Pagina:Leopardi - Epistolario, Bollati Boringhieri, Torino 1998, II.djvu/809

Parlant de son Nicétas Eugénianus je dit bonnement que Struve en a rendu compte. Or Struve en a parlé deux fois, une fois dans une dissertation sur les romans grecs, et cette-fois-ci très bien, une fois mal, en prouvant que Boissonade n’entendait rien à la métrique. B[ois- sonade] s’est persuadé, ou s’est laissé persuader que c’était ce dernier morceau de Struve que j’entendais citer. Vous voyez bien, excellent ami, que vous avez sagement agi de ne pas venir à Paris. Nous autres, comme vous et moi, bonnes gens et probes, solides dans ce que nous savons, avouant quand nous ne som- mes pas ferrés, nous ne sommes pas fait du bois qu’il faut ici. Qu’on m’eut mis en lice, de bon et frane jeu, quoique je ne sois pas un aigle, j’aurais encore fait voir les étoiles en plein midi à mes concurrents. Mais au lieu de cela, ils ont dit que je n’étais pas Francis, ni gradué en France, que je n’y avais ni famille, ni parents. Le ministre depuis me dédommage par des titres pompeux; tantót je suis Docteur ès Let- tres, tantót Professeur de l’Université. Mais je reste rien, et je ne veux plus ètre quoique ce soit. Après toute cette expectoration ne vous désespérez pas pour moi, excellent et meilleur ami; ma barque va encore assez bien. Il y a tou- jours un bon Dieu pour les honnètes gens. Parlons un peu de vos papiers. Il m’a été impossible jusqu’à ce jour, malgré toutes les peines que je me suis données, de faire imprimer in extenso un de vos ouvrages. Le plus aisé aurait été les Cestes, s’ils étaient achevés. Dans cette pénurie de ressources j’ai imaginé un sin- gulier moyen. Aidé d’un de mes amis, M. Diibner, brave et savant Allemand, établi à Paris, j’ai fait un très sévère triage dans vos petits papiers, en n’y prenant que ce qu’il y avait de tout-à-fait incontesta- ble et neuf, et cela je l’ai fait insérer dans le Musée du Rhin de Wel- cker. Ces derniers jours je vous ai envoyé sous bande deux exemplai- res. Dites-moi ce que vous pensez de cette promulsis. Mon petit Monitum ne vous déplaira pas. Si j’étais placé en Allemagne je ferais des 8° superbes de vos papiers. Mais à Paris on ne le peut; la vie veut ètre sustentée chèrement, et les ressources au delà du Rhin m’échap- pent à fur et mesure que je m’encroute à Paris. Peut-étre arriverai-je à faire imprimer ici vos fragmenta SS. (dont on a fait 55, d’après ma belle ecriture) Patrum. Mais les prètres ici sont bien stupides. Mon nom ne paraìt pas sur le titre de S.J. Chrysostome parce que je suis protestanti! Votre discorso sopra la Batracomyomachia aura un succès éclatant.