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choses, mais il faut, aumoins, qu’à coté de l'erreur il y ait un peu de verité, et que l'illusion ne soit pas un aveuglement. Or à quel dégré ne faut-il pas s’aveugler pour prendre Arlequin avec son masque hideux pour une jeune et belle Princesse, comme il faut le supposer dans quelques Pieces Italiennes?

Une des plus grandes contradictions de l'esprit humain, c'est sans doute la differente disposition, dans laquelle nous nous trouvons aux deux Comédies de Paris. Nous sommes aux Italiens avec un autre gout, d’autres yeux, et même une autre ame qu'aux François. On diroit qu’il y ait un talisman aux portes des deux Théâtres, qui au moment que nous y mettons le pied nous transforme, et nous metamorphose sans que nous nous en apercevions. Nous applaudissons à l'un, ce que nous sifflerions à l'autre. Tout le naturel, tout l'art, tout le jeu, tous les agrémens des Preville 1 et des Dangeville 2, ne nous rendroient pas seulement supportable ce que les Carlin3 et les Camille4 nous rendent délicieux. Il ne faut pas, je crois, chercher les raisons de cette contradiction ailleurs que dans l'habitude; et vous sçavés, Monsieur, qu’à cet égard l'esprit est bien plus difficile à guerir que le corps.

Je ne pretend pas, il s'en faut de beaucoup, avilir nos Acteurs Italiens, dont j’estime et j’admire autant que vous les talents. Il y a longtemps que j’ai reconnû dans l’Arlequin5, dans le Pantalon6, et dans tous ceux qui composent à Paris la scène Italienne, non pas seulement ce qu’on appelle un bon Arlequin, un bon Pantalon, etc. mais des Comédiens excellens, et des Acteurs pleins d’âme et de genie. Je ne m’en prends donc point aux Comédiens Italiens, de la misère des Comédies Italiennes. Je les

  1. Goldoni. Mémoires, P. III, cap. i 4 15. 39 (nota di G. Mazzoni, ed. cit. II, 422).
  2. Carlo Botot Dangeville recitò sulle scene della Commedia Francese dal 1702 al 1740, e morì nel 1743. Gli succedette sullo stesso teatro il nipote, che cominciò a recitare nel 1730. V. Léris, Dictionnaire portatif dei Theâtres, Paris, 1754; Campardon, Les Comédiens du Roi de la Troupe Françoise etc, Parigi, 1879 ecc.
  3. Goldoni, Mémoires, P. III, cap. 3 (nota di G. Mazzoni, ed. cit., II, 415).
  4. Goldoni, Mémoires, P. III, cap. 3 e 4 (note di G. Mazzoni, I, 401 e II, 414).
  5. Carlo Bertinazzi, detto Carlin, ricordato sopra.
  6. A. M. Mattiuzzi, detto Collalto: v. Mémoires, P. I, cap. 7, e III, cap. 3 (note di G. Mazzoni, I, 458 e II, 416).