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un juste dégoût pour une pièce dangereuse, j’en serai quitte pour un peu de confusion, si je dis après Mr. Rosteau, le Sr. Crasso, le Sr. Rossi et les autres, qu’on a blâmé le Bona- relli d’avoir introduit dans sa pièce une nymphe nommée Célie, qui aime également deux bergers tout à la fois, mais avec tant de passion et de fureur même qu’elle ne trouve que la mort qui puisse terminer le différend. Le Bonarelli se sentit piqué d’honneur, et voulant faire voir qu’il savait fort bien défendre ses fautes, il entreprit de prouver que le point qu’on lui reprochoit n’en étoit pas une. Il prétendit même justifier toute sa pièce par un traité italien qu’il fit exprès pour la ] défense de ce double amour sous le titre de Discorsi in difesa del doppio amore della sua Celia. C’est une pièce pleine d’esprit „ et d’érudition, et elle a paru si polie et si doctement travaillée, qu’on a crû que la faute qu’il avoit faite touchant les deux amours étoit un peché de pure malice, et qu’il l’avoit voulu commettre exprès pour avoir occasion de montrer au public jusqu’où pouvoit aller sa capacité pour défendre des paradoxes. Ce n’est pas que les censeurs ne soient retournés à la charge, et voyant qu’ils ne pouvoient attaquer la forme de la pièce ils se sont jettes sur la matière, et ont dit qu’il y avoit trop de philosophie et· trop de recherches sur un sujet d’amour. A dire le vrai, le Bonarelli a donné dans cet ouvrage des preuves de son habileté et de la beauté de son génie, mais il n’a pas suffisamment prouvé ce qui étoit en question. De sorte que l’on considérera toujours cet endroit de sa Philis comme une faute de jugement très-importante, et toute la pièce en général comme un piège dressé contre l’innocence et la pureté des moeurs. Pour ce qui regarde les manières et les expressions dans cet ouvrage, le père Rapin a remarqué que l’auteur pensoit toujours moins à dire les choses naturellement qu’à les dire avec esprit. » [Adrien Baillet, Jugemens des savons sur les principaux ouvrages des auteurs, Paris, 1722, t. V, n. 1378.]