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de l’ambition qui nous rassemble: faire le point des travaux et des recherches qui sont conduits dans chacun de nos pays sur l’histoire alpine et, si vous le voulez bien, créer un organe permanent propre à rassembler, par-delà la crête des monts et par-delà les frontières, tous ceux qui s’occupent, à un titre ou à un autre, de cette histoire ou qui y portent un intérêt actif. Un organe prêt à faire circuler une information régulière sur toutes les entreprises, initiatives et publications dans le domaine, au sens le plus large, qui nous concerne; à multiplier les contacts et les synergies entre nous tous; à assurer l’échange de nos interrogations, de nos hypothèses de travail comme de nos résultats; à développer cette coopération dont nous ressentons le besoin de plus en plus. Nous proposons donc de fonder une Association Internationale pour l’Histoire des Alpes. Avec en outre la perspective de disposer, sans doute ici à Lucerne, d’une adresse commune, d’un point de convergence et de rencontre, d’un office de liaison; bref d’une institution, si modeste mais souple soit-elle, qui servira les buts que nous nous assignons.

Ce que nous allons réaliser au cours de cette rencontre lucernoise est au fond l’aboutissement d’un fort long processus de maturation; ou même, en ce qui me regarde, la réalisation d’un vieux rêve: je ne puis donc dire assez combien j’en suis heureux, et reconnaissant envers vous et envers tous ceux qui ont partagé ce rêve et ont travaillé afin qu’il prenne forme aujourd’hui. Cela fait très longtemps que je porte à l’histoire des Alpes un intérêt passionné. Il remonte en fait à mon enfance, aux longues vacances que je passais en été à La Forclaz, un village du Val d’Hérens, en Valais, qui conservait à l’époque un environnement, un mode de vie, des activités et un univers mental ancestraux (malgré la présence saisonnière des vacanciers dont j’étais, la construction des barrages hydroélectriques et l’intervention encore timide de services et d’usages introduits depuis le bas pays et les villes). Ma curiosité s’est avivée et organisée au temps de mes études, surtout pendant les années que j’eus le privilège de vivre dans l’entourage de Fernand Braudel. Celui-ci connaissait bien la montagne et l’aimait. Il en avait fait son refuge. C’est dans son chalet de SaintGervais, au pied du Mont-Blanc - où je lui avais maintes fois rendu visite qu’il est mort voici tout juste dix ans (28 novembre 1985). Braudel voyait dans les Alpes comme un pendant, un contrepoint de la Méditerranée dont il fut l’historien créateur; les deux espaces, celui de la Mer et celui de la Montagne s’associaient étroitement à ses yeux, complémentaires l’un de l’autre et cependant distincts dans leur rôle civilisateur, différents dans leur fonction, leur participation à l’histoire de l’Europe, mais jusqu’à un certain point

12 HISTOIRE DES ALPES - STORIA DELLE ALPI - GESCHICHTE DER ALPEN