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Je suis entré dans tout ce verbiage grammatique pour vous taire sentir la difficulté de bien dire méme les choses les plus simples et les plus communes dans les langues qui nous sont étrangères. Vous ne voudriez pas adopter dans votre langue la moindre phrase de la langue italienne ou de telle autre langue que ce soit, sachant, comme vous savez, que rien n’enlaidit tant les langues que les phrases exotiques. Prenez donc patience si je me moque un peu de vous, monsieur le «vialinf arinato», quand vous venez follement franciser la mienne. Il faut, s’il est possible, vous faire sentir qu’il ne vous appartieni aucunement de juger de nos auteurs avec cette arrogance ridicule qui vous est si familière. Avant donc de louer ou de blámer nos auteurs, apprenez l’italien, vous dis-je, et faites au moins en sorte de pouvoir écrire une courte lettre sans étre obligé de vous traduire verbalement á l’aide du dictionnaire d’Antonini.
N’allez cependant pas retorquer sur moi, monsieur de Voltaire, en venant me dire que mon présent barbouillage est tout farci d’ italianismes ou d’anglicismes. Je le crois sans que vous vous donniez la peine de m’en convaincre. Je n’ai jamais rien imprimé de ma fagon en votre langue, et je me serais bien gardé de vous parler fran^ais, si quelque habile anglais eút voulu prendre la peine de vous confuter sur l’article de Shakespeare dans la seule langue que vous entendez. En écrivant cette pauvre apologie de ce poète, je ne cherche pas á me donner pour un maitre passe dans votre langue, quoique, á vrai dire, je l’aie beaucoup étudiée. Mais voyant que tout le monde dort et qu’on vous laisse dire sans jamais vous contredire, je me suis fait courage á démasquer un imposteur insolent, qui depuis un demi-siècle a cherché de faire accroire á toute l’Europe qu’il est très savant en anglais et en italien, quoiqu’il ne sache goutte ni de l’un ni de l’ autre. Si j’avais exécuté ma táche en anglais ou en italien, ce n’aurait pas été le moyen de vous convaincre d’imposture aux yeux de vos compatriotes, dont la plupart n’entendent rien á ces deux langues. Voilá ce qui m’a fait résoudre á vous confuter en fran9ais, bon ou mauvais n’ importe, pourvu qu’on m’ entende. Revenons á présent sur nos pas.