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servir de cette main gauche et surtout elle ne tolérait pas que cette main gauche touchât sa main droite ou touchât sa figure. Cependant elle pouvait remuer volontairement sa main gauche et sentait les piqûres, les attouchements fait sur elle. En un mot elle avait tout à fait le langage et l’attitude du psychasténique qui répète. «Ce n’est pas mon bras, c’est le bras d’un autre, ce n’est pas moi qui marche, qui parle…». Il n’y avait qu’une irrégularité, fort bizarre il est vrai, c’est que le trouble était exclusivement localisé à un membre ce qui est fort rare chez ces malades. Mais chez elle cette attitude dura peu de temps, car peu après elle commença une grande crise d’hystérie dans laquelle elle voulait battre et arracher son bras gauche. Après la crise elle eut tout simplement une hémiplégie avec anesthésie de tout le côté gauche. Alors elle ne parlait plus de son bras, ne s’en plaignait plus, mais ne pouvait plus le remuer et n’y sentait plus aucune impression, ou du moins le mouvement et la sensation ne s’y présentait plus que sous forme subconsciente. Quand elle se rétablit après plusieurs semaines, elle récupéra d’une façon complète le mouvement et la sensibilité de la jambe et d’une façon incomplète les fonctions du bras gauche: mais alors elle recommença à en parler avec horreur en disant que ce n’était pas son bras mais celui d’un reptile. Elle alterne en ce moment, suivant qu’elle va mieux ou plus mal, entre le langage psychasténique et le langage hystérique. Ce cas me semble des plus curieux pour montrer les relations qui existent entre ces divers troubles de la personnalité et les liens qui les unissent.

S’il en est ainsi, si la subconscience de l’hystérique n’est qu’une forme de la dépersonnalisation psychasténique, il faut chercher comment le sujet passe de l’une à l’autre. Dans certains cas comme dans le précédent il y a des transitions, dans d’autres l’une des deux formes s’installe tout de suite sans passer par l’autre. Dans certaines observations on observe chez l’hystérique, des phénomènes analogues aux sentiments d’incomplétude et aux phobies des psychasténiques qui semblent préparer la subconscience. J’ai décrit à propos d’un cas remarquable d’amnésie hystérique une sorte de phobie du souvenir qui précédait l’amnésie et qui la suivait au moment de la restauration1. Il y avait véritablement une sorte de

  1. Amnésie et dissociation des souvenirs par l’émotion, Journal de psychologie normale et pathologique, 1904, p. 417.