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204 ACTE TROISIÈME

Marion. Il a un coeur!... C’est dommage qu’il ait ce vilain défaut.

Picard. Qui est-ce qui n’en a pas?

Marion. Allez, allez le voir. Savez-vous bien qu’il n’a pas encore diné?

Picard. Pourquoi donc?

Marion. Eh! il y a des choses, mon enfant, des choses terribles dans cette maison.

Picard. Je le sais, j’ai rencontré votre neveu, et il m’ a tout conté. C'est pour cela que je suis revenu tout de suite. Le sait-il mon maître?

Marion. Je ne le crois pas.

Picard. Ah! qu'il en sera fâché!

Marion. Oui, et la pauvre Angélique?

Picard. Mais Valère...

Marion. Valère? Valère est toujours ici; il n’a pas voulu s’en aller; il est là; il encourage le frère; il regarde la soeur; il console madame. L’un pleure, l'autre soupire, l’autre se désespère. C'est un chaos, un véritable chaos.

Picard. Ne vous étiez-vous pas chargée de parler à monsieur?...

Marion. Oui, je lui parlerai; mais à présent il est trop en colère.

Picard. Je vais voir, je vais lui reporter sa canne.

Marion. Allez, et si vous voyez que l'orage soit un peu calmé, dites-lui quelque chose de l'état malheureux de son neveu.

Picard. Oui, je lui en parlerai, et je vous en donnerai des nouvelles. (il ouvre tout doucement, il entre dans l'appartement de monsieur Géronte et il ferme la porte.)

Marion. Oui, mon cher ami. Allez doucement.

SCÈNE II.

Marton seule.

C’est un bon garçon que ce Picard, doux, honnête, serviable; c'est le seul qui me plaise dans cette maison. Je ne me lie pas avec tout le monde, moi.