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pas aboutir au vague, à la confusion, ou à des omissions et des lacunes graves, un instrument de documentation précise sur lequel s’appuyer. S’efforcer de réaliser cet instrument est une tâche pédagogique d’une portée considérable, d’une utilité et d’une valeur — si l’on y réussit — qu’on ne saurait exagérer. Bouasse a eu le premier grand mérite de comprendre que cette tâche n’était pas indigne du savant de grande envergure, et du véritable philosophe qu’il est. Il a eu le mérite plus grand encore de se rendre clairement compte des besoins nouveaux — qui au fond auraient dû être des besoins constants — de l’enseignement secondaire de la physique. Enfin, et c’est ce qui ne saurait étonner ceux qui sont au courant de ses travaux philosophiques et scientifiques, il a eu le mérite d’y réussir admirablement.

Ses six petits livres de physique adressés trois à l’enseignement plus proprement littéraire (divisions A et B), trois à l’enseignement plus proprement scientifique (divisions C et D) des jeunes gens du second cycle (14 à 17 ans), sont de petits chefs d’œuvre de clarté, de précision, et d’exposition méthodique et philosophique. Ils apportent dans l’enseignement secondaire de la physique — et je sais combien cela est fécond pour avoir eu le bonheur de posséder moi-même à la fin de mes études secondaires un maître qui faisait de même — une véritable philosophie de la méthode. Ils ne se contentent pas de graver la mémoire de résultats isolés. Ils en montrent la continuité et l’unité, l’esprit de suite pourrait-on dire. Ils donnent l’idée de ce qu’est une science, de ce qu’est la science physique beaucoup plus qu’un recueil de formules ou de résultats et une suite de descriptions d’appareils.

Ces livres visent tout d’abord à la compréhension des notions fondamentales, et suppriment tout ce qui serait inutile ou nuisible à ce but. Faire comprendre la science dans son esprit, beaucoup plus que la faire apprendre dans sa lettre, voilà l’idée inspiratrice. Pour cela il fallait délimiter nettement le sens et la portée de ces notions fondamentales, et avant tout le sens et la portée de ce qu’on appelle les principes. «Voilà longtemps que les professeurs de physique se plaignent de ne pas avoir les notions de la mécanique expérimentale dans leur domaine; ils avaient raison, parce que les méthodes d’enseignement de la mécanique théorique ou rationnelle et de la mécanique physique ou expérimentale sont entièrement différentes. Le mathématicien pose des principes qu’il ne discute pas, il en déduit des conséquences. La méthode est déductive comme celle de la géométrie; seule, la nature des prémisses diffère.

Au contraire, le physicien explique comment l’expérience a pu non pas démontrer ces principes (on ne démontre pas les prin-