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LE BOURRU BIENFAISANT 197


SCÈNE XVIII.

Dorval, monsieur Géronte, Angélique.

M. Géronte. (Avec gâité, à sa manière) Bon, bon, courage! J’en suis ravi, mes enfans.

Angélique. (Se retire toute mortifiée, et Dorval sourit.

M. Géronte. Comment donc? est-ce que ma présence vous fait peur? Je ne condamne pas des empressemens légitimes. Tu as bien fait, toi Dorval, de la prevenir. Allons, mademoiselle, embrassez votre époux.

Angélique. (Consternée) (Qu’entends-je?)

Dorval. (A part, en souriant) (Me voilà découvert).

M. Géronte. (A Angélique, avec vivacité) Qu’est-ce que cela signifie? Quelle modestie déplacée! quand je n’y suis pas, tu t’approches; et quand j’arrive, tu t’éloignes! Avance-toi. (à Dorval, en colère) Allons, vous, approchez donc aussi.

Dorval. (En riant) Doucement, mon ami Géronte.

M. Géronte. Oui, vous riez, vous sentez votre bonheur; je veux bien que l’on rie: mais je ne veux pas que l’on me fasse enrager; entendez-vous, monsieur le rieur? Venez-ici, et écoutez-moi.

Dorval. Mais, écoutez vous-même.

M. Géronte. (A Angélique) Approchez donc. (il veut la prendre par la main)

Angélique. (En pleurant) Mon oncle...

M. Géronte. (A Angélique) Tu pleures, tu fais l’enfant! Tu te moques de moi, je crois. (il la prend par la main, et la force de s’avancer au milieu du théâtre; ensuite il se tourne du coté de Dorval, et lui dit avec une espèce de gaieté) Je la tiens.

Dorval. Laissez-moi parler au moins.

M. Géronte. (Vivement) Paix!

Angélique. Mon cher oncle...

M. Géronte. (Vivement) Paix. (Il change de ton, et dit tranquillement) J'ai été chez mon notaire; j’ai tout arrangé; il a fait la minute devant moi, il l’apporterà tantôt, et nous signerons.

Dorval. Mais, si vous vouliez m’écouter...