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une conception de l’Art où l’excellence de la forme prime le contenu restera toujours plus ou moins étrangère à l’âme de la femme et le poéte ne pourra pas envelopper cette âme dans son œuvre à lui. Cela étant, il préférera toujours son art et son ceuvre à l’amour d’une femme. Au contraire, le poète que j’attends, le poète aussi sensible à la beauté des idées et des sentiments qu’à la beauté physique, sera inspiré par le grand amour. Il n’aura pas de préférences à accorder, il lui sera impossible de distinguer son amour de son œuvre où se cachera discrètement, pareille à l’ombre qui se cache au centre de la flamme, une âme féminine exquise. Elle donnera à l’œuvre virile la finesse qui ne nuit pas à la grandeur, le parfum qui peut s’allier à la simplicité. Sans révéler son nom, c’est à elle que le poète donnera mentalement la gloire qui lui viendra des hommes. Elle en jouira avec la conscience de l’avoir méritée, parce qu’elle aura développé en lui tout le divin de son âme, elle l’aura aidé à se relever promptement de ses défaillances, elle aura été pour lui l’idée vivante de sa mission de poète, elle lui aura ôté méme la tentation de ce qui est lâche, de ce qui est bas. Cette idéalisation amoureuse de la femme qui nous a donné des chefs d’œuvre n’est presque plus comprise aujourd’hui,