Pagina:Sonetti romaneschi VI.djvu/16

6 Sonetti senza data


comte L. a eu des rapports avec beaucoup de femmes de mon espèce qui ne me valaient pas; il n’y avait donc rien d’inadmisable dans mon accusation, et cela me divertissait de penser qu’ il payerait pour n’avoir pas voulu de moi.„ — Plusieurs personnes entendirent ses aveux, et elle s’engagea à les répéter; on obtint du tribunal une audience extraordinaire, pour déclarer qu’il n’y avait pas lieu à suivre. Mon ami, remis en liberté, fut trouver le prélat et lui dit: “Mais comment, sur la déposition d’une fille de cette espèce, votre excellence, peut-elle être convaincue de la vérité d’une accusation?„ — “J’étais convaincu,„ répondit le prélat. — “Alors, permettez-moi de vous dire que vous avez, a vous laisser convaincre, une déplorable facilité;„ et il se retira sans sauer. Le dénouement de cette affaire aurait été tout autre s’il se fut agi d’un homme dans une autre position; il serait resté beaucoup plus long temps en prison, la femme n’aurait pas eu peur, ne se serait pas rétractée, il eut été infailliblement condamné. — A Sutri, on condamna, pour cause de séduction, un jeune homme de Roncigliano; la fille qui l’accusait, avait, déjà depuis six ans, déserté le toit maternel, elle avait passé la nuit dans les champs avec son ravisseur; le lendemain matin, elle fut arrètée dans une chambre d’auberge, les gendarmes l’avaient trouvée couchée dans lo mème lit que l’homme qui l’avait amenée. On lui demanda comment elle se trouvait avec cet homme, elle répondit: “Je fais aujourd’hui, comme il y a quelques années ma mère faisait avec votre officier.„ Tous ces faits étaient établis par le dossier qui a passé sous mes yeux, ce qui n’empêcha pas le tribunal épiscopal de Sutri de déclarer que, depuis dix ans, elle était redevenue une innocente fillette, victime d’un nouveau séducteur. — Un prêtre, quand il veut condamner, et il veut condamner toutes les fois qu’il y a intérêt, condamné quand même; et il faut ajouter que, quand il croit de son intérêt d’absoudre, il absout avec la mème infamie. Un jeune paysan, employé sur les terres de ma famille, vint un jour me consulter, au sujet de son frère qui, déjà depuis quelque temps, était en prison sous pretexte d’un commerce criminel avec une jeune fille. — “Est-elle honnête,„ lui demandai-je: si elle l’est, ton frère peut l’épouser et tout sera fini.„ — “Il n’y a rien à dire contre cette jeune fille, mais mon frère ne veut pas se marier; il assure qu’il n’a jamais eu de rapports avec cette jeune fille qui a été poussée par la mère, désireuse de lui trouver un mari.„ — “Dans ce cas,„ répondis-je, “que ton frère paye la dot: sans cela il resterà en prison, je ne sais combien de temps, et fi-