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332 ACTE SECOND


rien à la vanité. La parure de ma fille a toujours été la sagesse, et je me flatte qu’elle ne démentira jamais l’éducation que je lui ai donnée.

Chateaudor. (Un peu piqué) Mais, madame....

Araminte. (Avec vivacité) Mais, monsieur.... (changeant de ton) Je vous demande pardon, je m’échauffe un peu trop peut-être, mais je vous vois dans un train de dépense qui me fait trembler. Il s’agit de ma fille, il s’agit de cent mille écus de dot, que je lui donne.

Chateaudor. (Toujours piqué) Eh n’ai-je pas assez de fonds?....

Araminte. Oui, oui, des fonds. On les mange les fonds, vous principalement qui avez la manie d’être généreux, d’être grand, d’être magnifique.

Chateaudor. Mais encore une fois, madame, vous ne me connoissez pas.

Araminte. Eh, si vous étiez différent de ce que vous êtes, j’avois un projet charmant à vous proposer. Telle que vous me voyez, j’ai vingt cinq mille livres de rente à moi toute seule, je me serois mise en pension chez vous, j’aurois vécu1 avec ma fille, et nous aurions fait un ménage excellent, mais avec un homme comme vous...

Chateaudor. (A part, et faché) C’est2 désespérant.... (à Araminte) Ecoutez moi, madame, (bas avec vivacité) Vous vous trompez sur mon compte: il y a peu d’hommes qui connoissent l'economie aussi bien que moi, et vous verrez par vous même...

Araminte. Je ne verrai rien. Vous voudriez m’en imposer, mais vous n’y réussirez pas. Pour ma fille... je vais la voir.... je l’ai promise, et nous verrons cela. Mais ne comptez pas sur moi, car pour tout l’or du monde je ne voudrois pas avoir à faire à un homme qui jette son argent par les fenêtres. (elle sort)

Chateaudor. Je n’aurois jamais cru devoir passer pour prodigue.

Fin du Second Acte.

  1. Manoscritto: vecue.
  2. Prima leggevasi: Mais cela est etc.