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cependant d’écrire d’autres traités en anglais, il n’a pas écrit, durant l’espace de cinquante ans, une seule lettre á un ami. Et l’on croira qu’il aurait pu le faire s’ il l’eút voulu? l’on hésitera á dire qu’il perdit son anglais du moment qu’il perdit la piume de l’habile traducteur de ses deux traités?

— Mais comment sais-tu — me dira-t-on — qu’il n’ait jamais écrit en anglais á aucun de ses correspondants? t’es-tu tenu constamment á son coude pendant cinquante ans? as-tu vu tout ce qu’il leur a écrit depuis sa sortie d’Angleterre? t’en a-t-il fait serment lui-méme?

— De gráce, messieurs, pas tant d’ interrogatoires ! Ce chapitre-lá «je l’avais tout par coeur», comme dit la chanson; et je connais monsieur de la Trimouille tout aussi bien que le grand Dimois. J’ai donc l’honneur de vous dire positi vement, et plus que positivement, que monsieur de Voltaire n’a jamais écrit une seule lettre en anglais depuis le jour qu’il se rembarqua pour la France, il y a cinquante ans. Il en courut une il y a quelques années sous son nom au sujet du malheureux amirai Bing; mais elle était si détestable du coté de la lang^e, qu’on la crut forgée pour le rendre ridicule. Si elle était de lui, ce ne serait qu’une preuve de plus qu’il ne sait point l’anglais. Quoiqu’il en soit, il n’a jamais écrit une lettre anglaise á personne depuis qu’il quitta ce pays: non, pas une, vous dis-je; et je vous défie, tous tant que vous étes, de m’en montrer une courte ni longxie. Il y a bien des gens dans ce monde qui en conser\ent des gros paquets, toutes écrites de sa main: elles sont toutes en fran^ais, avec par-ci par-lá quelque «How do you dof >y quel que •«/ am very glad», quelque «/ love you much», et autres semblables gentillesses, copiées apparemment de sa grammaire. C’est lá tout l’anglais qu’il a su écrire depuis sa sortie d’Angleterre, oíi il fut bien fèté, bien diverti, bien amadoué, dans les temps qu’il ramassait des souscriptions pour son Henriade.

Je ne me fonde pourtant pas encore sur cela, quand je dis qu’il ne sait que peu ou point d’anglais. Ma plus forte conjecture je la tire- des nombreuses censures qu’il a passe en fran^ais sur plusieurs auteurs anglais. Souffrez que pour le présent je me

G. Baretti, Prefazioni e polemiche. 14