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200 ACTE SECOND


M. Géronte. Te renvoyer, malheureux? (Il le menace, le fail reculer; Picard, en reculant, tombe entre la chaise et la table; monsieur Géront court à son secours, et le fait lever.)

Picard. Ahi! (Il s’appuie au dos de la chaise, et il marque heaucoup de douleur.

M. Géronte. (Embarrassé) Qu’est-ce que c’est donc?

Picard. Je suis blessé, monsieur; vous m’avez estropié.

M. Géronte. (D’un air pénétré, et à part) (J’en suis fâché). (à Picard) Peux-tu marcher?

Picard. (Toujours fâché; il essaye, et marche mal) Je crois que oui, monsieur.

M. Géronte. (Brusquement) Vas-t-en.

Picard. (Tristement) Vous me renvoyez, monsieur?

M. Géronte. (Vivement) Point du tout. Vas-t-en chez ta femme, qu'on te soigne. (il tire sa bourse, et veut lui donner de l'argent) Tiens, pour te faire panser.

Picard. (A part, et attendri) (Quel maître!)

M. Géronte. (En lui offrant de l'argent) Tiens donc.

Picard. (Modestement) Eh! non, monsieur, j’espère que cela ne sera rien.

M. Géronte. Tiens toujours.

Picard. (En refusant par honnêteté) Monsieur...

M. Géronte. (Vivement) Comment! tu refuses de l'argent? est-ce par orgueil? est-ce par dépit? est-ce par haine? Crois-tu que je l'aie fait exprès? Prends cet argent, prends-le, mon ami: ne me fais pas enrager.

Picard. (Prenant l'argent) Ne vous fâchez pas, monsieur; je vous remercie de vos bontés.

M. Géronte. Vas-t-en tout-à-l’heure.

Picard. Oui, monsieur. (il marche mal)

M. Géronte. Vas doucement.

Picard. Oui, monsieur.

M. Géronte. Attends, attends; tiens ma canne.

Picard. Monsieur...