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QUESTIONS PÉDAGOGIQUES 137

pas qu’elle efface jamais toute différance de valeur entre nos actes; je n’imagine pas un homme qui ne distinguerait pas le bien du mal, pas plus qu’un homme qui ne distinguerait point le vrai du faux, ou qui n’admettrait pas le principe de contradiction. Il s’agit, c’est entendu, du bien et du mal relatifs à l’homme, comme du vrai et du faux; je me refuse à discuter sur ce qu’on appelle l’absolu. Relativement à nous, la conscience morale n’est pas un trésor provisoire, c’est le patrimoine essentiel, auquel ont droit tous les fils légitimes de la race. Notre conscience morale est l’expression, non de ce que nous sommes, mais de ce que nous tendons à être; elle est la règle et le ressort des activités, elle porte en elle l’obscure destinée de l’humanité.

Or, on voit bien que la science peut nous éclairer sur nos devoirs, qu’elle peut même nous en faire apercevoir de nouveaux: il est clair, par exemple, que beaucoup de règles d’hygiène prennent aujourd’hui un caractère moral, qui échappe de moins en moins aux esprits éclairés; cela, d’ailleurs, n’est pas nouveau, puisque plusieurs peuples anciens ont attribué une importance religieuse à des prescriptions purement hygiéniques; mais les règles de cette nature se multiplient et se multiplieront; leur importance, leur caractère obligatoire deviendront de plus en plus évidents.

Ce qui est beaucoup moins clair, c’est qu’on puisse tirer parti de l’enseignement des sciences pour exalter chez les enfants la sensibilité morale, pour leur faire aimer davantage le bien et haïr le mal, pour renforcer le sens de l’obligation. Est-il certain qu’on n’en peut rien tirer, que l’intelligence de la connexion des phénomènes n’ait rien à faire avec nos sentiments de solidarité et de responsabilité? Je voudrais bien que les moralistes et les savants apportassent une heureuse réponse à cette question, une réponse moins vague que la question.

Pour ma part, j’avoue que je ne vois guère d’autre élément moral dans l’ enseignement des sciences que le goût, l’amour, le respect de la vérité, l’effort patient dans son acquisition, la bonne habitude d’aller au bout de sa pensée, de reconnaître et d’avouer son ignorance, de ne pas juger par fantaisie. S’il en est ainsi, le souci de la vérité, dans l’enseignement, doit être sérieux et profond. Je demande la permission de finir en signalant quelques scrupules que je voudrais qu’on y apportât.