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nombreuses et maladroites restaurations qui en avaient, depuis long-temps, alteré la beauté. La preuve qu’il donne de cette assertion est que cette gravure offre des différences notables, dans quelques parties de la composition, avec la copie d’Ecouen, depuis transférée au Musée; copie faite dans l’école même de Léonard, et presque identique avec celle qui fut peinte, dans le mème temps, par Marc d’Oggionno, son élève, et qu’on voyait avec admiration à la Chartreuse de Pavie, lors même que l’original, dans tout l’éclat de sa conservation, n’avait reçu aucune atteinte ni du temps ni de l’ignorance, et brillait de tonte sa gloire.

Lorsque je vis le tableau de la Cène, à mon passage à Milan, il me parut dans un état avancé de dégradation. Plusieurs parties considérables en étaient plus qu’à demi effacées, d’autres menaçaient ruine. Le coloris devait avoir subi une grande altération, quoique cette magie de l’art ne dût jamais avoir été son mérite principal, eût-il même été colorié comme les tableaux du Titien. J’avais lu, dans les relations d’Italie, que Léonard désespérant de donner à la tête du Christ le caractère de beauté surhumaine et de charité divine dont son génie ayait conçu le type idéal, après d’inutiles efforts pour la rendre d’une manière digne de son modèle, avait enfin laissé cette tête imparfaite. J’ignore de quelles perfections il aurait pu l’embellir davantage; mais, l’admiration qu’elle me cause et que je me rappelle encore, après plus de trente ans, me persuada alors, même en présence des autres têtes les plus belles de la Cène, que celle du Christ en était la plus sublime.

M. Cochin, qui, dans son voyage d’Italie, écrit à sa manière ce qu’il a observé et peut-être aussi ce qu’il n’a point vu, y consigne, sur le tableau de Léonard, une assertion assez étrange dont mon ami me pria de vérifier l’exactitude, lorsque j’irai à Milan. Je m’acquittai de sa