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excessivement extra-alpine;20 et certainement d’une vision trop étroitement nationale ou régionale.

L’histoire alpine ne peut davantage se passer d’autres approches: histoire des institutions, des formes d’organisation de la société civile - par exemple la coexistence au Moyen Age de structures féodales et de communautés libres; ou l’articulation, à l’époque moderne et contemporaine, des pouvoirs extérieurs et des structures communales, provinciales ou cantonales. Histoire religieuse, celle de la présence des Églises dans l’espace alpin, évêchés et monastères, ou de la réception de la Réforme dans les vallées (Piémont des disciples de Valdo, Dauphiné, Alpes vaudoises, bernoises, grisonnes, Slovénie), comme celle des comportements religieux, de la piété, des survivances de traditions préchrétiennes, etc. Histoire de l’art, de l’architecture et de l’aménagement du territoire: ce sont des domaines importants, privilégiés même dans la mesure où ils peuvent révéler des solutions concrètes et parfois concertées aux défis naturels, mais aussi distinguer les Alpes comme un espace de rencontres des formes et sensibilités des civilisations développées de part et d’autre de la montagne, et d’interprétation originale de ces influences stylistiques ou iconographiques venues d’en-bas.21 Histoire linguistique, et celle des formes d’expression, orale ou écrite. Ethno-histoire ou, comme nous disons aujourd’hui, anthropologie historique, ou encore microhistoire - très en vogue en Italie et en France22 qui livre à l’interprétation des clefs remarquables, à la condition qu’elles ouvrent plusieurs portes, c’est-à-dire permettent des approches comparées de comportements locaux dans la longue durée.

Histoire comparée. Et pourquoi s’en tiendrait-elle aux seules Alpes? Il existe en Europe et dans le Monde bien d’autres massifs, des Pyrénées aux Tatras, du Caucase à l’Hymalaya ou aux Andes, où nous trouverions aussi, toutes proportions gardées et compte tenu d’énormes différences physiques ou culturelles, un certain nombre de correspondances. Avouons-le, l’exercice, très difficile, a ses limites. Mais il mérite d’être tenté, au moins à partir de la littérature secondaire qui nous est accessible et qui rend compte des autres montagnes.


LES VOIES D’APPROCHE

Mais qu’est-ce donc que l’histoire des Alpes? La question n’est ni ingénue, ni simple. Car pendant très longtemps, cette histoire n’a pas eu conscience d’ellemême, de sa singularité, de sa spécificité, de sa problématique propre. Elle

BERGIER: DES ALPES TRAVERSÉES AUX ALPES VÉCUES 17