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164 ACTE PREMIER


Marton. Non? Cependant, j’aurois quelque chose d’intéressant...

M. Géronte. Eh bien! Qu’ as-tu à me dire? Dépéche-toi.

Marton. Votre nièce voudroit vous parler.

M. Géronte. Je n’ai pas le temps.

Marton. Bon!... C’est donc quelque chose de bien sérieux que vous faites-là?

M. Géronte. Oui, cela est très-sérieux. Je ne m’amuse guères; mais, quand je m’amuse, je n’aime pas qu’on vienne me rompre la tête, entends-tu?

Marton. Cette pauvre fille...

M. Géronte. Que lui est-il arrivé?

Marton. Ou veut la mettre dans un couvent.

M. Géronte. (Se levant) Dans un couvent! Mettre ma nièce au couvent! Disposer de ma nièce sans ma participation, sans mon consentement!

Marton. Vous savez les dérangemens de monsieur Dalancour?

M. Géronte. Je n’entre point dans les désordres de mon neveu, ni dans les folies de sa femme. Il a son bien; qu’il le mange, qu’il se ruine, tant pis pour lui; mais, pour ma nièce! je suis le chef de la famille, je suis le maître, c'est à moi à lui donner un état.

Marton. Tant mieux pour elle, monsieur; tant mieux. Je suis enchantée de vous voir prendre feu pour les intéréts de cette chère enfant.

M. Géronte. Où est-elle?

Marton. Elle est tout près d’ici, monsieur; elle attend le moment...

M. Géronte. Qu’elle vienne.

Marton. Oui, elle le désire très-fort; mais...

M. Géronte. Quoi?

Marton. Elle est timide...

M. Géronte. Eh bien?

Marton. Si vous lui parlez...

M. Géronte. (Vivement) Il faut bien que je lui parle.

Marton. Oui; mais ce ton de voix...

M. Géronte. Mon ton ne fait de mal à personne. Qu’elle vienne, et qu’elle s’en rapporte à mon coeur et non pas à ma voix.