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oú l’on ne saurait pas seulement qu’il y a du «peuple», si ce n’était par le vacarme qu’il y fait souvent. Cast battre la campagne, monsieur de Voltaire, quand vous répondez en ces termes á des objections raisonnables. C’est faire semblant d’aller attaquer l’ennemi et vous cacher derrière les haies et les broussailles. Au Heu de ces mauvaises raisons, il aurait mieux valu dire tout-á-plat que la nation anglaise n’ est qu’ un amas de sots, et n’a été qu’un amas de sots depuis deux siècles. Cela aurait au moins fait faire un éclat de rire á messieurs les académiciens; mais d’aller les berner avec quelque chose qui ressemble á de la philosophie et n’est que du déraisonnement, c’est vous moquer un peu trop de vos respectables confrères.

Supposons néanmoins que Shakespeare mérite d’étre foulé aux pieds par les comédiens de la foire et d’avoir toutes ses pièces brúlées en Grève: fallait-il pour cela que monsieur de Voltaire courút s’adresser «au roi de France, á la reine de France, á tous les seigneurs et dames de la cour de France, á tous les savants de France», comme il a fait dans sa Lettre á V Académie frangaise, pour les engager tous á interdire une traduction pitoyable des farces de ce Shakespeare, et á le venger de ce que le sieur Letourneur a dit indirectement au désavantage des traductions qu’ il fit jadis lui-méme de cet «histrion barbare»? fallait-il aller dire «á toutes les cours de l’Europe, á tous les académiciens de tous pays, á tous les hommes bien élevés dans tous les états», que le susdit traducteur des susdites farces «n’a pas seulement daigné de nommer Corneille dans sa préface aux farces mémes» ?

Voilá bien des péchés qui ne s’en iront pas avec de l’eau bénite! voilá bien de quoi jeter l’épouvante dans tonte la France et dans tonte l’Europe!

Je voudrais pourtant de tout mon coeur que monsieur de Voltaire pút réussir dans son noble dessein de conclure un traité de ligue offensive et défensive entre tous les susdits personnages contre ce «faquin» et «maraud» de Letourneur. Le beau spectacle de voir le plus puissant des rois, la plus belle reine qu’on ait jamais vu, á la téte d’un escadron immense de