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LE BOURRU BIENFAISANT | 161 |
tems; Dalancour m’a toujours paru un garçon sage, honnête, vif, emporté même quelquefois; mais...
Marton. Vif! oh! très vif, presqu’autant que son oncle: mais il n’a pas les mêmes sentiments; il s’en faut de beaucoup.
Valère. Tout le monde l’estimoit, le chérissoit. Son pere étoit très-content de lui.
Marton. Eh! monsieur, depuis qu’il est marié, ce n’est plus le même.
Valère. Se pourroit-il que madame Dalancour?...
Marton. Oui, c’est elle, à ce qu’on dit, qui a cause ce beau changement. Monsieur Géronte ne s’est brouillé avec son neveu que par la sotte complaisance qu’il a pour sa femme; et je n’en sais rien, mais je parierois que c’est elle qui a imaginé le projet du couvent.
Angélique. (A Marton) Qu’entends-je? ma belle-soeur, que je croyois si raisonnable, qui me marquoit tant d’amitié! je ne l'aurois jamais pensé.
Valère. C'est le caractère le plus doux...
Marton. C'est précisément cela qui a seduit son mari...
Valère. Je la connois, et je ne peux pas le croire.
Marton. Vous vous moquez, je crois. Est-il de femme plus recherchée dans sa parure? Y a-t-il des modes qu’elle ne saisisse d’abord? Y a-t-il des bals, des spectacles où elle n’aille pas la première?
Valère. Mais son mari est toujours avec elle.
Angélique. Oui, mon frère ne la quitte pas.
Marton. Eh bien! ils sont fous tous deux, et ils se ruinent ensemble.
Valère. Cela est inconcevable.
Marton. Allons, allons, monsieur; vous voilà instruit de ce que vous vouliez savoir: sortez vite, et n’exposez pas mademoiselle à se perdre dans l’esprit de son oncle, qui est le seul qui puisse lui faire du bien.
Valère. (A Angélique) Tranquillisez-vous, ma chère Angélique; l’intérêt ne formerà jamais un obstacle...
Marton. J’entends du bruit: sortez vite. (Valère sort)