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LETTRE
de M. MESLE en reponse à celle de M. GOLDONI.
Je vous envoie, Monsieur, la traduction de votre Extrait, qui malgré les détails que vous avez eu soin de lui donner, ne presenterà qu'une idée imparfaite de votre Piece. Je vous avoue que ce n'est qu'apres l'avoir lue en entier sur le manuscrit que vous m’avez confié, que j’en ai senti les beautés. L’Extrait m’en avoit bien indiqué le sujet et la marche, mais il ne m’avoit pas rendu la finesse, la vivacité et les plaisanteries du Dialogue, le jeu, la chaleur et l'intérêt des situations, la liaison et l'apropos des Scenes, que la Piece entière m’a fait connoître.
Au reste j’ai conservé autant que le genie de notre langue a pû le permettre, vos tours et vos expressions, surtout dans les morceaux de Poësie. Mais à cet égard, j’ai cru que la prose ne feroit pas assez sentir aux François qui n'entendent point l'italien, l'harmonie et la beauté de vos vers; et comme j’ai craint en même-temps que la servitude de la rime ne m’éloignât trop de votre texte, et ne défigurat vos pensées, j'ai pris le parti de mettre en vers blancs le Sonnet, la Cantate, et le Madrigal, en vous suivant vers à vers, et en emploiant, tant qu’il a été possible, les mêmes épithetes, et la même mesure que vous. Je souhaite de tout mon coeur, que cette traduction vous fasse autant de plaisir que j’en ai eu à la faire, et je m’estimerai toujours heureux, quand le peu de connoissance que j’ai de votre langue me procurerà l'occasion de la faire naître souvent; il est bien juste que ce que je sçais d’Italien soit employé pour vous, puisque c’est a vous que je le dois, et que ce n'est qu'en vous lisant que j'ai connu et aimé les beautés de cette langue, et que j’y ai fait quelques progrés. Je ne vous fais point ici un vain compliment; j'ai pour garand de ma sincerité M. de Voltaire, l’homme de France qui se connoit le mieux à tout. Il a écrit quelque part qu’il faisoit apprendre l'Italien dans vos Pieces à