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566. Di André Jacopssen.
Bruges, 2 juin 1823.

Monsieur et tout cher ami Je me trouverais en vérité dans un bien grand embarras si j’entre- prenais de témoigner combien votre bonne et charmante lettre1 m’a causé de surprise et de joie; elle me fut remise à Genève, c’est-à-dire tout juste à mon premier relai après la traversée du Simplon; j’avais dit le dernier adieu, et jeté le dernier regard sur la riante Italie que je venais d’abandonner avec le coeur navré de regrets quand la récep- tion de vos bonnes nouvelles vint verser sur mon àme un baume de consolation et de réconfort. Si j’ai tarde jusqu’ici d’y répondre c’est que beaucoup de devoirs de famille, des voyages et des affaires indi- spensables d’intérèt ont absorbé tous mes momens: aussi je vous en demande bien sincèrement pardon; je dis plus, j’espère l’obtenir car vous assurez m’aimer et l’on pardonne beaucoup dans l’amitié. Votre lettre me laisse entrevoir un grand fond de sensibilité dans le carac- tère cela me réjouit d’autant plus que je sens en moi-mème une sem- blable susceptibilité morale et une fois cette conformité de système nerveux reconnue nous saurons donc très souvent nous entendre sur une infinité de sujets qui seraient très difficiles de développer sans cela, entre temps je dois confesser que vos marques de souvenir et de bienveillance à mon égard me pénètrent d’un plaisir aussi inattendu aussi agréable que profond et bien senti. Vous témoignez attacher quel- que prix à mon affection. Eh bien! malgré le peu de valeur quelle [sic] puisse ètre pour vous, elle vous est bien parfaitement due et dcjà bien cordialement vouée. Quand on a autant de titres que vous à l’estime et à l’amitié non seulement on peut foncièrement se flatter de capti- ver le cceur des autres mais de plus on tombe dans le cas d’ètre l’objet du désir et de l’orgueil de toutes les àmes bien nées. Moi je regrette encore tous les jours de n’avoir pu prolonger davantage mon séjour à Rome, mais hélas! il n’est plus temps aujourd’hui de revenir la des- sus, il n’y a que l’avenir qui s’offre seul devant moi et je tàcherai sin- cèrement d’expier les fautes passées; néanmoins, s’il faut touL avouer, je dirai que je me défie presque de mon penchant en songeant que, peut-ètre, je me laisse plutót entraìner à un sentiment de besoin qu’à une affection généreuse, véritablement pure et candide: l’égoisme se