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LE BOURRU BIENFAISANT 195

Dorval. Il pense à vous... sérieusement.

Angélique. C'est un bonheur pour moi.

Dorval. Il pense a vous marier.

Angélique. (Ne marque que de la modestie.)

Dorval. Hem? Qu’en dites-vous?

Angélique. (Ne marque que de la modestie.)

Dorval. Seriez-vous bien-aise de vous marier?

Angélique. (Modestement) Je dépends de mon oncle.

Dorval. Voulez-vous que je vous dise quelque chose de plus?

Angélique. (Avec un peu de curiosité) Mais... tout comme il vous plaira, monsieur.

Dorval. C'est que le choix en est déjà fait.

Angélique. (A part) (Ah, ciel! que je crains!)

Dorval. (A part) (C’est de la joie, je crois).

Angélique. (En tremhlant) Monsieur, oserois-je vous demander...

Dorval. Quoi, mademoiselle?

Angélique. (Toujours en tremblant) Le connoissez-vous celui qu’on m’a destiné?

Dorval. Oui, je le connois; et vous le connoissez aussi.

Angélique. (Avec un peu de joie) Je le connois aussi?

Dorval. Certainement, vous le connoissez.

Angélique. Monsieur, oserois-je...

Dorval. Parlez, mademoiselle.

Angélique. Vous demander le nom du jeune homme?

Dorval. Le nom du jeune homme?

Angélique. Oui; si vous le connoissez.

Dorval. Mais... Si ce n’étoit pas tout-à-fait un jeune homme?

Angélique. (A part, avec agitation) (Ciel!)

Dorval. Vous êtes sage... Vous dépendez de votre oncle...

Angélique. (En tremhlant) Croyez-vous, monsieur, que mon oncle veuille me sacrifier?

Dorval. Qu’appellez-vous sacrifier?

Angélique. (Avec passion) Mais... sans l'aveu de mon coeur. Il est si bon! Qui pourroit lui avoir donné ce conseil? Qui est-ce qui lui auroit proposé ce parti?