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plusieurs expériences j’ai trouvé que la différence n’est presque rien.

Vous me demanderez peut-ètre d’oú vient que votre langue fran9aise, et l’anglaise encore moins, ne saurait étre si aisément et si rapidement gazouillée que l’italienne par des femmes et des chátrés. Voici ma réponse á cette prétendue preuve que notre langue n’est point male. C’est que nous pronon^ons toutes nos voyelles d’un ton clair et net, ce qui donne á un chanteur le moyen de fredonner sur un «a» ou sur un «e» pendant une heure, s’il le veut, Vous autres fran^ais, vous prononcez un trop grand nombre de vos voyelles du nez plutót que de la bouche. On ne saurait fredonner sur ces voyelles-lá. Vous avez en outre une quantité innombrable d’«e» muettes et des diphtongues, qui, selon vous(i), font un effet fort harmonieux dans votre langue. J’en appelle á vos musiciens et je les prie de me dire s’ils peuvent s’arréter un seul instant sur ces «e» muettes et sur ces diphtongues, qui vous paraissent si harmonieuses. Ils ne l’oseraient, crainte de causer un éclat de rire. C’est á quoi vous n’avez point pensé, quand vous avez dit á l’aventure que les heureuses désinences des «e» muettes «laissent dans l’oreille un son qui subsiste encore après le mot prononcé, comme un clavecin qui résonne quand les doigts ne frappent plus les touches» . S’il y eut jamais de comparaison mal assortie, je crois que c’est celle des «e» muettes et des diphtongues au son du clavecin. Autant valait les comparer au son d’une cloche, qui dure encore plus longtemps que le son du clavecin après qu’on a laissé aller la corde. Apparemment monsieur de Voltaire ne sait pas que les clavecins, dont le son dure trop quand on a cesse de le toucher, ne sont guère des bons clavecins.

Les anglais, de leur coté, prononcent aussi quantité de leurs voyelles d’une manière serrée, outre qu’ils n’ouvrent guère la bouche quand ils parlent ou qu’ ils chantent; ce qui fait dire á nos maítres de musique que les dames anglaises chanteraient tout comme les nótres, s’il y avait moyen de leur séparer un

(i) Voyez la lettre á monsieur Diodati á la suite du Commentaire historique.