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sentir certains tours forts d’une langue á ceux qui ne l’entendent point. On m’entendra pourtant quand je dirai que le verbe «io gibber» veut dire «parler un langage inintelligible», «parler d’une manière mal articulée»; on derive ce mot d’«algebre», qui dans le sens vulgaire veut dire «une chose á laquelle personne n’entend goutte». Voilá le verbe que monsieur de Voltaire traduit par celui de «sauter», qui est en anglais ^to jump-h. Au lieu de faire «crier ces morts», il aurait mieux réussi dans son dessein de faire rire ses lecteurs, s’ il eút traduit: «les morts dansèrent». «Danser» va mieux d’accord avec «sauter», que ne va pas «crier».
Shakespeare appelle le coq <th^ bird of dawnittg i> , < l’oiseau du matin». En anglais cela est poétique. Monsieur de Voltaire traduit: «l’oiseau du point du jour». Voilá qui est bien poétique en fran^ais !
Shakespeare fait dire au prince Hamlet: «íny inky cloak», «mon manteau noir», «mon manteau de deuil». Monsieur de Voltaire traduit: «mon habit couleur d’encre», parce que l’adjectif «inky» est tire du substantif «ink», qui signifie «encre». Il s’en tient á la chose, au lieu de s’en tenir á la ressemblance de la chose. Est-ce ignorance ou malice?
J’ennuyerais trop si j’allais m’étendre davantage sur ces infidélités de monsieur de Voltaire. Mais accordons-lui que ces passages traduits mot-á-mot sont tous traduits très fidèlement: qu’y gagnera-t-il ? Je demande au lecteur si dans son opinion, il nous faut vraiment beaucoup d’esprit, beaucoup de savoir et beaucoup de peine pour rendre mot-á-mot telle chose que ce soit d’une langue á l’autre sans entendre celle qu’on traduit. Ne savonsnous pas que cela peut se faire fort aisément á l’aide du plus ignorant maitre de langue, et méme á l’aide d’un dictionnaire, après avoir appris par coeur une demi-douzaine de conjugaisons et quelques autres petits éléments de grammaire? Il n’y a guère de demoiselle de dix ans, dans les écoles de filles en Angleterre, qui ne sache ainsi traduire son Télémaque et les Entretiens de madame Le Prince. Mais quand monsieur de Voltaire traduit á la mode des petites demoiselles, s’ensuit-il qu’il sait plus d’anglais