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italiens et les anglais, étaient-ils, sont-ils des gens á cervelle renversée? Non. Voilá des contradictions qu’il est fort difficile de concilier!
Quant á moi, j’attribue l’ impossibilité des fran9ais á faire rien de bon d’un grand nombre de beautés indigènes des autres langues, á quelque manque qu’il y a dans la leur; mais en quoi ce manque consiste, voilá ce que je ne saurais vous dire, quoique je me sois bien de fois tourmenté la cervelle pour la deviner. Peut-ètre les langues de ces quatre nations, ayant été formées dès leurs commencements par des républicains, ont une liberté que la fran<;aise n’a point, parce qu’elle est née et s’est perfectionnée chez des monarques, dans les cours desquels elle a re^u la meilleure partie de son éducation. Peut-étre elles abondent en mots et en phrases plus que la langue frangaise; peut-étre que les premiers poètes de ces quatre nations, plus téméraires que les premiers poètes de France, ont accoutumé de bonne heure les gens á les suivre dans leurs élans á travers les régions du caprice et de l’extravagance.
Mais encore ce ne sont lá que des conjectures: ce ne sont peut-ètre que des rèves. Ce qu’il y a de sur est que la langue fran^aise, quoiqu’une des plus belles que les hommes aient jamais parlée, ne saurait, ni en prose ni en vers, se prèter de bonne volente aux beautés indigènes des autres langues, et que ces autres langues ne se refusent pas si entièrement qu’elle á leurs beautés réciproques.
L’ incapacité de la langue frangaise á cet égard est si généralement reconnue (’), qu’on ne saurait en douter pas mème en France; et c’est dans cette incapacité qu’il faut chercher la source de toutes ces critiques folles, que monsieur de Voltaire et tant d’autres fran<^is ont fait, tantót d’un passage d’ Homère
(i) Le fameux Lefèvre a dit: «Quoiqu’ Homère soit admirable en sa langue, on n’en saurait pourtant faire aucune traduction en la nòtte qui puisse beaucoup plaire: c’est ce qui a fait que plusieurs personnes qui n’ont vu que ces inalheureuses copies [c’est á dire les traductions faites de son temps] n’ont jamais pu se persuader que l’originai pút avoir toutes les beautés que l’antiquité y a reconnues».