Rivista di Scienza - Vol. II/La réforme de l'enseignement des mathématiques élémentaires
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LA RÉFORME DE L’ENSEIGNEMENT
des
MATHÉMATIQUES ÉLÉMENTAIRES
Au cours des dix dernières années on a fait de grands efforts en plusieurs pays dans le but de réformer l’enseignement des mathématiques élémentaires et surtout celui de la géométrie. Ces efforts sont provoqués en partie par des motifs pratiques, en partie par des motifs purement pédagogiques. Le but principal de l’enseignement des mathématiques à l’école était autrefois le développement des facultés logiques: partout on s’attachait surtout à la forme déductive de cet enseignement, plutôt qu’au contenu des théorèmes; mais de nos jours c’est de plus en plus l’application pratique des mathématiques qui acquiert la prépondérance. L’école supérieure est fréquentée par un nombre d’élèves toujours croissant qui se donneront plus tard à des professions techniques pour lesquelles les mathématiques sont un facteur indispensable. C’est pourquoi l’enseigneiment doit être disposé de manière à donner des notions pratiques; il faut que non seulement l’élève ait une conception claire des théories mathématiques, mais encore qu’il les sache appliquer en de domaines concrets.
Au point de vue purement pédagogique la question est toujours celle-ci: par quelles voies arrive-t-on le plus sûrement au but que l’on se propose par l’enseignement? Les reformateurs se reclamént des buts pratiques pour critiquer l’enseignement traditionnel; on s’efforce de développer les facultés logiques à l’aide du formalisme, mais il est douteux si cet effet pourra être obtenu losqu’on vide les mathématiques de leur contenu, et, en négligeant les applications pratiques capables d’éveiller l’intérêt de l’élève on lui apprend seulement a deduire une quantité de théorèmes étranges d’un néant apparent. L’élève ne peut rien objecter aux raisonnements du professeur, et partant il est forcé à admettre la justesse des théorèmes sans en concevoir la véritable signification.
L’étude des cours élémentaires des différents pays ne donne pas une idée complète de l’enseignement des mathématiques, on pourra seulement se faire une idée du procédé principal appliqué. Aussi il n’est pas aisé déterminer d’après les points de vue exposés ci-dessus, quels sont les pays qui se sont trouvés dans une situation plus difficile, soit d’un côté ceux qui ont conservé en quelque façon le système d’Euclide, soit de l’autre côté ceux qui ont laissé tomber les postulats et les axiomes et ont préféré édifier la géométrie dans le bleu. Mais s’il faut en croire le proverbe: «Chacun sait où le bât le blesse», les inconvénients du système traditionnel doivent avoir été plus sensibles en Angleterre, car ce pays est le foyer du mouvement réformatoire, et c’est d’ici qu’on a porte les attaques les plus vigoureuses à l’enseignement euclidien.
C’est l’ingénieur J. Perry qui a entamé la discussion en Angleterre. On doit etudier ses différents écrits polémiques1 pour se rendre compte de la chaleur et de l’énergie avec lesquelles il réduit à rien la valeur pédagogique de la Géometrie d’Euclide pour exposer enfin ses propres idées, et on verra en même temps qu’il a réussi par son travail à ce que bon nombre de juges particulièrement compétents se ralliassent a ses vues (British Association). Une série assez importante de cours élémentaires basés sur les principes de Perry ont maintenant paru; les catalogues des librairies anglaises abondent de «Practical Mathematics» auxquels Perry lui-même a fourni la base dans ses cours pour les ouvriers2. Il vaut bien la peine de faire la connaissance de ces cours élémentaires, et de reconnaître comme les Anglais savent très bien disposer une méthode d’enseignement pour servir de guide au professeur.
Voici les traits principaux dans le programme de Perry: l’enseignement de la géométrie doit commercer par des expériences et des mesurages, par lesquels les élèves acquièrent en géométrie les mêmes connaissances que donnent les expériences en physique. Cependant même dans la première phase de l’enseignement il faut donner aux élèves quelques idées au sujet de la déduction. Le mesurage est continué pendant tout l’enseignement de la géométrie, en partie par l’application du papier quadrillé; ainsi la géométrie se joint bientôt à l’arithmétique. La géométrie pure n’existe pas chez Perry. D’ailleurs l’exposition graphique est employée sur une grande échelle dans l’arithmétique et l’algèbre, et par ce procédé 011 introduit la notion de fonction. On arrive ainsi à une fusion parfaite des disciplines mathématiques.
Les adversaires de la réforme objecteront peut-être à la méthode que nous venons d’exposer que par cette voie les mathématiques perdent leur valeur en tant que facteur d’éducation intellectuelle, que la réflexion ne sera plus exercée comme par Euclide. Perry et ses partisans peuvent faire valoir contre cette objection que pour développer la faculté de penser, ils einployent les mêmes moyens que la vie; ils développent le bon sens, mais il évitent toutes méthodes scolastiques.
La fusion de l’arithmétique et de la géométrie, et surtout l’introduction par cette méthode de l’idée générale ont trouvé en Allemagne un apôtre énergique en Felix Klein (Goettingue). Dans le semestre d’hiver 1904-05 Klein a fait un cours sur l’enseignement des mathématiques, dont la publication vient d’être commencée3. Outre un exposé de ses propres projets de réforme, Klein a donné dans cette œuvre une description des différentes circonstances qui s’y rattachent par rapport a l’Allemagne et à d’autres pays, bref un excellent aperçu des questions concernant l’enseignement des mathématiques. Dans les écoles allemandes on donne un enseignement préliminaire de Geometrie par un cours propédeutique où l’on attache une importance particulière au développement de l’intuition. J’estime cependant que les cours anglais «Practical Mathematics» donnent aux élèves une experience géométrique plus large. Voilà pourquoi Klein fait surtout ressortir la nécessité des mesurages directs au grand air, en insistant d’ailleurs sur une fusion complète de la géométrie et de l’arithmétique.
L’Allemagne peut trouver un modèle à sa réforme non seulement en Angleterre, mais encore en France, où les nouveaux «Plans d’études de 1902» ont déjà réformé considérablement l’enseignement des mathématiques. On peut s’en faire une idée le mieux en étudiant les nouveaux livres4, où la notion de fonction est introduite dès le début. Mais aussi pour la géométrie, le mouvement de réforme est en bonne voie, voir p. ex. l’enquête à laquelle la nouvelle publication Revue de l’enseignement des sciences vient d’inviter dans son premier numéro. En parcourant la géométrie de Borel5 il en ressort que ses efforts portent dans une direction que ceux de Perry. Il est vrai que Borel aussi veut abandonner l’enseignement traditionnel, mais il me semble qu’il attache une moindre importance au mesurage direct, c. à. d. à la géométrie expérimentale, en visant surtout à la simplification des preuves géométriques par un usage étendu du mouvement. Ce n’est pas seulement pour vérifier l’égalité des figures que Borel a recours à leurs mouvements; les translations et les rotations sont employés comme de moyens de démonstration à la base de son système; elles jouent un rôle fondamental parce que certaines propriétés qui se rattachent à ces opérations sont conçues comme évidentes, ce qui permet de simplifier les démonstrations traditionnelles. Selon moi cette réforme présente une tendance moins heureuse, parce qu’elle ne fournit pas aux élèves, ni une expérience positive, ni un exposé logique de la vérité des théorèmes. Voilà me semble-t-il le noeud de la question. Il importe que pendant l’enseignement les élèves comprennent s’ils ont à faire à un fait expérimental ou à une déduction logique. La pratique a prouvé qu’un mélange obscur de raisonnements et de phénomènes évidents amène la confusion, et on court le risque île porter atteinte au moral de l’enseignement, dans le sens que M. J. Tannery donne à ce terme dans son excellent article paru dans le numéro 1 de la «Rivista di Scienza»6. Contrairement à Perry et à Klein, Borel tient jusqu’à un certain point à la géométrie pure, et sous ce rapport je suis d’accord avec lui.
Tandis qu’en Angleterre, en Allemagne et en France le mouvement tend à renoncer à la stricte exactitude mathématique afin de s’assurer une intelligence pratique des élèves et à leur apprendre, dans l’école même, les éléments du calcul différentiel et intégral, d’autres efforts se sont fait, valoir en Italie. Le fond principal de l’enseignement des mathématiques dans le lycée italien est un cours de géométrie élémentaire élaboré avec beaucoup de soin; selon les plans d’étude les cours doivent suivre Euclide, sinon dans le texte, au moins en ce qui concerne l’exactitude du système deductif7. Quand on assiste à une leçon de géométrie dans un lycée italien on entend des explications faites dans une langue pour ainsi dire classique, où tous les mots portent pièce, où chaque détail est démontré, et l’existence de chaque point construit est demontrée en s’appuyant sur les suppositions faites.
Cependant comme on le sait, bon nombre de géomètres italiens ont fait de recherches approfondies sur les fondements de la géométrie et en partant des résultats acquis ils ont cru devoir renouveler l’enseignement élémentaire. C’est dans cet esprit que Veronese, Ingrami, Enriques et Amaldi ont publié leurs «Elementi di geometria». Ces œuvres sont d’une grande valeur toutes les trois, bien qu’elles ne s’adaptent pas également bien à l’enseignement. J’accorde la préférence aux «Elementi» d’Enriques et Amaldi parce que ce livre joint à l’exactitude de l’exposé une habileté pédagogique peu ordinaire. Il me semble ainsi que parmi les géométries élémentaires. celle-ci est une des plus remarquables.
Malgré ces efforts qui ne manqueront pas de laisser leurs traces d’une manière directe ou indirecte dans l’enseignement en Italie et en d’autres pays, il paraît que le mouvement opposé, que j’ai expliqué ci-dessus, commence a mettre en mouvement les esprits italiens, et sans doute il y fera naître aussi une réforme des études.
La difficulté sera ici comme partout de décider jusqu’à quel point il faut conserver les anciens théorèmes et méthodes, et jusqu’à quel point il faut les abandonner. Pour juger cette question il faudra bien se rendre compte de ce qu’il y a d’essentiel dans les différentes méthodes, anciennes et nouvelles, et des avantages qu’elles offrent aux élèves8. C’est justement par un examen comparatif des principes qui inspirent les différents systèmes pédagogiques que l’auteur de ces lignes a été amené à un systeme en quelque sorte moyen, qu’il a développé en un traité de Géométrie élémentaire9.
Des mesures et des expériences fournissent les propositions fondamentales de la Géométrie, qui se présentent ainsi, non pas comme de postulats qu’on demande d’accorder, mais comme de propositions expérimentales. Mais les théorèmes postérieurs aussi font l’objet d’une recherche expérimentale avant qu’on procède à leur démostration mathématique. En joignant ainsi les deux méthodes, il devient possible par l’application de la première de s’assurer que les élèves s’approprient réellement les faits de la géométrie, et à l’aide de la seconde de leur donner une compréhension réelle de ce que c’est une démostration mathématique. Partant on trouve réunis dans mon livre les deux courants pédagogiques de l’Angleterre et de l’Italie. Pour le Danemark ce livre signifie une réaction contre la méthode présentée dans la géométrie bien connue de Julius Petersen qui pendant bon nombre d’années a été la géométrie fondamentale chez nous, et qui peut-être sera le mieux caractérisée comme étant à mi-chemin entre Legendre et Borel. Ce n’est que dans un livre postérieur10 qu’on verra se joindre l’algèbre et la géométrie en la notion graphique de fonction, comme il est indiqué dans les nouveaux plans d’étude danois11. On reconnait dans ces plans l’empreinte du mouvement moderne en tant que pour toutes les directions d’étude on exige la connaissance des coordonnées aux angles droits et, on fait place, surtout pour la ligne des Sciences, aux éléments du calcul différentiel et intégral.
- Copenhague, Août 1907.
Note
- ↑ J. Perry - Englands neglect of Science — British Association. Meeting at Glasgow 1901. Discussion on the teaching of Mathematics. Ed. by J. Perry. London 1901.
- ↑ J. Perry - Practical Mathematics. Lessons delivered to working men. London.
- ↑ Klein u. Schimmach - Der mathematische Unterricht an den höheren Schulen. I. Leipzig 1907.
- ↑ p. ex Emile Borel - Algèbre. Premier et second cycle. Paris. 1903.
- ↑ Emile Borel - Géométrie. Premier et second cycle. Paris 1905 — Voir aussi: A. Grévy - Géométrie theorique et pratique. 3 éd. Paris. 1907.
- ↑ J. Tannery - Questions pédagogiques. L’enseignement secondaire.
- ↑ Elementi di Geometria de Sannia e D’Ovidio, de Faifofer et de De Paolis.
- ↑ T. Bonnesen - Geometriske Betragtninger. Nyt Tidsskrift for Mathematik. 1906. Kôbenhavn.
- ↑ T. Bonnesen - Geometri for Mellemskolen. 1904. Kôbenhavn.
- ↑ T. Bonnesen - Matematik for Gymnasiet etc. 1907. Kôbenhavn.
- ↑ Lov om hojere Almenskoler med dertil hôrende Anordninger. 1906. Kôbenhavn. (Loi sur les écoles normales supérieures et les prescriptions y appartenantes. 1907. Copenhague).