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questions pédagogiques | 129 |
dont on a besoin. Lorsqu’on a senti la brièveté de la vie, on ne sait plus, comme l’enfant, se contenter de la tâche journalière, sans souci du lendemain et des résultats, qui s’ajoutent insensiblement. Pour se tenir un peu au courant de tout ce qui se fait, il faut pouvoir se débrouiller dans tous les patois de l’Europe, auxquels il va falloir, sans doute, ajouter bientôt la langue japonaise; et, pour savoir ce que l’on a fait, il faut posséder les langues anciennes; on ne peut étudier la physique et la chimie sans connaissances mathématiques. Oui, tout cela est indispensable, et impossible à acquérir. Même en restant à ce point de vue, il faut bien se limiter, choisir, inviter les élèves à se spécialiser dans quelque mesure. Si même il était possible, un pareil enseignement, qui serait un enseignement de mots et de formules, serait affreusement vide et répugnant; nous sommes moins aptes à apprendre qu’à agir; la joie de l’enfant est dans l’action. Qu’il y ait au moins des faits dans ce que nous lui enseignons, si nous ne voulons pas le dégoûter d’apprendre.
Voici maintenant la doctrine opposée: puisque l’action est le but, il n’importe pas de savoir, mais de pouvoir. Ne nous inquiétons pas du lien logique, des démonstrations, des théories: les résultats seuls sont essentiels; les sciences ne valent que par leurs applications, par la maîtrise qu’elles nous donnent sur la matière. Habituons les élèves à se servir des outils, à manier les instruments de mesure, à faire correctement les calculs. On comprend assez ce dont on a l’habitude. On formerait ainsi une société, non d’ingénieurs, mais de contremaîtres, sans intelligence générale, sans curiosité scientifique, asservis à la routine, incapables de tout progrès.
Toutes ces doctrines comportent une part de vérité; ne pourrait-on réunir ces parcelles de vérité en disant que l’enseignement secondaire a pour but de former des hommes qui comprennent un peu le milieu où ils vivront, qui connaissent assez bien une partie de ce milieu pour y agir d’une façon utile, aux autres et à eux-mêmes ?
S’il en est ainsi, que de choses à apprendre! Il faut connaître la société des hommes, le milieu humain; il faut se connaître soi-même. Les hommes d’aujourd’hui et de demain ont eu des ancêtres: nos idées, nos passions, nos mœurs nous ont été léguées. Sans quelque connaissance du passé, des évènements historiques, des œuvres littéraires et artistiques,