Masaccio: Ricordo delle onoranze/Giorgio Berger
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Di giorgio berger
membro dell’istituto di francia (accademia di belle arti)
deputato di parigi alla camera francese
antico commissario generale dell'esposizione universale
del 1889
- A M.r Henry Cochin.
Paris le 15 Mai 1903.
Mon cher Collègue et ami,
J’ avais eu l’honneur d’être nommé Président du Comité chargé de préparer la participation française à l’Exposition des Primitifs flamands, qui s’est ouverte à Bruges, pendant le printemps dernier. L’ancienne Capitale des Comtes de Flandre et de la dynastie des ducs de Bourgogne, a formé pour cette manifestation artistique un cadre incomparable. Je n’ai pas manqué de me rendre à Bruges.
J’ arrivais de Florence; c’est ainsi que je me suis trouvé transporté devant le beffroi des vieilles halles de Bruges, le lendemain du jour où je m’étais éloigné de la Tour du Palazzo Vecchio.
La majesté robuste de ces deux élancements architecturaux s’était, de longue date, imposée à ma dévotion artistique. Je les considérais comme deux jalons directeurs de la sensation des choses du sublime et de l’idéal; n’avaient-ils pas, en efFet, été plantés simultanément à la fin du treizième siècle, qui fut le précurseur recueilli de la Renaissance, afin qu’ une voix s’elevât de leurs sommets, pour proclamer un jour que c’est dans la cité flamande et dans la cité toscane qu’avaient le plus magnifiquement germé toutes les opulences et tous les arts.
Le sang de partisans affamés de liberté et de grandeur nationale a coulé sur la place de la Signoria, comme sur celle du Beffroi de Bruges. L’or y ruissela aussi et se répandit en prodigalités dont profitèrent des générations d’artistes exaltant l’idée religieuse, en même temps qu’ épris de somptuosités et de fastes décoratifs.
Vous avez, mon cher Collègue et ami, l’âme largement ouverte aux grandes émotions de l’Art. Ne vous semble-t-il pas, comme à moi, qu’au moment où il faut quitter Venise, Rome, Florence et leurs soeurs d’Italie, on part enveloppé d’une atmosphère embaumée dont l’enivrement dure? En franchissant le seuil de Bruges, j’ ai eu l’impression que le parfum de l’Art Florentin se mêlait, autour de moi, en vagues exquises, à celui de l’art flamand.
Laissez moi me servir d’une image qui est d’actualité. J’ ai comparé, en rêve, le Beffroi de Bruges et la tour du Palazzo Vecchio aux mats decorés d’une télégraphie sans fils, qui, au lieu de faire se pénétrer des ondes aëriennes devenues les vehicules de communications transcriptibles, associerait les molécules vibrantes de deux atmosphères lumineuses, pour entourer d’une auréole magnifique l’expression la plus éclatante de l’art humain.
J’étais décidé à ébaucher une étude la mieux sentie que j’aurais pu, de la grande et typique personnalité de Masaccio. Je croyais le moment venu de cette tentative peut-être présomptueuse. En efFet, cet impitoyable destructeur qui se nomme le temps, fauche de plus en plus l’oeuvre de ce maître. Sa figure m’est apparue comme plus expressive que jamais, à l’image de ces grands morts dont les traits s’éclairent d’une beauté supérieure à celle qu’on leur avait connue, avant qu’ ils ne fussent couchés sur le lit du dernier repos, au bord du tombeau.
J’ avais recueilli ma pensée devant l’«Adam et Eve chassés du Paradis» que Masaccio peignit dans la Chapelle Brancacci de Florence; et voilà que je me suis trouvé face à face avec les deux autres figures de nos premiers parents dont Jean Van Eyck a orné les volets latéraux du polyptique de «l’Adoration de l’Agneau» partiellement exposé à Bruges. Le réalisme saisissant d’Eve qui est une femme dans tonte sa nudité naturelle empêche qu’on puisse en attribuer la peinture, comme certains historiens l’on fait, à Hubert Van Eyck qui se distingue de son frére par une maniere plus idéaliste.
Devant les conceptions différentes de Masaccio et de Jean Van Eyck traitant, presque à la même epoque, le même sujet, j’ai été hanté par l’idée de rechercher, en prenant ces deux peintres pour types, les points communs d’inspiration et de composition aux deux Écoles de la Toscane et des Flandres, pendant le 15e siècle.
Si je choisis Masaccio pour le comparer à Jean Van Eyck, c’est que je discerne dans les fresques de la Chapelle del Carmine, qui est incontestablement son oeuvre, un caractère bien tranché, très particulier, qui le rapproche cependant du Maître flamand par un effort parallèle vers la représentation franche de l’être humain tel que la nature le crée, en même temps que vers un rendu timidement expressif du tempérament moral de cet être.
L’oeuvre entière de chacun de ces peintres a marqué, chacun de son côté et avec ses procédés propres, les débuts indéniables d’une période de transition dans la conception artistique du sujet. On s’est généralement trop empressé de différencier les manières, les tendances, les tatonnements souvent géniaux de Masaccio et des Van Eyck, qui suivant des voies difFerentes, poursuivaient des buts de psychologies identiques, par les appellations mal définies d’École naturaliste ou d’École idealiste.
De pareilles définitions risquent d’être des termes vagues dissimulant une impuissance véritable de jugement, sous la plume de critiques qui les emploient a tort ou à travers. C’est dans l’analyse des phases diverses du combat que livraient à leurs propres consciences, les maîtres du commencement du 15e siècle, quelque fût leur origine nationale, puisque le génie est de toutes les patries, qu’il est intéressant de rechercher comment le réalisme de Giotto qui avait envahi le monde, s’est progressivement déraidi jusqu’ à faire sentir l’âme du personnage à travers son enveloppe corporelle, dans l’oeuvre des artistes subséquents.
Je suis bien vieux, bien fatigué et absorbé par trop d’occupations étrangéres à l’Art; je n’ose donc espérer que je puisse reprendre les études préferées de ma jeunesse. Je le tenterai néanmoins, quoique le sujet soit d’une complication que reflète le décousu de ces lignes, dont je vous supplie d’excuser la forme.
Je les ai tracées en quelques minutes du peu de loisir que me laisse le jour du Dimanche lui même.
J’ aurai voulu vous accompagner dans cet idéal coin d’Italie qui a vu naître Masaccio il y a cinq siècles; mais je desespére d’avoir encore quelques unes des joies que je me souhaite. Cela en aurait-été une, et non la moindre, d’être en votre compagnie sous le ciel de la Toscane.
Agréez, mon cher Collégue et ami, l’assurance de mes sentiments les plus sincèrement dévoués.