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Documenti e schiarimenti
VIII. Dispaccio del generale Delaunay

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VIII

dispaccio del generale delauny

                                                                                          

Turin, le 25 avril i849.

                    Monsieur le ministre,

J’ai l’honneur de répondre aux deux dépêches politiques que vous avez bien voulu m’adresser, en date du i9 de ce mois, ainsi qu’á celle confidentielle du 2i. L’arrivée très-prochaine de S. E. le comte Gallina à Paris et la communication des nombreux documents dont ce plénipotentiaire est nanti, vous fourniront sur la plupart des points indiqués dans les dites dépêches les éclaircissements que vous désirez. Ces éclaircissements seront ensuite complétés par des mémoires spéciaux, dont nous nous occupons actuellement, et oú chacun de ces points sera examiné séparément et à fond, afin de servir aux discussion qui auront lieu á cet égard.

En prenant connaissance dans ces dépêches de l’entretien que vous avez eu tout récemment avec monsieur Drouin de Lhuys, relativement à la manière dont le gouvernement français pourrait, dans les circonstances actuelles, nous prêter son appui, j’ai trouvé parfaitement justes les observations qui y sont énoncées sur l’inopportunité de faire occuper quelques parties de notre territoire, soit en Savoie, soit dans le comté de Nice, par des troupes françaises. Quant à la proposition de faire occuper la place de Gènes, tout en appréciant beaucoup l’intention bienveillante qui a fait émettre cette idée par monsieur Drouin de Lhuys, et malgré toute la confiance que le gouvernement du roi place dans les amicales intentions de la république française, nous avons dú toutefois relever les graves inconvénients que cette occupation produirait inévitablement.

En premier lieu, elle placerait le gouvernement de S. M. dans une position peu digne; car, en remettant cette place en des mains étrangères, quoique amies, au moment oú les autrichiens sont á Alexandrie, nous nous trouverions en quelque sorte privés de nos deux principaux points d’appui militaires, et il en résulterait de la déconsidération pour le pays, et surtout pour le gouvernement.

En second lieu, cette occupation nous obligerait á des sacrifices pécuniaires, qui augmenteraient encore les charges déjá si [p. 333 modifica]considérables que nous avons á supporter, car les troupes d’occupation devraient naturellement être défrayées par nous.

D’après ces graves considérations, le Conseil a été d’avis que l’occupation proposée ne serait pas acceptable pour le moment. Le moyen qui, quant á présent, lui a paru le plus convenable pour la France elle-même comme pour nous, ce serait de faire rapprocher les troupes françaises de notre frontière, et préférablement du côté de Briançon, par le doublé motif que, de cette manière, non-seulement on éviterait la Savoie et le comté de Nice, mais ces forces ne se trouveraient plus qu’á une petite distance de la capitale du Piémont, qui est le point vulnérable du pays. Pour compléter ces dispositions, il conviendrait que l’Angleterre envoyât devant Gènes quelques vaisseaux qui, tant par leur présence que par la liberté qu’ils laisseraient á notre flotte, donneraient un puissant appui á notre cause contre les exigences peu équitables de l’Autriche.

Tel est le mode d’action de la parte des puissances amies, que le ministère croirait le plus efficace pour amener un arrangement définitif et raisonnable entre la Sardaigne et l’Autriche. Ces simples démonstrations, appuyées par des notes énergiques de la part de la France et de l’Angleterre, feraient voir á l’Autriche que ces puissances seraient prètes à soutenir notre cause, qu’il leur convient de ne pas laisser périr, soit dans l’intérêt de la justice, soit dans celui de l’équilibre européen.

La France et l’Angleterre, en nous prêtant leur appui, ne soutiendraient point l’exaltation d’un parti, comme on aurait pu le craindre dans d’autres circonstances; mais elles défendraient les principes conservateurs de l’ordre, qu’ il importe de faire triompher et d’après lesquels le gouvernement actuel du roi tient á régler sa marche.

Vous voudrez bien, monsieur le ministre, faire usage du contenu de cette dépêche auprès de monsieur Drouin de Lhuys, pour répondre aux propositions qu’il vous avait faites; et j’en donne connaissance, par la lettre ci-jointe, á monsieur le comte Gallina, afin qu’il agisse de son còté dans le mème sens, soit auprès de ce ministre, soit auprès de lord Palmerston.

Agréez monsieur le ministre, les assurances réitérées de ma considération trés-distinguée.

                                                                                           G. de Launay.