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pitié de son désespoir, l’adjura de raconter ce qu’elle avait fait pendant huit jours à Marseille et à Nice, pourquoi elle était partie, comment elle avait vécu, lui montrant de toutes manières que ce récit était indispensable pour sa défense. La pauvre femme, malgré ses efforts, fut incapable de se disculper: elle savait qu’elle avait été à Marseille et à Nice parce qu’on le lui avait dit; mais elle ne comprenait rien elle-même à ce voyage et elle ignorait absolument ce qui s’était passé pendant une dizaine de jours. Des faits de ce genre sont innombrables: on sait que l’on constate des amnésies du même genre à la suite des somnambulismes naturels, à la suite des états artificiellement provoqués par l’hypnotisme, à la suite de violentes émotions.

Si au lieu d’interroger la mémoire, nous examinons les mouvements de ces mêmes malades, nous voyons que très souvent les hystériques exécutent des mouvements compliqués qui nous paraissent intelligents, qui seraient chez un homme normal en rapport avec une pensée bien nette et que cependant ces malades prétendent n’avoir à ce propos aucune pensée, aucune idée dont ils puissent se rendre compte. Une jeune fille de 18 ans qui travaille dans une maison d’apprêts, a une querelle avec son patron, qui lui reproche un mauvais travail. Elle présente à la suite de singuliers mouvements des bras: son bras droit en particulier se balance devant elle de dehors en dedans, pendant qu’à chaque mouvement du bras elle rejette le haut du corps en arrière. Elle prétend ne pas savoir du tout ce que signifient ces mouvements dont on lui parle et qu’elle constate avec étonnement quand elle se regarde dans une glace: «elle ne les comprend pas, dit-elle, elle les sent à peine, et quand elle n’y fait pas attention elle ne s’en aperçoit pas». J’ai observé bien des mouvements de la sorte, le coup de poing, le mouvement des mains en avant pour repoussers quelqu’un, le mouvement pour jouer du violon ou même pour sauter à la corde, et les sujets conservaient encore la même attitude et disaient toujours qu’ils ne comprenaient rien à ces mouvements de leurs membres.

Cette ignorance de l’idée qui dirige le mouvement est particulièrement remarquable dans une de nos anciennes observations. Il s’agit d’une femme de 28 ans, B., qui faisait très souvent des chutes dans la rue parce que tous les cent pas elle se sentait précipitée violemment en avant comme si