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naturelles, notre curiosité et notre goût du concret. Elles irritaient ceux d’entre nous qui avaient quelques dispositions pour la précision abstraite des mathématiques. Elles n’intéressaient personne, et nous sortions du lycée n’ayant vraiment que la culture mathématique ou la culture littéraire. L’esprit scientifique que, seule, peut donner complètement l’étude des sciences physico-chimiques, car elles sont le type des sciences de la nature, le modèle d’une science du réel qui ait vraiment allure scientifique, nous était absolument étranger.

Des déductifs, hypnotisés par l’esprit géométrique, des intuitifs déformés d’une façon morbide par l’esprit de finesse, dit littéraire, voilà ce que donnait l’enseignement secondaire français. Au sortir des mathématiques spéciales ou des rhétoriques supérieures, l’esprit solide fait d’un juste équilibre entre ces deux tendances, était une exception. C’est ensuite qu’on s’y acheminait quand on avait fa force de réagir sur soi-même. Or, cet esprit solide, cet esprit scientifique, nécessaire autant dans la saine littérature qu’ailleurs, cet esprit qui sait constater, observer, et aussi imaginer, déduire et construire, semble bien pouvoir être formé par la méthode physique plus que par toute autre. C’est pourquoi sans doute l’enseignement des sciences physico-chimiques a pris dans nos nouveaux programmes en même temps qu’une place plus grande, une toute autre physionomie.

L’expérience — que nous ne voyions jamais autrefois — est devenue la règle et la base solide de cet enseignement. L’élève y doit contribuer de lui-même dans la mesure du possible. Et on recommande avec raison des expériences simples sans appareils coûteux ou compliqués, avec des dispositifs qu’on peut souvent fabriquer soi-même à l’aide d’objets usuels. On ne doit point viser à faire des enfants des savants, mais des gens instruits, avisés, au courant.

Enfin les grandes généralisations philosophiques qui donnent à la science son unité et son influence éducatrice ne seront plus écartées de parti pris. L’élève apprendra enfin qu’à côté des robinets de Regnault, il y a des principes fondamentaux qui dominent notre science de l’Univers matériel. Je me souviens de l’ahurissement scandalisé d’un pauvre vieux professeur quand il vit figurer sur les programmes de chimie les théorèmes de Le Châtelier, et des notions de chimie physique!

A un enseignement aussi bouleversé et aussi amélioré il fallait de nouveaux livres. Le professeur ne peut ni tout dire, ni tout rappeler chaque fois qu’il est nécessaire. Son enseignement ne sera vraiment vivant et éducatif que si au lieu de dicter un cours, il peut converser avec ses élèves et faire en quelque sorte le cours avec eux. Or cette méthode suppose, si on ne veut