Pagina:Goldoni - Opere complete, Venezia 1923, XXII.djvu/168

160 ACTE PREMIER

Marton. Cela est vrai. Mais dans ce salon (vous le savez bien) il s’y promène, il s’y amuse. Voilà-t-il pas ses échecs? Il y joue très-souvent. Oh! vous ne connoissez pas monsieur Géronte1.

Valère. Pardonnez-moi; c'est l’oncle d’Angélique, je le sais: mon père étoit son ami, mais je ne lui ai jamais parlé.

Marton. C'est un homme, monsieur, comme il n’y en a point; il est foncièrement bon, généreux; mais il est fort brusque et très-difficile.

Angélique. Oui, il me dit qu’il m’aime, et je le crois; cependant, toutes les fois qu’il me parle, il me fait trembler.

Valère. (A Angélique) Mais qu’avez-vous à craindre? Vous n’avez ni père ni mère: votre frère doit disposer de vous: il est mon ami; je lui parlerai.

Marton. Eh! oui, fiez-vous à monsieur Dalancour!

Valère. (A Marion) Quoi! pourroit-il me la refuser? Marton. Ma foi, je crois que oui.

Valère. Comment!

Marton. Écoutez, en quatre mots. (à Angélique) Mon neveu, le nouveau clerc du procureur de monsieur votre frère, m'a appris ce que je vais vous dire: comme il n’y a que quinze jours qu’il y est entré, il ne me l’a dit que ce matin; mais c'est sous le plus grand secret qu’il me l’a confié; ne me vendez pas, au moins.

Valère. Ne craignez rien.

Angélique. Vous me connoissez.

Marton. (Adressant la parole à Valère, à demi-voix, et toujours regardant eux coulisses) Monsieur Dalancour est un homme ruiné, abymé; il a mangé tout son bien, et peut-être celui de sa soeur; il est perdu de dettes; Angélique lui pèse sur les bras; et, pour s’en débarrasser, il voudroit la mettre dans un couvent.

Angélique. Dieu! que me dites-vous là?

Valère. Comment! est-il possible? Je le connois depuis

  1. Nel testo è stampato sempre M. Géronte; e così M. Dalancour.