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Au reste, monsieur de Voltaire n’a point inventé son ombre de Ninus d’après Shakespeare. Il n’a fait que l’emprunter d’un certain Muzio Manfredi, auteur italien du seizième siècle, qui écrivit une tragèdie intitulée Sémiramis (^^ tout comme la sienne. Dans catte tragèdie e ’est «l’ombra di Nino» qui ouvre la pièce par un long monologue, dont voici les trois premiers vers:

Dal regno della notte e della morte qui m’è concesso di venir da Pluto a riveder cruccioso i vivi e il sole.

Monsieur de Voltaire, apparemment par inadvertence, a oublié dans sa préface de faire mention de cette Sémiramis italienne. J’en suis bien aise; car, ayant tant maltraité dans cette préface le Hamlet de Shakespeare, que n’aurait-il dit de la ■p2M\x^ Sémiramis ás. Manfredi, infèrieure de beaucoup á V Hamletí Je voudrais bien pour son honneur qu’il eút aussi gardé le silence á l’ègard du spectre danois, et qu’entre autres choses il n’eút point táché de l’avilir dans ses Mélanges littéraires, en traduisant une partie de l’entretien des deux soldats d’un style plat et badin, puisque cet entretien est simple et sèrieux dans l’originai de Shakespeare.

Dans ses discussions sur cet entretien, monsieur de Voltaire donne le titre de «docteur» au soldat qui parie au spectre, et je devine que la belle idèe de le titrer si honorablement lui vint á l’esprit en lisant ce que l’autre soldat lui dit: «Thou art a scholar, speak to it >. Ces paroles ne veulent pourtant dire autre chose si non: «Parie-lui, toi qui as étudiè». Monsieur de Voltaire, á ce que j’imagine, trouva dans le Dictionnaire de Boyer

(i) Voyez un recueil de tragédies imprimé á Venise par Stefano Orlandini, 1746, in 8», et en trois volumes, intitulé Teatro italiano o sia scelta di tragedie per uso delta scena. La Semiramide est la troisième du second volume. L ’auteur la fit imprimer de son vivant á Bergame en 1593, in 4». Le marquis Maffei de Verone, assez connu par plusieurs ouvrages et par sa Mèrope, loue beaucoup cette tragèdie de Manfredi, oú l’on trouve de très beaux vers et plusieurs passages fort pathétiques. Dans mon particulier, je l’ai trouvée un peu ennuyante, á cause qu’elle est chargée de plusieurs discours un peu trop longs.