Canti della guerra latina/Sur une image de la France croisée
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SUR UNE IMAGE
DE LA FRANCE CROISÉE
PEINTE PAR ROMAINE BROOKS
[MCMXV]
SUR UNE IMAGE
DE LA FRANCE CROISÉE
I
Ont-ils haussé l’éponge âcre au fer de la lance
contre sa belle bouche ivre du Corps Très-Saint?
La Croix sans Christ, qui souffre au-dessus de son sein
n’est que la double entaille acceptée en silence.
5Mais son œil est plus clair que la claire Provence,
mais son cœur est plus doux que le printemps messin.
Elle oint de sa douleur la force qui la ceint,
elle noue à ses pieds percés la Patience.
Et le vent du combat et l’or du jeune jour
10et les avrils non vus et l’amour de l’amour
et les chants non chantés vivent dans son haleine
La bandelette pure à son front est un feu
blanc qui conduit les morts. Et l’on voit sur la plaine
tomber de son manteau la grande ombre d’un dieu.
II
15O face de l’ardeur, ô pitié sans sommeil,
courage qui jamais n’écarte le calice,
force qui fais avec tes chairs ton sacrifice
et ta libation avec ton sang vermeil!
Sur quel bûcher, sous quel signe, pour quel réveil,
20à quel Avent ta foi chantait dans le supplice?
Plus haut que l’alouette à l’aube du solstice,
on vit soudain ton cœur bondir vers le soleil.
Car toute entière en toi lève la bonne race.
Là-bas, d’entre les neuf preux, sourit à ta grace
25mâle, par les barreaux de l’armet, Duguesclin.
Tu as communié, dans ta sainte vêture,
sous l’espèce du sol. Mais, couronné de lin,
ton front semble souffrir d’une étoile future.
III
France, France la douce, entre les héroïnes
30bénie, amour du monde, ardente sous la croix
comme aux murs d’Antioche, alors que Godefroi
sentait sous son camail la couronne d’épines,
debout avec ton Dieu comme au pont de Bouvines,
dans ta gloire à genoux comme au champ de Rocroi,
35neuve immortellement comme l’herbe qui croit
aux bords de tes tombeaux, aux creux de tes ruines,
fraiche comme le jet de ton blanc peuplier,
que demain tu sauras en guirlandes plier
pour les chants non chantés de ta jeune pléiade,
40ressuscitée en Christ, qui fait de ton linceul
gonfanon de lumière et cotte de croisade,
«France, France, sans toi le monde serait seul».
IV
Et voici le printemps de notre amour. Exulte
dans ton sang et jubile au bout de ta douleur,
45quand même tu n’aurais à cueillir d’autre fleur
que le héros jailli de la racine occulte.
«Sonnerai l’olifant», dit l’Ancêtre. O tumulte
de tes chênes! O vent de l’immense clameur!
Hauts sont tes puys, tes vaux profonds. On meurt, on meurt,
50et chacun de tes morts dans ta beauté se sculpte.
Entendez le signal, combattants, combattants,
âmes prises aux corps corame aux ceps le printemps,
comme aux poignets les fers, les bannières aux hampes.
Roland le comte sonne; et tout en est fumant,
55et en saigne sa bouche, en éclatent ses tempes
«Frappez, Français, frappez! C’est mon commandement!»
- 5 mai 1915.
Une lettre adressée à M. Alfred Capus, directeur du Figaro, accompagnait l’envoit de ces poèmes:
«Mon cher ami, je pars pour Gênes. On va jeter le dé. Ce qui n’est pas arrivé sous le signe du Bélier, va arriver sous le signe du Taureau. Cette bête zodiacale a un front encore plus dur, frontem duriorem frontibus eorum. De Gênes vous recevrez de grandes nouvelles.
J’ai composé quatre sonnets d’amour pour la France, et je les publie au profit de la Croix-Rouge de France, du Vestiaire des Blessés et de l’Hôpital auxiliaire du Val-de-Grâce n. II (institution italienne). Ils sont inédits. J’aimerais les donner au public français en guise d’adieu, Voulez-vous les publier dans le Figaro, le matin du 5 mai? A la même heure nous serons des alliés.
Au revoir, cher ami. Je vous serre la main bien affectueusement.
Ce 3 mai 1915.
En hâte, votre |