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certain que les vers, qu’ils soient bons, qu’ils soient mauvais, sont tous intraduisibles. N’ayant jamais pu comprendre ces deux vérités, comment aurait-il compris qu’une infinite de choses supérieurement belles dans une langue ne valent plus guère, aussitót qu’on les tourne dans une autre?

Rien n’est plus aisé á comprendre que la grande difficulté, pour ne pas dire l’ impossibilité absolue, de faire sentir par une traduction ce qu’un auteur veut dire quand il parie en prose; á plus forte raison quand il parie en vers; et tout homme sensé doit étre convaincu, á la première lecture des Réflexioíis de Boileau sui’ quelques passages de Longin, que plusieurs mots de la dernière bassesse en frangais n’ont rien de bas en grec ni en hébreu. Je crois que plusieurs mots hébreux ou grecs très bas ont des équivalents fort nobles en frangais; et si Boileau avait été aussi savant dans les langues modernes qu’il l’était dans la grecque, il aurait donne un plus grand lustre á sa remarque en la poussant un peu plus loin. Qu’il me soit permis d’ajouter un petit nombre d’exemples aux siens, comme par manière d’appendice á ses Réflexions.

Boileau lui-mème a ce vers quelque part:

Ont pétri le salpétre, ont aiguisé le fer.

On ne saurait traduire ce vers á la lettre en anglais sans faire rire, á cause que le mot «salpétre», très poétique en frangais, n’est qu’un mot de cuisine en Angleterre. Quand un anglais veut exprimer poétiquement la chose appelée «salpétre» par les frangais, il dit «nitre», et non pas «saltpeter» ou, comme d’autres écrivent, <i saltpetre» . Cependant «saltpeter» et «salpétre» signifient exactement la méme chose dans le discours familier.

Virgile dans sa quatrième églogue veut dire que dans une certaine occasion la terre produira certaínes plantes. Voici comme il s’ exprime:

Errantes ederas passim cum baccare tellus, mixtaque ridenti colocasia ftmdet acantho.