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non moins singuliers que vrais, dont méme ses pièces les plus faibles et les plus négligées pouvaient lui fournir un nombre fort ampie?

Farmi les caractères de Shakespeare il y en a plusieurs, dont on n’eut jamais d’idée, que je sache, ni en Franca ni ailleurs. N’était-ce pas lá une occasion á souhait pour faire parade de critique et pour déployer tonte sa science dans les choses de théátre? Que n’en a-t-il contrastò quelques-uns des plus frappants aux plus frappants d’entre ceux que la scène fran9aise a fourni depuis le grand Corneille jusqu’á lui-méme inclusi vement? Entre les plus frappants caractères de Shakespeare, je ne puis assez admirer celui de ce Caliban que j’ai mentionné plus haut. Il faut avoir la cervelle bien poétique pour inventer un tei homme et le rendre tout á fait vraisemblable, malgré l’impossibilité de son existence! Figurez-vous une sorcière scélérate transportée, pour le reste de ses jours, dans une petite ile deserte et laissée lá á la merci du sort. Elle est actuellement grosse d’un esprit malin. A son arrivée dans l’ile, elle accouche d’un gar^on, qu’elle nourrit comme elle peut pendant un temps. Elle meurt, et le laisse lá tout petit. Cependant il ne périt pas, mais á l’aide de son instinct il trouve moyen de conserver sa vie comme tout autre animai. C’est á cette créature-lá que Shakespeare a donne de la raison et de l’amour. Mais quel amour! quelle raison! Ni plus ni moins qu’en devait avoir un monstre né des oeuvres d’un esprit malin et d’une sorcière des plus méchantes. Que d’idées neuves! que de sentiments uniques ! Ils n’en sont pourtant pas moins puisés dans le plus grand vrai de la nature. Il faudrait ètre bien bon peintre pour faire un pendant á ce tableau-lá!

Voyez Shylock dans la pièce intitulée Le marchand de Venise. Ce Shylock est un juif abominable, á qui le hasard a donne un pouvoir legai sur la vie d’un chrétien qui lui a fait quelque injure. Il faut voir avec quelle rage le maudit fils d’Israel sacrifie son avarice á la soif du sang de son ennemi!

Que vous dirai-je de Falstaff, de l’inimitable Falstaff, qui a tant de vices et tant de bon sens? tant de bon sens qu’on