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nat se rassure, la nouvelle convention produira au trésor un bénéfice peu inférieur au montant du cautionnement, et en même temps elle assure la mise en exercice, dans un temps rapproché, de 85 kilomètres de voie ferrée, ce qui abrège d’autant, la distance pour arriver du pied des alpes à Lyon et à Genève.

Supposons que le Gouvernement pût disposer aujourd’hui des titres de rente donnés en cautionnement par la société Laffitte. Comme nos fonds sont actuellement du 14 au 15 pour cent au-dessous du pair (la baisse était du 22 pour cent le 7 avril, jour de la signature de la nouvelle convention), on ne pourrait réaliser par la vente de ces titres que trois millions et neuf cent mille francs environ. Voilà notre terme de comparaison dans les chances les plus favorables de l’issue du procès avec la société Laffitte.

Maintenant l’Etat a d’abord la chance de ne rien perdre si, à l’expiration du terme convenu, la société Laffitte déclare qu’elle continues son premier contrat. Les conditions de la garantie d’intérêts du quatre et demi pour cent, qui lui ont été faites par le premier contrat, sont tellement avantageuses, que si elle se détermine à se retirer, c’est parce que la pénurie des capitaux se fera sentir et que nos fouds publics seront an moins au-dessous de 80 pour cent. Dans ce cas, elle doit abandonner un chemin de fer qui lui aura coûté, au minimum, quinze millions en numéraire, contre des titres de rente cinq pour cent au pair, c’èst-à-dire contre une valeur réalisable de moins de douze millions; le Gouvernement obtiendrait donc dans ce cas un bénéfice positif de plus de trois millions.

Ainsi, au bout de deux ans, le Gouvernement aura réalisé à peu près les mêmes bénéfices financiers, quoique la société Laffitte profiterait de la faculté de ne pas continuer la ligne, que s’il exerçait dès aujourd’hui les plus grandes rigueurs contre cette compagnie pour cause de retard dans l’exécution de ses engagements, et il aura obtenu les avantages suivants:

Premièrement, il aura fait-exécuter 85 kilomètres de chemin de fer, conduisant de St-Jean-de-Maurienne à Aix, c’est-à-dire au bord du lac de Bourget où un service de bateaux à vapeur est organisé avec Lyon, et où il ne reste plus que 70 kilomètres de route ordinaire à parcourir pour arriver à Genève. Cette ligne et celle de Suse qui est déjà en exercice abrégeront beaucoup la durée du trajet de Turin à Lyon ou à Genève; elles faciliteront proportionnellement le passage des voyageurs qui se rendent en Italie et les rapports de la Savoie avec le siège du Gouvernement, avec Gènes, et avec les villes principales du royaume. Il est notoire que le seul établissement du chemin de fer de Suse a déjà suffi pour doubler les passages en Savoie;

Secondement, la société sera soumise à une surveillance technique et administrative que le Gouvernement fera exercer par ses ingénieurs et son commissaire, aux frais de la société. Les frais généraux d’administration seront restreints dans de sages limites et ne pourront excéder 70,000 francs par an;

Troisièmement, bien loin de courir les chances d’un procès, de sacrifier la société et les actionnaires du chemin de fer Victor-Emmanuel, il leur ouvre le moyen et les place dans la position de pouvoir plus facilement continuer les travaux du restant de la ligne;

Quatrièmement, si la société Laffitte se retire, il trouvera bien plus aisément une autre société pour la remplacer que s’il eût exercé contre elle une rigueur excessive;

Cinquièmement, il ne s’expose pas aux mécontentemens des souscripteurs nationaux, qui auraient perdu à la foi leur argent et la voie de communication qu’ils avaient aidée du concours de leurs capitaux;

Sixièmement, il aura fait dresser le plan et le devis d’un tracé définitif entre Chambéry et St-Genix, et entre Aix et Genève par ses propres ingénieurs, aux frais de la société; en sorte que, à l’expiration des deux ans, il pourra dire nettement à la compagnie: voilà mon tracé, voilà le devis de la dépense. Vouiez-vous vous en charger aux conditions du contrat? Dans le cas contraire j’acquiers la propriété de la ligne construite et je suis libre d’aviser.

Dans l’état actuel les points de départ et d’arrivée sont fixés de Chambéry à St-Genix, d’Aix à Genève, mais lé tracé est encore incertain, puisque les plans présentés par la société n’ont pas été approuvés par le Gouvernement;

Septièmement, le Gouvernement acquiert une liberté d’action qui le dégage de toute entrave, pour assurer la continuation de la ligne, qu’il est fermement et irrévocablement résolu de pousser de Chambéry à St-Genix et d’Aix à Genève par la province d’Annecy.

I! est évident que cette nouvelle convention est très-favorable à la société Laffitte, parce qu’elle l’affranchit des dangers d’un procès qui l’eût forcée à se liquider avec une perte de moitié, et peut-être plus, du versement déjà opéré de cent francs par action. Les actionnaires n’ont plus devant eux l’éventualité d’être contraints à continuer malgré eux les travaux de la ligne d’Aix à Genève et de Chambéry à St-Genix, ils ne courront plus d’autres chances que de perdre la différence entre nos rentes cinq pour cent au pair et leur valeur au cours. Sans doute ces circonstances doivent faire augmenter la valeur des actions de cette société. Mais, d’autre part, les facilités que le Gouvernement lui a accordées ont un correspectif suffisant pour qu’il soit préférable d’approuver ces nouvelles conventions plutôt que de retarder l’exécution d’une notable partie de ce chemin de fer pendant deux ans et peut-être pour un temps indéterminé, de courir les chances d’un procès et de ruiner des actionnaires à pure perte. Si leurs actions reprennent faveur, par cette convention, le Gouvernement aura fait un grand pas pour assurer la continuation des travaux par la même compagnie.

Que si le Gouvernement eût voulu se réserver lé droit de contraindre la compagnie à continuer la ligne jusqu’à Genève et jusqu’à St-Genix, il eût retrouvé les mêmes inconvénients qui ont précédé la convention du 7 avril dernier.

Si on fait travailler par force une société anonyme, on peut s’allendre à des difficultés, à des retards calculés, à des entraves et, en pesant les termes de la lettre du 15 mars, on finit par se convaincre qu’elle a été finement rédigée, que la société est restée dans le vague, qu’elle ne prenait aucun engagement positif, ni pour la durée des travaux, ni pour la longueur de la ligne de parcours à mettre en exercice entre Aix et Modane, ni pour les capitaux à employer.

Bien loin que la faculté réservée à la compagnie Laffitte de pouvoir se retirer après avoir achevé et mis en exercice la ligne de St-Jean-de-Maurienne à Aix, soit un préjudice pour l’Etat, le bureau central croit au contraire qu’elle procure an Gouvernement l’avantage d’une grande liberté d’action, d’une position nette, tranchée, affranchie de tout engagement, de toute lutte, de toute entrave, et qu’elle le place dans une meilleure condition pour faire terminer la ligne entière, plus sûrement et plus promptement.

Le bureaux central a examiné une autre objection qui à été faite, savoir: que l’Etat ne s’est obligé par la première convention qu’à une garantie d’intérêt du quatre et demi pour cent des dépenses, tandis que, s’il est obligé d’acheter