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s’agit d’ouvrages d’esprit, l’on peut fort bien sentir, sans le secours des langues respectives, que «les nations éclairées» ont toujours raison, quand tous les individus qui les composent sont unanimes dans leurs jugements pendant des siècles? Il n’est pas nécessaire de savoir le g^ec et le frangais pour sentir que les grecs et les fran<;ais ont eu raison en admirant Homère et Corneille.
Se serait-on attendu, après un trait si vif de sens commun, après un témoignage si fort, donne par monsieur de Voltaire en faveur de Shakespeare, se serait-on attendu au nombre des sottises qu’il a vomi ensuite contre lui en différents temps, et aux deux lettres dernièrement écrites á monsieur d’Argentai et á l’Académie fran(;aise? Dans celle á l’Académie, il a bien prévu qu’on lui objecterait l’impossibilité que tonte la nation anglaise se trompe lourdement, et que lui seul ait raison. Voici comme il táche de se tirer de ce mauvais pas.
Il dit que «partout. et principalement dans les pays libres, le peuple gouverne les esprits supérieurs». Peut-on déraisonner de la sorte? Les esprits supérieurs se laisser gouvemer par les inférieurs en fait de goút! Pope et W’arburton, après Ben Johnson et Milton, n’ont donc estimé Shakespeare que parce que le peuple l’estime? Monsieur de Voltaire lui-mème ne prise-t-il Corneille et Racine que parce que les badauds de Paris les prisent? Il ajoute que «le peuple alme partout les spectacles chargés d’événements incroyables et y entraíne la bonne compagnie». Quel subterfuge! Oú est l’incroyable des événements dans les pièces de Shakespeare plus que dans celles de tout autre dramatiste? Les événements qu’il a donne lui-méme dans sa Mérope, dans son CEdipe, dans sa Sémiratnis, ne sont-ils pas «incroyables»? Cependant ces pièces en sont-elles méprisées?
Il faut savoir d’ailleurs que, bien loin que le peuple «attire la bonne compagnie» á la représentation des pièces de Shakespeare, il n’y a place dans les deux théátres de Londres que pour la cinquième partie de ces gens, que monsieur de Voltaire désigne par les appellatifs d’«esprits inférieurs» et de «peuple». Voyez si la «bonne compagnie» peut étre attirée á des spectacles