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et cependant, au point de vue de l’utilité et de l’intérêt des êtres vivants, l’énergie de l’univers est en voie de destruction. La chaleur universellement diffusée constitue ce que nous pouvons appeler l’amas des matériaux de rebut de l’univers; et cet amas s’augmente d’année en année. À l’époque actuelle, il n’a pas une grande importance, mais qui peut assurer qu’il n’arrivera pas un temps où nous aurons pratiquement conscience de son accroissement?»

J’ai dit, ailleurs, en quoi ce temps me semble bien arrivé: notre indifférence coupable, — faite de la conviction erronnée que, dans la nature, «rien ne se perd» — a laissé trop souvent arracher le tapis végétal des pentes de nos montagnes, et par là nous avons restreint, sur notre terre, la fonction chlorophyllienne, et diminué la faculté que garde la nature de produire des transformations artificielles, restauratrices d’énergie libre, qui viennent compenser en partie les transformations naturelles dissipatrices d’énergie. De la même chaleur solaire, en un pays déboisé, s’extrait une moindre proportion d’énergie chimique libre susceptible d’être mise en réserve; et ainsi la somme des énergies de rebut de l’univers s’accroît d’une façon manifeste.

Tait insiste sur les mêmes considérations. Et un peu plus tard, dans une série de conférences sur les progrès récents de la physique, il exposera en des pages remarquables, et trop peu connues, le mécanisme des transformations d’énergie dans la production du froid par détente; et il introduira dans le langage de la physique les expressions «d’énergie dégradée» et de «dégradation de l’énergie» que nous jugeons bien préférables à celles de «dissipation de l’énergie» et «d’énergie dissipée», parce que celles-ci ont l’inconvénient d’impliquer l’idée d’une contradiction apparente avec le principe de la conservation de l’énergie.

Vers la même époque, Maxwell écrivait cet admirable petit livre, «Theory of Heat», auquel il donnait pour sous-titre: «leçons élémentaires sur la thermométrie, la calorimétrie, la thermodynamique et la dissipation de l’énergie». En 1891, M. Mouret le traduisait en français sur la huitième édition anglaise. Maxwell indiquait dès la première page son souci des phénomènes dans lesquels une partie de l’énergie est rendue inutilisable comme source de travail, et qu’il classe sous le nom de «phénomènes de dissipation de l’énergie».