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cependant la valeur n’est point identique à l’utilité: et la preuve, c’est qu’il est des biens extrêmement utiles — l’air, l’eau pour beaucoup d’hommes — qui n’ont aucune valeur.

Pour comprendre la nature du lien qui unit les deux notions de la valeur et de l’utilité, il faut considérer que l’utilité des biens décroît pour nous à mesure que s’accroît la quantité que nous en possédons: cela tient à la nature même de nos besoins, qui diminuent d’intensité à mesure qu’on les satisfait. Prenons l’eau, par exemple: si nous en avons une certaine quantité à notre disposition, nous nous en servirons d’abord pour étancher notre soif; mais la quantité d’eau qu’il nous est nécessaire, ou même qu’il nous est agréable de boire est limitée. Le surplus donc, s’il y en a un, sera employé pour la cuisine, pour la toilette, etc. Et plus nous aurons d’eau, moins les emplois qu’il nous faudra donner à cette eau, pour l’utiliser, représenteront d’utilité. Un moment pourra venir même où il y aura excès, où l’accroissement de la quantité d’eau, au lieu d’augmenter notre bienêtre, nous causera de l’ennui.

Si nous appelons utilité-limite ou utilité marginale d’un bien l’utilité de la dernière portion de ce bien — entendons de la moins utile — , nous pourrons dire que la valeur des biens, pour ceux qui les possèdent, est réglée par leur utilite-limite, ou par leur utilité marginale. Il faut supposer ici, naturellement, que ces biens sont employés au mieux; s’ils peuvent servir à satisfaire plusieurs besoins, il faut supposer qu’on les emploie tout d’abord à satisfaire les plus importants de ces besoins, ou pour parler plus exactement, qu’on les repartit entre les divers besoins qu’ils sont propres à satisfaire de la manière qui portera notre bien-être à son maximum.

Soit un colon qui dans une région écartée, dépourvue de tout moyen de communication, a récolté une certaine quantité de blé. De cette récolte, un cinquième lui est nécessaire pour pourvoir à sa subsistance jusqu’à la récolte suivante; un autre cinquième lui permettra de s’alimenter plus copieusement, pour le profit de sa santé; la troisième part servira a engraisser de la volaille; la quatrième, à fabriquer de l’eau-de-vie; quant à la dernière part, il n’aura pas mieux à en faire que d’en nourrir des perroquets qui le divertiront. Eh bien, c’est l’utilité de cette dernière portion de la récolte qui