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bien persuader que les ouvrages italiens de son «réformateur du théátre», de son «libérateur de l’ Italie», ne doivent point étre lus par des honnétes demoiselles d’aucun pays, mais uniquement par cette espèce d’arrière-petites-filles qui gagnent leur vie dans une certaine rue de Venise appelée «la rue de charbon», et ne doivent faire l’admiration que de ce comte Pietro Verri de Milan, mentionné plus haut, qui a eu la bonté de les próner de toute sa force dans une feuille périodique italienne, intitulée Le caffé de Détnétrius ^^) .
Monsieur de Voltaire fera aussi fort bien de se tranquilliser désormais sur le compte des poètes anglais, et nommément de Shakespeare, á la mémoire duquel on ferait un trop grand outrage, malgré tous ses défauts, je ne dis pas si on lui comparait le pauvre avocat Goldoni, mais si on lui comparait monsieur de Voltaire lui-méme, considerò comme écrivain dramatique. Il est certain que monsieur de Voltaire a moins de défauts, dans ses pièces de théátre, que n’en a Shakespeare. Pour un que monsieur de Voltaire puisse en avoir, Shakespeare en a cinquante, en a cent, en a deux cent, si l’on veut. Je conviens de tout cela sans la moindre difficulté: mais je prétends qu’on convienne aussi que chaque beauté de Shakespeare vaut un très grand nombre des beautés de monsieur de Voltaire, mème des plus travaillées et des mieux choisies. C’est lá l’opinion d’un homme qui n’est ni frangais ni anglais, qui a étudié la langue anglaise pendant trente ans et la fran^aise pendant plus de quarante.
(i) Monsieur de La Lande, dont je resxKicte le savoir, a fait mention dans son Voyage d’Italie de cette fciiille périodique, et nous a donne les nonis des merveilleux savants qui 1’ ont publiée á Milan. Dans ce Voyag-e de monsieur de La Lande il y a un très grand nombre d’erreurs et de bévues, pour le dire en passant. On en ferait pourtant, et fort aisément, le meilleur ouvrage dans son genre, si un petit nombre d’habiles italiens entreprenait de le corriger. A la téte d’une prétendue traduction francaise d’un ouvrage anglais, que j’ai publié ici á Londres il y a huit á neuf ans, on a eu la bonté de me préter une préface fort longue, et toute entière á la louange de monsieur de La Lande et de son Voyage. Je désavoue chaque mot de celle préface, de méme que plusieurs choses qu’on ni’ a prétées dans la traduction mème, qui est intitulée Les italiens. Par égard pour une dame de Paris que j’honore infiniment, je n’en dirai pas davantage pour le présent: h intendami chi può».
G. Baretti, Prefazioni e polemiche. 19