, rien n’est apparu qui appartînt en propre à cette école. Les idées exprimées ci-dessus sont celles qu’ont professées, ou qu’ont mises en pratique du moins les grands [p. 167 modifica] économistes classiques. Ce qui est particulier aux économistes autrichiens, c’est l’importance qu’ils ont donnée, dans la science économique, aux éléments psychologiques.

L’économique n’a point ses bases exclusivement dans la psychologie: l’activité économique des hommes, en effet, est conditionnée par des facteurs d’ordre «naturel»; elle est conditionnée aussi par nos connaissances techniques et par les institutions juridiques. Mais le principe de cette activité est tout psychologique, il se trouve en nous-mêmes, dans nos besoins que nous cherchons à satisfaire, dans le désir que nous avons d’assurer notre subsistance, de nous procurer et de procurer aux nôtres le plus de bien-être possible — pour ne parler que des mobiles les plus considérables — . C’est donc l’étude psychologique des «sujets économiques» qui plus que toute autre chose nous aidera à comprendre, nous mettra à même d’expliquer les phénomènes dont l’économique a à s’occuper. Cette étude, nous ajouterons, portera sur des faits psychologiques qui, d’une manière générale, sont parfaitement conscients. L’homme, en tant qu’être économique, n’obéit pas, sauf exceptions, à des impulsions irréfléchies; il mesure au contraire, il compare, il calcule; les actes qu’il accomplit, il les accomplit parce qu’ils lui ont paru avantageux; dans aucune, peut-être, des manifestations diverses de son activité l’homme n’est, autant que dans son activité économique, guidé par la raison.

On dira, peut-être, qu’il est des processus économiques qui se présentent comme «organiques». Tel serait, par exemple, le processus de l’introduction de la monnaie comme intermédiaire des échanges3. Comment l’emploi de cet intermédiaire s’est-il introduit? Ce n’est point par une résolution que les membres d’une société auraient prise un jour de concert, ou par une décision de quelque autorité. Non seulement l’histoire ne nous apprend pas que rien de pareil ait eu lieu jamais, mais il y a une impossibilité à peu près complète que les choses se soient passées de la sorte. Dans la réalité, certaines sortes de biens, après avoir figuré longtemps dans des échanges parce qu’on les désirait pour eux-mêmes, sont devenus, en raison de qualités spéciales qu’ils possédaient, des moyens de paiement; et cette fonction nouvelle — fonction toute de [p. 168 modifica] relation — a pris le pas, si l’on peut ainsi dire, sur ces usages qui conféraient aux biens en question une utilité intrinsèque. Mais cette évolution que je viens d’esquisser s’est faite sans que les gens qui y ont été mêlés l’aient voulue, sans qu’ils s’en soient aperçus.

Ainsi raisonne-t-on; et dans ce raisonnement il y a sans doute quelque chose de vrai. Il reste toutefois que l’on doit pouvoir, et que l’on peut en effet expliquer l’origine de la monnaie par des actions conscientes et réfléchies des hommes. Les gens n’ont tout d’abord échangé les biens qu’ils possédaient que contre des biens ayant pour eux une utilité intrinsèque. Plus tard il leur est arrivé d’échanger des biens contre d’autres biens dont ils n’avaient point personnellement besoin, mais qu’ils savaient être généralement désirés, et avec lesquels ils étaient assurés, en conséquence, de pouvoir acquérir par la suite des biens d’une utilité intrinsèque. Ils ne se sont pas rendu compte, ce faisant, qu’ils contribuaient à créer une espèce nouvelle de biens, très différente à plusieurs égards des autres: la monnaie. Qu’importe? Il n’en est pas moins vrai que l’origine de la monnaie peut être expliquée psychologiquement, et que ce processus «organique» dont on parle apparaît lui aussi, quand on l’analyse de cette manière, comme étant en un sens un processus «mécanique» — entendons qu’il n’offre rien de mystérieux, mais qu’il est au contraire parfaitement intelligible — .

Au psychologisme de l’école autrichienne, on reproche le caractere subjectif des explications qu’il donnera pour les faits économiques. Et contre les explications subjetives il existe une prévention très répandue. On veut que la science soit autant que possible objective. Abstenons-nous de rechercher si dans l’emploi que l’on fait ici des mots subjectif et objectif des confusions ne seraient pas impliquées. Acceptons ces mots, servons-nous en nous-mêmes. Ce qu’il suffira de montrer, c’est que dans la sociologie, et dans l’économique en particulier, l’explication «subjective» des phénomènes est la plus scientifique, qu’elle est supérieure à l’autre4.

L’explication subjective est supérieure à l’explication objective. On constate, par exemple, que les suicides sont plus [p. 169 modifica] nombreux dans le mois de juillet et dans le mois de novembre que dans les autres mois. Mais les gens qui attendent, pour se tuer, le mois de juillet, ne choisissent pas ce mois parce-qu’il est le mois de juillet, ni même parce qu’il est le mois le plus chaud. Il sera vrai de dire que le nombre des suicides augmente quand il fait très chaud, que la grande chaleur provoque des suicides. Mais parler ainsi, ce ne sera pas expliquer complètement la constatation que cette formule énonce. Cette formule unit deux termes qui dans la réalité ne se présentent pas comme unis immédiatement l’un à l’autre. Elle néglige les intermédiaires qui existent entre ces deux termes. On n’aura une explication de tous points satisfaisante que si l’on développe toute la chaîne des causes et des effets; et il conviendra, notamment, de rattacher les fait à expliquer aux faits d’ordre psychologique qui sont leurs causes immédiates.

L’explication objective est moins complète, elle est plus pauvre, si l’on veut ainsi parler, que l’autre; par suite elle est moins sûre. Quand on ne prend pas la peine de reconnaître tout l’enchaînement des causes et des effets, quand on prétend rattacher un fait sociologique, non pas aux faits psychologiques qui sont ses antécédents immédiats, qui lui ont donné naissance, mais à des faits objectifs, on aura par là des lois que l’expérience, souvent, ne vérifiera pas: car lorsqu’on met en rapport deux termes que des intermédiaires plus ou moins nombreux séparent, les chances sont grandes que des causes contraires empêchent le rapport des deux termes en question de se manifester. Et ce n’est pas tout: on court le risque, à procéder ainsi, de voir des relations causales là où il n’y en a pas.

Prenons des exemples d’explications objectives des phénomènes économiques. Nous en trouverons, en particulier, dans les théories de la valeur.

Il y a une théorie de la valeur qui fait dépendre celle-ci de l’offre et de la demande, de leurs variations et de leur rapport. Cette théorie se fonde sur l’observation; c’est par la méthode inductive qu’on y est arrivé. Mais quand il serait vrai que la valeur des marchandises dépendît de l’offre et de la demande, qui ne voit que cette explication demeure superficielle, et qu’on ne saurait s’en contenter? On nous dit que si l’offre s’accroît, la valeur baissera. Pourquoi en est-il [p. 170 modifica] ainsi? Cette loi, par elle-même, n’est point intelligible. Et j’ajouterai que, donnant des faits une vue toute superficielle, elle en donne, par cela même, une vue très vague; elle ne nous montre aucunement comment se déterminera quantitativement cette baisse de la valeur qui correspondra à tel accroissement de l’offre.

Voici une autre théorie de la valeur: la théorie marxiste, qui veut que la valeur naisse du travail incorporé dans les marchandises et se mesure par la quantité de ce travail. A la différence de la précédente, cette théorie n’est point le résultat d’une induction; elle se fonde sur des raisonnements «dialectiques». Marx la démontre en représentant que les marchandises n’ont qu’une qualité qui leur soit commune, à savoir celle d’avoir coûté du travail, que seule du moins, parmi les qualités qu’elles ont en commun, celle-là peut servir a régler les échanges. Mais Marx ne nous fait pas voir comment ce principe s’établira, que les marchandises s’échangeront les unes contre les autres en raison du travail qu’elles auront coûté à créer. D’ailleurs, non seulement sa théorie est insuffisamment explicative, mais elle est fausse; et Marx la détruira lui-même en introduisant dans sa doctrine, comme facteur des prix, la concurrence, laquelle n’a rien de commun avec le principe indiqué ci-dessus, et ne saurait se combiner avec lui.

Ainsi la prévention qui existe contre les explications subjectives n’est qu’un préjugé, dans le sens vulgaire du mot. Tout au contraire de ce que l’on croit communément, ce sont ces explications que la science économique doit chercher. Les phénomènes économiques sont la manifestation ou le résultat d’une activité consciente des hommes: on ne les comprendra vraiment que si on les rattache aux causes psychologiques dont ils procèdent.

Je viens d’exposer les idées des économistes autrichiens sur l’objet et sur la méthode de l’économique. Il me reste, maintenant, à parler des théories que ces économistes ont produites, et à apprécier dans son ensemble l’œuvre de l’école qu’ils constituent.

École des Hautes Études, Paris.

Note

  1. Il convient d’indiquer, parmi les travaux dus à l’école autrichienne, ceux qui sont les meilleurs ou le plus caractéristiques. Les voici, classés par auteurs.
    Menger - Grundsätze der Volkswirtschaftslehre (1871); Untersuchungen über die Methode der Socialwissenschaften und der politischen Oekonomie insbesondere (1883); Die Irrthümer des Historismus (1884); article Geld, dans le Handwörterbuch der Staatswissenschaften de Conrad (1892);
    Sax - Die Wohnungszustände der arbeitenden Klassen (1869); Die Verkehrsmittel in Volks- und Staatswirtschaft (1878-79), résumé dans le Handbuch der politischen Oekonomie de Schönberg, 1ère partie, sous le titre Transport- und Kommunikationswesen; Das Wesen und die Aufgabe der Nationalökonomie (1885); Grundlegung der theoretischen Staatswirtschaft (1887); Die Progressivsteuer (dans la Zeitschrift für Volkswirtschaft, 1892);
    Wieser - Ueber den Ursprung und die Hauptgesetze des wirtschaftlichen Werthes (1884); Der natürliche Werth (1889);
    Böhm-Bawerk - Rechte und Verhältnisse vom, Standpunkte der volkswirtschaftlichen Güterlehre (1881); Grundzüge der Theorie des wirtschaftlichen Güterwerths (dans les Jahrbücher für Nationalökonomie und Statistik, 1886); Kapital und Kapitalzins, I. Geschichte und Kritik der Kapitalzinstheorien (1884), II. Positive Theorie des Kapitales (1889); Ueber den letzten Massstab des Güterwerthes (dans la Zeitschrift für Volkswirtschaft, 1894); Zum Abschluss des Marxschen Systems (dans les Festgaben für Karl Knies, 1896); Einige strittige Fragen der Capitalstheorie (1900);
    Zucherhandl - Zur Theorie des Preises (1889);
    Komorzynski - Der Werth in der isolierten Wirtschaft (1889).
    Mentionnons encore les travaux de Gross, Mataja, Meyer, Schullern et Philippovich.
  2. Cf. les Untersuchungen, pp. 32 sqq., 55 sqq.
  3. Voir Menger, Untersuchungen, pp. 143 sqq.
  4. Voir là-dessus Böhm-Bawerk, Zum Abschluss des Marxschen Systems (Festgaben für Karl Knies, pp. 199 sqq.).