Rivista di Scienza - Vol. I/La science moderne
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Reprenant, sous nue forme nouvelle, le rapport qu’il avait rédigé à l’occasion de l’Exposition universelle de 1900, M. Picard, en trois cents pages, présente un tableau complet da la science contemporaine. Successivement il passe en revue les Mathématiques, l’Astronomie, la Mécanique, la Physique, la Chimie, la Géologie, la Biologie, la Botanique, la Zoologie, — signalant, dans chaque ordre de sciences, les faits qui sont regardés aujourd’hui comme les plus saillants, et les théories qui servent à grouper ces faits. Le livre de M. Picard est un guide précieux pour le lecteur qui désire se renseigner sur les problèmes scientifiques actuels: en même temps, par les idées directrices qui lui confèrent un remarquable caractère d’unité, il appartient à la philosophie des sciences. Ce sont ces idées directrices que je voudrais chercher à dégager, puisqu’aussi bien il ne peut être question d’analyser un livre qui est lui-même une analyse.
Pour M. Picard, comme pour beaucoup de savants contemporains, les théories scientifiques sont choses relatives et passagères. « Dans tout ordre de science, le savant ne retient à un moment donné que les théories fécondes par leur puissance pour la coordination des faits acquis et pour la découverte des faits nouveaux » (p. 4). Nos théories ne sont que des représentations, des modèles formés à l’image de la réalité (p. 122). C’est pourquoi les mêmes faits peuvent être exprimés de plusieurs manières différentes, comme il arrive, par exemple, pour les phénomènes lumineux également explicables suivant la théorie élastique et suivant la théorie électrique (p. 155), — comme il arrive aussi pour les théorèmes de la géométrie qui se traduisent, à notre choix, en propriétés de l’espace euclidien ou en propriétés des espaces non-euclidiens (pp. 62-72). Notons toutefois que, si la science choisit arbitrairement ses représentations, elle a le devoir de les choisir simples: son choix se trouve par là considérablement restreint (p. 122).
Il convient de prendre les théories pour ce qu’elles sont (des instruments de recherche) et de ne point s’égarer dans de vaines discussions sur la nature réelle des phénomènes. «De nombreux physiciens, avons-nous dit, ne se préoccupent pas de savoir si la chaleur est ou non un mode de mouvement; ils n’en appliquent pas moins les lois générales de la thermodynamique qui sont indépendantes d'hypothèses spéciales sur la nature de la chaleur. Pareillement, ils ne se posent aucune question sur ce que c’est que l'électricité; ils n’en bâtissent pas moins, avec Helmoltz et Gibbs, une théorie de la pile, et de ce que l’énergie mécanique est transformable en énergie électrique, il ne cherchent pas à conclure une théorie mécanique de l’électricité» (p. 328).
Les explications scientifiques, dont M. Picard montre ainsi la relativité, sont-elles du moins des explications adéquates? M. Picard ne le pense pas. Après avoir discuté les conditions sous lesquelles l’explication mécanique d'un phénomène naturel sera possible, il conclut qu’une telle explication ne sera jamais qu'approchée. «Dans des catégories étendues de phénomènes, en portant son attention sur des variables bien précisées dont le rôle est regardé comme prépondérant, on pourra former entre ces variables des relations fonctionelles (en général équations différentielles) se rapprochant le plus possible de ce qu’exigent les postulats fondamentaux de la mécanique rationnelle, relations dont la forme particulière est fournie par des expériences ou observations simples, et qui permettront de prédire dans des cas plus complexes l’état futur du système. Quand il en est ainsi, on dit qu’on a une explication mécanique du phénomène» (p. 126). Mais, d’une manière générale, la science ne nous donne que des approximations successives. Les Mathématiques elles-mêmes n’ont pas le caractère absolu q’on leur attribue d’ordinaire (p. 25).
Ainsi M. Picard fait sienne cette conception idéaliste et opportuniste de la science qui a tant d’adeptes parmi nos contemporains. Mais il insiste en même temps, et avec beaucoup de force, sur une idée d’un ordre différent.
S’il est vrai que la science n’est qu'un compromis, qu’elle vit d'expédients et au jour le jour, ne devons-nous pas penser que tous les moyens lui sont bons, qu’elle fera flèche de tout bois, et que les diverses méthodes scientifiques iront se différenciant de plus en plus? M. Picard ne le croit pas: il pense au contraire que les sciences s’acheminent vers un type unique, aussi voisin que possible de la perfection.
M. Picard répète à maintes reprises que toutes les sciences sont solidaires, qu’il y a entre elles pénétration de plus en plus intime. Il rappelle qu’historiquement la Géométrie, la Mécanique et la Physique ont eu sur le développement de l’Analyse une influence considérable. De son côté, l’Analyse a bien payé les services qu’on lui a rendus. «Il y a des cas où le développement de la théorie pure a permis seul certaines applications que l’on n’avait pu jusque là aborder» (p. 82). L’Analyse mathématique s’est mariée avec la Physique, puis avec la Chimie; bientôt viendra le tour des sciences naturelles.
Et ainsi M. Picard revient au rêve cartésien, à l’idée d’une Mathématique universelle. Galilée et Descartes, dit-il, voulaient donner de tous les phénomènes une explication mécanique: «il y a lieu de présumer que les physiciens et les chimistes pourront conserver longtemps, en l’entendant bien, la formule cartésienne» (p. 9).
Ce retour au Cartésianisme est-il parfaitement d’accord avec les vues rapportées plus haut? Croire à l’existence d’un type de science unique et parfait, n’est-ce pas admettre implicitement que les sciences, même les plus abstraites, visent à autre chose qu’à être simples et commodes, qu’à leur manière elles poursuivent une certaine sorte d’objectivité, une objectivité transcendante et spirituelle? Contentons-nous de poser la question.
- Université de Montpellier.